QUAND WESTEROS ÉCLAIRE WASHINGTON : la Stratégie de Sécurité Nationale (NSS) 2025 décryptée par la Pop Culture. Trump 2025 : Game of Thrones éclaire la NSS : tout un programme pour finir 2025 en beauté !
INTRODUCTION : QUAND LE PRÉSIDENT PENSE EN MÈMES
Trump, architecte de la politique spectacle
Washington, 18 novembre 2018. Le Président Trump tweete une image : lui-même, en silhouette sombre devant un ciel orageux, avec les mots « SANCTIONS ARE COMING » — pastiche direct du slogan Game of Thrones « Winter Is Coming ». Destinataire : l’Iran. Effet recherché : viralité instantanée, compression d’une politique de sanctions complexe en une image mémorable. HBO, propriétaire de la franchise, réagit sèchement : « How do you say trademark misuse in Dothraki? »
Ce n’était pas un accident, mais la manifestation d’un pattern systématique. Entre 2016 et 2025, Donald Trump a métamorphosé la culture populaire en arsenal politique. Pokémon détourné pour l’immigration (« Gotta catch ’em all », utilisé par le Département de la Sécurité intérieure), Apocalypse Now rebaptisé « Chipocalypse Now » pour des discours anti-migrants, références réitérées à Hannibal Lecter dans des meetings — ces citations ne sont ni aléatoires ni folkloriques. Elles constituent une stratégie de communication calculée qui instrumentalise des références universellement connues pour simplifier des messages complexes, installer des métaphores immédiates et toucher émotionnellement un public cible.
Une analyse approfondie montre que Trump incarne une « politique du spectacle » où la communication politique est structurée comme un format de télé-réalité, privilégiant émotion, conflits et narration dramatique. Ses tweets — courts, directs, répétitifs — s’apparentent aux codes de la culture médiatique moderne, facilitant les croisements avec des éléments pop. Plus récemment, son équipe a diffusé des images générées par IA le montrant en guerrier Star Wars ou en super-héros Marvel, contournant les médias traditionnels pour créer des mèmes viraux qui saturent l’espace numérique.
Ce phénomène transcende le simple folklore. Quand un président structure sa communication autour de références fictionnelles — quand il pense en narratifs pop plutôt qu’en rapports de think tanks — cela révèle une métamorphose profonde du langage politique contemporain. Trump n’est pas le seul : Vladimir Poutine justifie l’invasion de l’Ukraine par des narratifs impériaux (Pierre le Grand « rassemblant les terres russes »), Xi Jinping structure sa vision géopolitique autour du « Rêve chinois » et du « Siècle d’humiliation » (1839-1949) à réparer. Ces leaders ne raisonnent pas prioritairement en PIB ou en divisions blindées, mais en mythologies, en récits de déclin et de renaissance, en archétypes de restauration impériale. Si les décideurs politiques pensent en histoires, les analystes doivent maîtriser la grammaire narrative pour les comprendre. C’est précisément ce que propose cet article venant clôturer mes réflexions de 2025.
NSS 2025 : un manifeste idéologique déguisé en stratégie nationale
En novembre 2025, l’administration Trump publie sa National Security Strategy — document censé définir les priorités stratégiques américaines pour les quatre années à venir. Contrairement aux NSS précédentes (Obama 2015 : promotion démocratique ; Trump 2017 : esquisse realpolitik ; Biden 2022 : retour aux valeurs), ce texte assume trois ruptures radicales qui ont été largement analysées par ailleurs. Je me permets néanmoins de rappeler quelques points saillants.
Première rupture : abandon de l’universalisme.
La NSS affirme sans ambages (p. 5) : « American foreign policy elites convinced themselves that permanent American domination of the entire world was in the best interests of our country. » Verdict : erreur. Fini l’exportation démocratique, la « responsabilité de protéger », le messianisme wilsonien. Place au focused national interest — hiérarchisation brutale des priorités (Hémisphère + Indo-Pacifique > reste du monde).
Deuxième rupture : realpolitik assumée.
