Jean-Marie Vinclair présente son premier long métrage, 8 Sekunden
Jean-Marie Vinclair est un cinéaste qui a réalisé plusieurs fictions et documentaires. Il explore particulièrement les questions de mémoire et de transmission à partir de personnages en situation d’errance ou de quête. Après des études supérieures en Art et en cinéma, il réalise en 1997 le court métrage En partance clandestine avec la participation du cinéaste Atom Egoyan, sélectionné dans plusieurs festivals. Puis il réalise en 2003 Le Nô vu d’ailleurs, documentaire qui a remporté deux prix au Festival de Film sur l’Art de Tokyo. Il réalise également en 2007 La Caméra interdite, court métrage documentaire autobiographique qui reçoit le prix du public au Festival de Gonfreville l’Orcher, et en 2013 My Sweet Hooligan, documentaire sur sa rencontre avec un jeune rocker anglais, programmé dans plusieurs salles. En 2016, après un travail de plus d’un an avec des adolescents, sont présentés les films Le Temps du regard et Contre-Jour.
Dans 8 Sekunden (8 secondes), son premier long métrage documentaire (2025, 1h18, 5 à 7 Films) Jean-Marie Vinclair explore la question du secret familial à travers un parcours initiatique : « Lorsqu’en 2005, l’inscription « Raymond Vinclair » fut dévoilée sur une place qui devait porter son nom, une énigme se posa. Pourquoi n’avais-je jamais entendu parler de ce frère de mon grand-père, mort en martyr en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale ? Quelques années plus tard, marié à une Allemande et père de famille, la figure de Raymond réapparaît, et avec elle, le spectre d’un passé toujours présent. Avec ma femme et mes enfants, nous partons à la recherche de cette mémoire perdue ».
Une enquête documentaire sur la transmission et ses aléas
Le film qui nous est projeté est donc une enquête documentaire sur la transmission et ses aléas. C’est un film touchant, qui déploie une histoire intime et singulière, un exercice d’égo-histoire. Il s’agit d’abord d’une enquête historique à la recherche des conditions dans lesquelles est mort en Allemagne Raymond Vinclair en 1944. Le spectateur se trouve du côté et adopte le point de vue de celui qui cherche, c’est l’histoire en train de se faire. La vérité ne se dévoilera que très progressivement, à mesure que s’ouvrent les archives, à Bad-Arolsen, à Berlin, à Caen. Les documents sont filmés en gros plans et il faut attendre le dossier du tribunal du peuple pour enfin comprendre le parcours courageux et singulier de Raymond Vauclair.
Le parcours d’un travailleur requis résistant en Allemagne
Travailleur requis en décembre 1942, sans doute en fonction de la loi du 4 septembre 1942 qui est en réalité la première étape du Service du travail obligatoire (loi de février 1943), employé des chemins de fer, il est aiguilleur. Avec un camarade, il organise des évasions de travailleurs français (ou de prisonniers de guerre ?) dans le triage de la gare d’Osnabrück : il déplombe des wagons, y introduit les fugitifs, et replombe le wagon. Il a réussi environ 150 évasions. Mais il est arrêté par la Gestapo et emprisonné à Osnabrück, puis transféré à Berlin où il est traduit devant le Tribunal du peuple, le 15 juin 1944, après avoir attendu cinq mois dans un pénitencier. Il est condamné à mort et attend son exécution pendant deux mois au pénitencier de Brandenburg. Il écrit une lettre à sa famille le 22 juin, dans laquelle il affirme que tout va bien, alors qu’il sait qu’il va mourir bientôt. Il est guillotiné. Le dossier des archives de Berlin contient un document glaçant : le compte rendu de l’exécution, précisant qu’il ne s’est écoulé que 8 secondes entre l’arrivée de Raymond Vinclair dans la salle d’exécution et la chute du couperet.
Une enquête familiale
L’originalité de l’enquête réside dans son caractère familial. C’est toute la famille qui se déplace en Allemagne à la recherche des archives, Jean-Marie Vinclair, son épouse d’origine allemande et ses deux fils dont le plus âgé n’a que neuf ans mais s’investit beaucoup dans la recherche et fait preuve d’une grande empathie avec cet arrière-grand oncle. Mais l’originalité du film est plus grande encore. Il y a les soubresauts familiaux qui sont les contre coups des découvertes : pourquoi n’en savait-on pas plus alors que les archives de Caen révèlent que des documents avaient été transmis ? Il y a aussi l’énigme du devenir des cendres du résistant, de nécropole allemande en cimetière français.
Le film a été projeté deux fois à Blois et l’est actuellement en Allemagne. Il n’est pas distribué en salle en France actuellement, mais il est visible sur la plate-forme Tenk jusqu’en février 2026. https://www.on-tenk.com/fr/documentaires/histoires-de-familles-histoires-de-france/8-sekunden
Jean-Marie Vinclair est disponible à la demande pour des séances scolaires.