Conférence de Chloé Cottour de Luc Menapace

Les opérations liées au textile se sont complexifiées et spécialisées depuis la fin de l’époque moderne. Aux côtés de l’apprêt (teinture, ou apprêt mécanique), une autre activité a subi une profonde transformation au XIXe siècle : le blanchiment ou blanchissage du linge.

Le blanchissage domestique

Pour commencer, il faut d’abord distinguer le blanchiment, qui fait partie du processus de création industrielle du textile, et le blanchissage, c’est-à-dire le lavage.

Au XVIII° siècle, la majorité de la population est rurale. Le blanchissage se fait dans le village. On utilise de la « buée », une sorte de lessive, à base de cendre de bouleau (ce qui a donné le terme buanderie). Le linge était lavé 1 à 2 fois par an, au printemps et à l’automne, quand le travail des champs est moins prenant. Tout d’abord, on trie le linge (linge de maison et linge de corps), on le fait tremper. Puis vient le coulage c’est à dire l’ébullition dans une grande cuve avec de la cendre riche en sels minéraux alcalins. Le linge était ensuite rincé, au lavoir ou à la rivière. Le lavoir supplante la rivière car les municipalité les trouve plus sain que la rivière, dans le mouvement hygiéniste. Enfin, on essore et on fait sécher. Au XIX se développe souvent des bateaux lavoirs. Le coulage, est progressivement remplacé par de petites lessiveuses et au XX° par des auto-laveuses, ancêtre de la machine à laver.

Le blanchissage professionnel

Les blanchisseries industrielles ont été expérimenté à l’initiative des ingénieurs qui veulent que les nouvelles technologiques servent le progrès (contexte des Lumières), avec des expérimentations dès la fin du XVIII°, comme la blanchisserie de l’Isle du Pont de Sèvres. Mais finalement les débouchés sont peu importants : peu de clientèle pour le travail de gros. C’est avec la création de grands établissement publics comme les internats et les prisons que se développe cette cette économie à la fin du XIX. La Blanchisserie de Courcelles par exemple, fait venir le linge directement depuis les hôtels du centre-ville. Le lavage est mécanisé : on utilise quand même une centaine d’ouvrières pour les travaux manuels complémentaires mais aussi des ouvriers pour la maintenance des machines. On trouve aussi des structures intégrés comme les blanchisseries intégrées aux hôpitaux de Paris. A partir de 1902, il est obligatoire de désinfecter le linge d’hôpital (cuve à ozone).

Hors de ces grandes structures c’est la blanchisseuse professionnelle qui domine. On peut se référer à la figure de Gervaise dans l’Assommoir. Elle commence comme laveuse à la pièce puis monte son affaire. Derrière le terme blanchisseuse, on trouve en fait un ensemble de tâches.

En 1850, l’Etat dénombre 81 bateaux lavoirs et 90 lavoirs publics pour le département de la Seine, à usage des blanchisseuses domestiques et des professionnelles. Le nombre de bateau décroît alors que le nombre de lavoir public et de travailleuses s’accroît. L’enquête industrielle de 1931, disponible sur Gallica, parle de 110 000 employés dont 92 000 femmes. La plupart des 10 000 blanchisseries ont moins de 3 salariés et 40 000 blanchisseuses travaillent à la pièce.

La Blanchisseuse à la pièce transporte le linge dans une grande hotte. Soit elle s’occupe de toutes les étapes, du coulage au repassage, soit elle s’intègre dans une division du travail avec d’autres blanchisseuses. Le paiement à la pièce en fait un des travaux les plus précaires. On les surnomme les « poules d’eau » ; elle se retrouve au Carême pour l’élection de la « reine du lavoir ».

A Toulouse par exemple, les autorités locales tentent de les obliger à fréquenter le bateau-lavoir car les berges sont utilisées par d’autres métiers. A Paris en 1796, les blanchisseuses se révoltent contre cette obligation, car elles y gagnent moins, le service étant payant. Les lavoirs publics répondent à des préoccupations hygiénistes dans le contexte du 2ndempire. En 1850, un rapport propose la création de bains et lavoirs en direction des classes laborieuses. Des plans modèles sont proposés, mais la réalité est moins prestigieuse. Dans les 800 lavoirs dans le département de la Seine, on passe à une échelle plus importante, 100 à 200 places, avec chaudière à vapeur. La question du séchage se pose plus en ville qu’à la campagne. Certains lavoirs intègrent des chambres de séchage. Au XX°, les machines qui facilitent le blanchissage domestique mettent un terme à ce métier. Elles évoluent en « pressing » dans les années 60.

Les risques du métier

couverture Les métiers qui tuent :Ce métier très précaire mais très peu représenté par les syndicats, sauf à la fin du XIX° dans les grandes structures industrielles. En 1898, les blanchisseuses sont en grève notamment à cause du temps de travail. Mais on trouve aussi d’autres mouvements qui contestent le paiement à la pièce. L’ouvrage  Les métiers qui tuent en 1905 de L et M. Bonneff mentionne la tuberculose et le contamination des blanchisseuses. Il note aussi les varices, l’alcoolisme, les brûlures à la soude et au chlore.

Pour info : la plupart des documents iconographiques présentés ici sont disponibles sur le site de Gallica « parcours textile ».