Le document note (p. 9) : « We recognize […] that there is nothing inconsistent or hypocritical in […] maintaining good relations with countries whose governing systems […] differ from ours. » Traduction : alliances transactionnelles (Viktor Orbán, Mohammed ben Salmane) sans scrupules idéologiques. La NSS célèbre explicitement (p. 26) « l’influence croissante des partis patriotiques européens » — ingérence revendiquée dans la politique intérieure d’États alliés.
Troisième rupture : charge contre les élites.
Rare dans un document officiel : autocritique féroce. « Our elites badly miscalculated […] They placed hugely misguided bets on globalism and ‘free trade’ that hollowed out […] the middle class » (p.1-2). Ton : populiste, anti-establishment, combatif. Cependant — et il ne faut surtout pas l’occulter —, cette NSS ne reflète aucunement un consensus stratégique américain. Elle incarne une vision nationaliste-conservatrice, temporairement hégémonique, mais loin d’être universelle. Assimiler ce document à « l’intérêt national » des États-Unis reviendrait à commettre la même erreur que celle consistant à considérer le Project for the New American Century (PNAC, 2000) comme la doctrine intangible de Washington. Rappelons-le : 2028 signera une nouvelle élection, et donc, potentiellement, une nouvelle doctrine. Ce texte n’exprime que l’idéologie de ses rédacteurs, non celle d’une nation dans toute sa diversité.
Le problème épistémologique va bien au-delà. Ce document n’exprime même pas un consensus républicain large — il cristallise l’idéologie d’une faction spécifique au sein du parti : le mouvement MAGA (Make America Great Again), lui-même en cours de fragmentation interne. Rupture Musk-Trump (décembre 2025, post-publication NSS), divisions sur le commerce (tarifs universels vs ciblés), sur l’isolationnisme (retrait total OTAN vs engagement conditionnel) révèlent que ce « manifeste stratégique » ressemble davantage à une production électoraliste qu’à un plan d’action gouvernemental visant à mobiliser une base politique volatile.
Question rarement posée par les commentateurs : au fait, qui a écrit ce texte ? Stephen Miller (idéologue anti-immigration, architecte du Muslim Ban 2017) ? Mike Waltz (faucon Chine, représentant de Floride) ? La réponse importe, car elle détermine si cette rhétorique deviendra politique réelle — ou restera slogan de campagne perpétuelle.
Revenons à Westeros que le président Trump semble affectionner. Dans Game of Thrones Joffrey Baratheon monte sur le Trône de Fer, proclame édits des brutaux (exécuter Ned Stark, humilier Sansa). Mais qui exécute vraiment ? Tyrion Lannister (Main du Roi), Varys (Maître des Chuchoteurs), Littlefinger — chacun filtre, dilue, détourne les ordres royaux selon son agenda propre. Un roi sans contrôle effectif sur ses conseillers n’est qu’un pantin ridicule, impulsif, colérique.
Trump contrôle-t-il le Département d’État (diplomates de carrière, souvent anti-MAGA) ? Le Pentagone (généraux peuvent refuser ordres jugés illégaux) ? La CIA (rétention d’information classique) ? La NSS 2025 peut tout à fait être un proclamation de Joffrey. L’exécution réelle dépend de la loyauté et de la compétence du « Small Council » fédéral — actuellement incertaines.
Prenons le temps de poser un garde-fou méthodologique déterminant : cet article analyse la cohérence interne du document NSS 2025 via des grilles fictionnelles. Il ne prédit pas la politique étrangère américaine 2025-2029. Entre manifeste idéologique et réalité diplomatico-militaire béent un gouffre institutionnel, des résistances bureaucratiques, des contingences imprévues.
Problématique de cet article : quelle grammaire profonde structure cette stratégie — et la culture populaire peut-elle révéler cette grammaire mieux que l’analyse traditionnelle ?
Hypothèse méthodologique : la pop culture comme microscope géopolitique
Si Trump aime autant la Pop Culture, nous pouvons nous demander dans quelle mesure les univers fictionnels — Game of Thrones, Dune, Foundation, Lord of the Rings, The Expanse — ne sont pas simple divertissement. Ce sont des laboratoires narratifs où des millions de lecteurs ont testé, débattu, analysé des archétypes géopolitiques universels : déclin d’empire, guerre pour ressource unique, pragmatisme cynique, dilemmes moraux du pouvoir. Ces récits offrent une compression cognitive exceptionnelle : dire « Taiwan = Arrakis » transmet instantanément une structure complexe (monopole ressource stratégique + vulnérabilité géographique + compétition entre grandes puissances) que cinquante pages d’un rapport érudit peineraient à clarifier.
