Comment s’adresse-t-on au pouvoir pour influencer la manière dont on est gouverné ? Quels sont les canaux de communication – ordinaires et extraordinaires – existants entre les habitants de différents territoires (Venise et Paris au XVIIIe siècle, les Établissements français de l’Inde et la Tunisie au XIXe siècle), et ceux qui les gouvernent ?

Ces interactions feront l’objet d’une discussion comparatiste.

Interactions entre populations et autorités en Inde, en Tunisie et à Venise.

Dans le cadre des Subalterne Studies, concept né au Royaume Uni et en Inde, il s’agit d’étudier la conscience populaire et de ne pas étudier que les élites de la population. Ce mouvement est né en 1942 avec Gandhi et son programme « QUIT INDIA ».

Dans cette table ronde, nous verrons les nombreux points communs entre Indiens et Tunisiens de l’Empire Colonial Français, mais aussi avec le peuple des pêcheurs et poissonniers de Venise. 

Les Requêtes et Pétitions à Madras et Pondichéry (Julie Marquet)

Julie Marquet

Les Indiens sont exclus d’une grande partie des fonctions publiques et du gouvernement.

En 1814, on crée un Bureau des Pétitions à Madras. Mais il faut écrire en français sur du papier, or les Indiens écrivent sur un support végétal et écrivent mal en français.

Qui écrit ? Des agents de police, des receveurs de taxe, des chefs de village et des chefs de caste.

Ce n’est donc pas n’importe qui qui peut représenter les demandes individuelles ou collectives. C’est en fait l’élite du peuple indien.

 

 

Les pétitions des commerçants tunisiens (Nessim Zinaïem)

Nessim Zinaïem

Il y a un développement de la presse en Tunisie dès les années 1920, comme en Syrie ou au Liban. En 1956, il existe 400 journaux. Depuis 1908, il y a aussi la radio et le cinéma. 20% des enfants tunisiens sont scolarisés.

En 1911, il y a des grèves, manifestations et un boycott des tramways, suite à un incident où un tunisien s’est fait renverser par un tramway.

Mais qui représente le peuple tunisien ? Des chefs locaux autochtones choisis par le Maire de Tunis et ces chefs de corporations ont des pouvoirs policier et judiciaire. C’est donc une forme de collaboration des élites locales avec la Colonisation.

 

Les Sans Voix du peuple de Venise (Solène Rivoal)

Les pêcheurs et les poissonniers peuvent écrire des suppliques au Doge (écrit) mais il y a aussi des réunions avec les communautés pour décider du prix du poisson (oral). Le peuple de Venise ne s’exprime donc pas que par des révoltes.

Au début du XVIIIe siècle, les suppliques sont collectives. Elles viennent de communautés de pêcheurs, de vendeurs de poisson et de transporteurs de poisson.

Mais il y a une évolution. À la fin du XVIIIe siècle, ce sont des suppliques individuelles venues de chefs des pêcheries. Donc une élite locale supplante le collectif, comme en Inde ou en Tunisie.

Inde, Tunisie et Venise : même combat !

En effet, les populations subalternes sont vite écartées au profit des élites locales.  Communiquer pour gouverner, c’est avant tout confisquer la parole au profit de ceux qui collaborent le mieux avec les gouvernants, quel que soit le pays ou la situation locale ! Ces trois études de cas comparées nous démontrent que les mêmes ruses se mettent en œuvre partout : diviser pour mieux régner et communiquer avec ceux que les autorités ont choisis. C’est vieux comme le monde mais efficace !

Vous pouvez consulter les autres comptes-rendus de conférences de Blois 2020.

Si l’histoire de la colonisation vous intéresse, vous trouverez quantité d’articles sur ce sujet dans la Cliothèque.