Formule originale en France, voire en Europe, la journée Pierre Guibbert se veut lieu de rencontre entre chercheurs et enseignants d’horizons disciplinaires différents sur la très riche question des manuels scolaires.

Soutenue par une structure associative, les amis de la mémoire pédagogique, et diverses composantes de l’IUFM de Montpellier, la journée d’étude vivait ici sa neuvième édition consacrée aux intimes liens entre livre du maître et livre de l’élève.

Alternant conférences plénières et ateliers thématiques, ce moment de réflexion a constitué une riche expérience que nous pouvons partager ici.

L’honorable tâche de la tenue de la conférence introductive a été confiée à Patrick Cabanel, professeur d’histoire à l’université de Toulouse le Mirail, qui a, de manière très dynamique, reparcouru avec l’assistance le célèbre « Tour de la France de deux enfants » de G.Bruno. En comparant version originale et laïcisée, cette présentation était l’occasion de se souvenir qu’à ces époques, le livre du maître n’avait pas de rival, qu’il avait quasiment le monopole (d’impressionnants chiffres des ventes !) et qu’il constituait même une sorte de second manuel tant il pouvait s’avérer copieux dans son volume d’informations.

Dans le cadre d’un atelier sur les rapports entre enseignant et élève dans les livres du maître, Jacqueline Freyssinet-Dominjon (Paris 1) s’est interrogée, sous un angle historique, sur leur affectation ou non à une discipline et sur le respect plus ou moins strict à avoir des guides du maître. Parfois, c’est par l’ajout de questions ou d’exercices supplémentaires que passe cette liberté (fallait-il entendre quand le programme « normal » était terminé donc ?). Les ouvrages actuels laissent, eux, davantage de liberté à l’enseignant pour les démarches et les méthodes. S’intéressant aux manuels de lecture en CP, Catherine Dupuy (IUFM, Montpellier II) a présenté des résultats et pistes d’enquêtes auprès d’étudiants prétendants au concours pour récolter leurs opinions sur les différences entre guide papier et guide vidéo. Attractive, ouverte, cette seconde approche n’est pas nécessairement perçue comme la panacée, la classique approche papier faisant toujours recette.

Le début d’après-midi a permis d’entendre trois intervenants en table ronde. Pierre Boutan (IUFM Montpellier) a montré de manière historique que le manuel pouvait être objet (herbier, marque page…), accueillir la publicité de l’éditeur (pour d’autres produits), constituer un véritable mode d’emploi, particulièrement pendant les périodes difficiles comme les guerres ou les moments de crise du recrutement (comme en ce moment !) mais aussi comporter des ajouts écrits de l’enseignant, voire de l’élève (solutions, précisions, rectificatifs, pages supplémentaires…). Représentant les sciences dures, Pierre Clément (Lyon 1) a exposé comment les connaissances scientifiques étaient en interaction avec la société, ses valeurs et ses pratiques. Les exemples très parlants (évolution vers l’homo sapiens toujours blanc, masculin et nu ou encore des jumeaux habillés de façon toujours identique) montrent que les préjugés sont coriaces et que les délais de transposition didactique peuvent parfois être très long. Enfin, Michèle Verdelhan (Montpellier III) a présenté son expérience des manuels de français langue seconde et notamment leur réception en Afrique subsaharienne. Le problème n’est pas tant ici celui de l’élève que celui des maîtres dont le niveau et les savoirs peuvent s’avérer très hétérogènes d’où la nécessité d’être très exhaustif dans les démarches.

Enfin, lors d’un atelier sur des « solutions différentes » présidé par notre ami géographe Georges Roques, l’occasion m’a été donné de parler des ouvrages « Géographie à vivre » qui ont désormais trouver place flatteuse au CEDRHE mais également d’écouter Michael Devaux (IUFM Basse-Normandie), philosophe spécialiste de Tolkien, qui présentait ici les cahiers de vocabulaire de latin de 1923, supports permettant une alternative aux dictionnaires mais également Pierre Gaucher (IUFM, Montpellier II) dont la contribution a permis de déchiffrer et surtout de défricher l’histoire de l’enseignement de l’éducation musicale.

Le retour sur ce programme très riche ne serait pas complet sans évoquer, on le mesure toujours avec grand plaisir, l’apport tout aussi fécond, des temps informels (pauses, repas…).

Une belle découverte tant sur le fond (une question qui transcende réellement la stricte vision disciplinaire des contenus et des approches) que sur la forme (accueil et logistique impeccables) qui incite à suivre les travaux de cette communauté sur ces questions, particulièrement en ces temps obscurs de carence en formation.

Voir également l’équipe Dipralang et le réseau RiMaMed.

Voir les textes des communications ici et notamment celle sur « Géographie à vivre ».