La NSS 2025, précisément parce qu’elle est écrite par des idéologues MAGA maîtrisant les codes du spectacle politique, se prête je crois particulièrement bien à cette lecture. Son vocabulaire dramatisé (« civilizational erasure », « expeditious cessation »), ses simplifications binaires (Amérique vs Élites, Patriotes vs Mondialistes), ses hiérarchisations impitoyables (Hémisphère prioritaire, Europe périphérique) — tout cela ressemble structurellement plus à un scénario Game of Thrones qu’à un livre blanc traditionnel.
Je propose un protocole de validation en 7 niveaux pour éviter toute surinterprétation contre-productive :
- Falsifiabilité : l’analogie doit pouvoir être réfutée par contre-exemples
- Isomorphisme structurel : similitudes doivent être mécaniques, pas cosmétiques
- Examen dialectique : chercher activement ce qui invalide l’analogie
- Triangulation : valider via plusieurs univers fictionnels convergents
- Limitations temporelles : fiction statique ≠ réalité dynamique
- Humilité épistémologique : fiction éclaire, ne prédit pas
- Utilité pratique : l’analogie doit améliorer compréhension décisionnelle
Ce protocole doit me permettre, enfin je l’espère, de garantir une rigueur analytique suffisante, tout en exploitant la puissance cognitive de la narration.
La suite de cet article procède ainsi : décrypter la vision du monde enchâssée dans la NSS 2025 via trois grandes analogies (Taiwan-Arrakis, Trump-Tywin, Europe-Gondor), puis évaluer probabilité de mise en œuvre, avant de conclure sur limites et potentiel de cette approche méthodologique.
I – AMERICA FIRST 2.0 : LA DOCTRINE TYWIN LANNISTER
A – Le diagnostic impitoyable : Trois décennies d’hubris
L’illusion post-Guerre froide (1991-2016)
Après la chute de l’URSS, les élites américaines ont succombé à ce que la NSS 2025 nomme une « illusion de domination permanente ». Citation page 5 : « American foreign policy elites convinced themselves that permanent American domination of the entire world was in the best interests of our country. » Cette conviction a produit trois erreurs stratégiques majeures.
D’abord, l’overstretch militaire : les interventions en Afghanistan (2001-2021) et en Irak (2003-2011) ont coûté 8 000 milliards de dollars et 7 000 vies américaines selon le Watson Institute (Brown University), sans victoire décisive. Ensuite, le hollowing-out industriel : la Chine a été admise à l’OMC en 2001 dans l’espoir qu’elle se libéraliserait. Résultat : 2,4 millions d’emplois manufacturiers américains perdus entre 2000 et 2011 (étude MIT d’Autor, Dorn et Hanson), tandis que le PIB chinois passait de 4 % du PIB mondial (1990) à 18 % (2024). Enfin, le free-riding des alliés : l’Europe a réduit ses dépenses militaires de 25 % du PIB mondial (1990) à 14 % (2024), laissant les États-Unis assumer 70 % du budget OTAN.
Cette triple erreur reposait sur l’hypothèse Fukuyama de la « Fin de l’Histoire » : la démocratie libérale triompherait naturellement. La Chine de Xi Jinping a réfuté cette prédiction de manière spectaculaire.
La décennie de transformation (2015-2025)
La NSS 2025 n’est pas une rupture soudaine mais, comme l’observe Olivier Zajec (interview Le Figaro, 11 décembre 2025), « l’aboutissement d’une longue série de glissements culturels qui ont largement débordé la sphère MAGA pour transformer la lecture de la politique internationale. »
Le point d’origine symbolique : novembre 2015, débat présidentiel républicain sur Fox Business News. Donald Trump s’exclame devant 13 millions de téléspectateurs : « Nous ne pouvons pas continuer à jouer les policiers pour le monde entier ! Nous avons une dette de 19 000 milliards de dollars. » Face à lui : Marco Rubio, faucon néoconservateur typique du GOP traditionnel, défend l’interventionnisme wilsonien. Dix ans plus tard, ironie de l’histoire : Rubio est Secrétaire d’État de l’administration Trump II — ralliement symbolique d’une métamorphose profonde.
