On peut considérer que les zélateurs du numérique en font trop, et dans ce domaine, il est difficile de concilier l’innovation et la continuité. Cette chronique de la censure ordinaire en milieu éducatif mérite que l’on s’y intéresse, surtout lorsque l’on est un acteur de terrain.
Qui n’a jamais été confronté à cette épouvantable page jaune, derrière laquelle s’exprime un gestionnaire de réseau, académique ou local. Dans l’académie de Montpellier, là où la volonté de déployer l’ENT relève du pathétique, les choix sont clairs. La bande passante doit être réservée à l’ENT ! Cela explique une des politiques de contrôle des accès parmi les plus dures du pays.
Mais pour l’académie de Paris, c’est pas mal non plus ! et on donnera évidemment d’autres exemples.
La fracture numérique qui est en train de se creuser avec ces contrôles d’usages, elle se fait entre usages dans la vie réelle et usages scolaires sous contrôle, et c’est tout aussi grave.

L’article de Michel Guillou

Ils en rêvent la nuit, c’est certain, et se réveillent, la tempe humide, se demandant ce qu’ils vont bien pouvoir censurer sitôt arrivés au boulot… « Allez, qu’est-ce qu’on a bien pu oublier ? YouTube, c’est fait, Dailymotion aussi, Wat.tv, non, c’est TF1, quand même… Comment ça, Dailymotion, c’est Orange ? Non, ça se saurait… Facebook, Twitter, Vine, Snapchat, Ask.fm, Renren des fois qu’il y ait des Chinois, Vkontakte au cas où il y aurait des Russes, on ne sait jamais… Ah, zut, on a oublié Pinterest. Voilà, c’est ça, ce matin, on va couper Pinterest… ».

Telle est la dure et valeureuse vie de nombre d’administrateurs des réseaux des établissements, ceux qui ont reçu délégation des chefs d’établissement ou les chefs d’établissement eux-mêmes, garants de la morale laïque, gratuite et obligatoire… On n’imagine pas les tourments de ces gens-là, sans cesse confrontés à la croissance exponentielle du web et à la recrudescence des turpitudes sociales dont ces jeunes se repaissent. On n’imagine pas la responsabilité de ces gens et les choix cornéliens qu’ils ont à faire : au-delà du travail d’administration quotidien qui fait d’eux des personnes si respectées, c’est la protection de tous ces jeunes mineurs qui compte, car le terroriste, le pédophile, le harceleur, l’homosexuel, le déviant, le prosélyte, le pirate, le pornographe, le négationniste veillent, là, tapis au coin d’une page web qu’on n’attend pas…

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