Olivier Kempf est docteur en science politique, chercheur associé à l’IRIS. Il est directeur de publication de La Vigie (www.lettrevigies.com), lettre d’analyse stratégique. Ses travaux l’ont d’abord porté sur la sécurité euro-atlantique, tout particulièrement l’OTAN. Il s’est spécialisé en cyberstratégie. Il a notamment publié « Introduction à la cyberstratégie » (2è édition, 2015, Economica) et « Alliances et mésalliances dans le cyberespace (2014, Economica).

Maître de conférences à Sciences Po, conseiller éditorial de la Revue Défense Nationale, dirige la collection « Cyberstratégie » chez Economica.

Auteur du blog EGEA.

Publications

. Géopolitique de la France, (Technip, 2013).

. Introduction à la cyberstratégie (Economica, 2012).

. Le casque et la plume (lettres de commandement), Editions Economica, 2010.

. L’OTAN au 21ème siècle, la transformation d’un héritage, Editions Artège, 2010.

http://www.diploweb.com/Strategie-du-cyberespace.html

Olivier Kempf : L’OTAN au XXIe siècle – La transformation d’un héritage Éditions du Rocher – Août 2014

voici un ouvrage qui était très attendu, en raison de l’évolution que l’alliance atlantique connaît depuis la fin de la guerre froide. L’auteur est docteur en sciences politiques, chercheur associé à l’Iris et conseiller éditorial de la revue Défense nationale. Il s’agit ici de la deuxième édition de cet ouvrage. [1] Avec la situation de tension en Ukraine, un pays qui, avec la Géorgie, a frappé en vain à la porte de l’alliance atlantique, il est clair que l’on a besoin d’une vision globale sur les capacités de l’alliance atlantique.Retour ligne automatique
L’ouvrage est évidemment particulièrement dense et très complet. On peut y trouver l’ensemble des thèmes qui concernent aujourd’hui la défense de l’union européenne, mais au-delà le monde occidental. L’ouvrage est également enrichi d’un index très complet, d’une table des cartes des illustrations, du texte intégral du traité de l’Atlantique Nord de 1949, et, ce qui n’est absolument pas inutile, à moins d’avoir passé plusieurs années dans les couloirs ou dans les salles de presse du siège de l’OTAN à Bruxelles, un index des acronymes. On peut penser à ce propos qu’il y en a presque autant que dans l’éducation nationale. La liste complète représente une quinzaine de pages. Pour l’Éducation Nationale qui concerne tout de même la plupart des lecteurs de La Cliothèque, on a ici une petite idée : http://www.education.gouv.fr/pid95/liste-des-sigles.htmlRetour ligne automatique
la table des matières est également un excellent outil de travail, et l’ensemble des 15 chapitres montre que l’auteur a voulu réaliser une synthèse majeure sur la question. Les deux premières parties sont consacrées à une présentation générale de l’alliance pendant la guerre froide jusqu’à l’implosion de l’Union soviétique. Le retrait français ainsi que ses conséquences sont très largement traitées, de même que cette période de la guerre fraîche marquée par la querelle des euromissiles. On notera dans ce cas précis la progression allemande, marquée par une montée en puissance de la Bundeswehr au sein du dispositif Otanien, montée en puissance dans l’Allemagne fédérale semble avoir du mal à payer le prix aujourd’hui.

Les États-Unis décideurs en dernier ressort

Le troisième chapitre présente les changements pendant une vingtaine d’années, de la situation 1990 avec une menace qui semble disparaître, une adaptation nécessaire vers plus de mobilité des forces et une réforme de la structure de commandement.Retour ligne automatique
Si l’Amérique est un décideur en dernier ressort, un forum où les États-Unis sont les plus à l’aise, il n’en reste pas moins que la situation a fortement évolué. La crise irakienne à la suite de l’intervention unilatérale contre l’Irak en 2002 et 2003 a montré que les Européens avaient leur mot à dire, même si pour les États-Unis ils ne peuvent envisager de soumettre leurs opérations militaires à leur contrôle politique. Les États-Unis sont obligés de naviguer entre deux extrêmes, le retour à l’unilatéralisme et en même temps celui de la participation à une alliance « ordinaire ».Retour ligne automatique
Le chapitre 6 traite de l’exception française de la rupture de 1966 jusqu’au rapprochement progressif à partir de 1990 jusqu’au retour de 2008. La question de ce retour n’a pas suscité, on s’en souvient, beaucoup de débats. Il s’agissait quand même d’une remise en cause majeure du socle gaulliste en matière de politique étrangère, même si d’après l’auteur il semblerait que ce retour de la France serait symétrique d’une sorte de désengagement des États-Unis. Pour la France l’enjeu est bien celui de la constitution d’une Europe de la défense dans laquelle elle pourrait faire participer ses partenaires à la défense projetée du continent, notamment en Afrique. Force est de constater que pour le moment, dans ce domaine, comme dans celui du développement d’une industrie européenne de défense, les réussites sont extrêmement modestes. Il est clair que la crise économique n’arrange pas les choses.