Cette transformation a progressé par vagues successives : primaires républicaines 2016 (Trump élimine Bush, Rubio, Cruz, tous atlantistes), NSS 2017 (première formalisation « America First »), quatre années Biden (tentative de restauration du consensus bipartisan), mais résistance interne croissante. Même Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale de Biden, avait écrit dans Foreign Affairs 2023 que les États-Unis passeraient « plus de temps qu’au cours des 30 dernières années à discuter avec les pays avec lesquels ils sont en désaccord ». Les Cold Warriors (gardiens du temple atlantiste comme Anders Åslund) ont combattu en vain cette mutation.
NSS 2025 = aboutissement, pas anomalie. Une décennie a suffi pour transformer radicalement le rapport des élites américaines au monde — preuve que les idées géopolitiques, contrairement aux infrastructures, changent rapidement quand les conditions sont réunies.
Le « China Shock » : L’enrichissement du rival
Le tournant décisif intervient entre 2015 et 2020 : la Chine dépasse les États-Unis en PIB ajusté par parité de pouvoir d’achat (données FMI), devient le premier partenaire commercial de 120 pays sur 190, et lance la Belt and Road Initiative (1 000 milliards de dollars investis). Pendant ce temps, les États-Unis s’enlisent au Moyen-Orient et voient leur classe moyenne stagner (revenu médian réel 2019 = équivalent 1999).
La NSS 2025 diagnostique brutalement : « Our elites badly miscalculated the consequences of […] integrating China into the world economy » (p. 2). L’admission de la Chine à l’OMC (2001), présentée comme stratégie de libéralisation, s’est révélée transfert technologique massif (joint ventures forcées, espionnage industriel, acquisitions stratégiques) finançant montée en puissance d’un rival autoritaire déterminé.
B – La réponse Tywin Lannister : le pragmatisme impitoyable
Dans Game of Thrones, Tywin Lannister incarne le réalisme politique absolu. Pas de sentimentalisme, pas d’idéologie, juste calcul froid : « A lion doesn’t concern himself with the opinion of sheep. » Trois caractéristiques définissent Tywin — et la NSS 2025.
Hiérarchisation des priorités
Tywin hiérarchise impitoyablement : la Maison Lannister d’abord, le reste ensuite. Certaines alliances sont vitales (Tyrells pour blé/armée), d’autres accessoires (Freys utiles mais méprisables), certaines ennemies (Starks à détruire). Pas d’universalisme, pas d’égalitarisme entre alliés — juste calcul d’intérêt. La NSS 2025 adopte logique identique. Citation page 12 : « We will prioritize the Western Hemisphere and the Indo-Pacific. » Traduction opérationnelle :
• Tier 1 (vital) : Hémisphère occidental (doctrine Monroe réactivée) + Taiwan/Japon/Corée (First Island Chain face à Chine)
• Tier 2 (important) : Golfe Persique (pétrole, transit), Inde (contrepoids Chine)
• Tier 3 (négociable) : Europe occidentale (si paie 5 % PIB défense), Moyen-Orient hors Golfe
• Tier 4 (abandonné) : Afrique subsaharienne, Asie centrale, Amérique du Sud hors zone transit
Cette hiérarchisation brise consensus post-1945 où États-Unis se prétendaient « garants ordre mondial universel ». NSS 2025 = fin messianisme, retour réalisme géographique.
Alliances transactionnelles sans scrupules
Tywin s’allie avec quiconque sert ses intérêts, même s’il les méprise. Walder Frey = lâche opportuniste, mais contrôle pont stratégique (Twins) → alliance. Roose Bolton = traître sadique, mais livre Robb Stark → récompensé Wardenship of the North. Moralité = zéro. Efficacité = totale.