L’émergence de l’Europe – Encore un effort !

Pour autant dans le chapitre suivant l’auteur souligne l’émergence de l’Europe dans les affaires de défense avec la percée de leur politique européenne de sécurité de défense, surtout après le sommet de Saint-Malo. Des partenariats ont été renforcés, plusieurs missions ont pu être menées dans ce cadre, avec l’opération Concordia en Macédoine en 2003, Artémis au Congo, toujours en 2003, en décembre 2004, EUFOR Althea en Bosnie-Herzégovine. Par contre, les résolutions prises en propos du déploiement des forces européennes au Tchad et en République Centrafricaine, s’ils ont été suivis d’effets en termes de déploiement, n’ont pas été suffisantes pour stabiliser la situation, ce qui a engagé la France dans l’opération SANGARIS. Cette opération a été poursuivie sans que le soutien des partenaires européens n’ait été d’un grand poids.Retour ligne automatique
Décidée en décembre 2008, l’opération Atalante destinée à combattre la piraterie au large du code de la Somalie semble avoir porté ses fruits. C’est bien une opération européenne avec un commandement basé à Northwood, qui est associée à l’OTAN. Enfin, différentes missions à partir du Mali et de la République Centrafricaine ont été opéré par l’union européenne même si les forces en présence sont très largement françaises dans leur majorité. Il existe bien un partenariat entre l’union européenne et l’OTAN même si, d’après l’auteur, celui-ci est en train de se déliter en raison du manque d’investissement des Européens dans leur propre défense, ce qui évidemment agace sensiblement la partie américaine. Dans la conclusion de ce chapitre l’hauteur présente les avantages comparés des deux organisations, l’alliance atlantique est une puissance verticale avec un secteur étroit, que celui du militaire, tandis que l’union européenne est une puissance horizontale qui est en mesure d’intervenir sur l’ensemble des éléments puissance, et notamment la puissance économique. La conclusion de ce chapitre semble assez pessimiste, il n’y aurait plus de concurrence entre l’union européenne et l’OTAN, mais bien un déclin cumulé.

Les élargissements successifs

Pendant la période qui a suivi l’implosion de l’Union soviétique et surtout les élargissements de l’union européenne, l’alliance atlantique a également étendu son territoire. Son influence s’étend à ses confins par la politique des partenariats, très loin de l’Atlantique, puisque cela peut concerner le Kazakhstan ou l’Azerbaïdjan, mais également avec des opérations projetées, comme à l’Afghanistan. L’auteur revient également sur le dialogue avec la Russie au cours des années 92–1994, même si au final la Russie, y compris sous la présidence de Boris Eltsine, a su faire valoir ses intérêts. Ces élargissements successifs ont pu être interprétés à Moscou commun grignotage de l’empire russe, pour reprendre le titre du chapitre, avec une situation aujourd’hui en suspens, depuis 2014, après l’annexion de la Crimée et le maintien de tensions sur la partie orientale de l’Ukraine.Retour ligne automatique
Cet ouvrage est donc d’un intérêt majeur pour les spécialistes des relations internationales, mais il va bien au-delà. L’intérêt pour les questions de défense n’est pas simplement un problème de « Fana Mili » comme on le croit trop souvent. Il interpelle tous les citoyens, et les bruits de bottes sur les frontières orientales du continent européen devraient nous y faire penser. À moins que nous ne préférions confier à d’autres le soin de défendre nos intérêts vitaux.

Bruno Modica

[1] La première est parue en 2010