La NSS 2025 (p. 9) : « We recognize […] that there is nothing inconsistent or hypocritical in […] maintaining good relations with countries whose governing systems […] differ from ours. » Exemples concrets :
• Viktor Orbán (Hongrie) : « Démocratie illibérale » autoproclamée, médias muselés, État de droit dégradé. NSS = éloge explicite (p. 26) de son « patriotisme ». Raison : Orbán dépense 5 % PIB défense, achète armes US (Patriot), bloque initiatives UE pro-Ukraine.
• Mohammed ben Salmane (Arabie Saoudite) : assassinat Khashoggi (2018), guerre Yemen (400 000 morts). NSS = silence total. Raison : MBS vend pétrole en dollars, achète 100 milliards $ armes US, normalise avec Israël.
• Narendra Modi (Inde) : dérive autoritaire (Kashmir, lois citoyenneté), violences intercommunautaires. NSS = partenariat stratégique renforcé. Raison : Inde = contrepoids Chine, 1,4 milliard habitants, économie croissance 7 %/an.
Biden 2022 critiquait ces régimes (« démocraties vs autocraties »). Trump 2025 = indifférence morale totale. Seul critère : l’alignement des intérêts US. Tywin Lannister, formulé en diplomatie moderne.
Brutalité calculée
Tywin orchestre les Noces Rouges : massacre de Robb Stark et de l’armée du Nord lors d’un banquet, violant ainsi la loi sacrée de l’hospitalité. Acte monstrueux. Résultat stratégique : guerre terminée instantanément, Nord pacifié, Lannisters dominants. Pour Tywin : 3 000 morts banquet > 100 000 morts guerre prolongée. Efficacité > Moralité.
La NSS 2025 applique une logique similaire aux cartels mexicains et possiblement à l’Ukraine. Citation page 18 sur conflit ukrainien : « Expeditious cessation of this war […] is in America’s interest. » « Expeditious » = rapide, peu importe les conditions. Traduction : si l’Ukraine doit céder territoires (Crimée, Donbass) pour paix immédiate, tant pis. Intérêt américain = arrêter saignée financière (175 milliards $ 2022-2024), redéployer ressources vers Chine. Moralité (souveraineté Ukraine) < Pragmatisme (pivot Asie).
C – Limites de l’analogie : Tywin échoue finalement
Analogie robuste (6/7 protocole) mais une limite critique majeure : Tywin meurt assassiné par Tyrion, son fils méprisé. Raison : brutalité excessive aliène proches, créant ennemis internes mortels.
Trump risque-t-il un sort similaire ? Hypothèse : alliances cyniques (Orbán, MBS) + mépris alliés traditionnels (France, Allemagne) + brutalité opérationnelle (frappes cartels, abandon Ukraine) pourraient générer des coalitions hostiles — Congrès démocrate bloquant budgets, alliés européens formant axe autonome, bureaucratie fédérale sabotant ordres.
Que montre Game of Thrones ? Tywin gagne des batailles, mais perd la guerre (Maison Lannister s’effondre post-mortem). Trump 2025-2029 suivra-t-il trajectoire similaire ? Le protocole niveau 7 (utilité pratique) exige reconnaître : l’analogie éclaire la logique, pas le destin.
II – TAIWAN = ARRAKIS : LA GUERRE DE L’ÉPICE ÉLECTRONIQUE
A – La ressource qui règne : semi-conducteurs avancés
Dans Dune, l’Épice (mélange) = substance unique, produite exclusivement sur Arrakis, essentielle à navigation spatiale et conscience élargie. Qui contrôle Arrakis contrôle l’Épice. Qui contrôle l’Épice contrôle galaxie. D’où guerre millénaire entre Maisons (Atréides, Harkonnen, Corrino) pour dominer planète désertique.
En 2025, l’Épice moderne = semi-conducteurs avancés (puces <7nm). Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC) produit 92 % de ces puces, monopole inégalé dans histoire industrielle. Ces puces alimentent : IA (ChatGPT, systèmes autonomes), défense (missiles guidés, drones, F-35), communications (smartphones, 5G), cloud (datacenters Amazon/Google/Microsoft). Sans puces avancées, économie et armée modernes s’effondrent. Délai pour reconstruire équivalent TSMC ailleurs : 10-15 ans, coût 500+ milliards $.
Taiwan = Arrakis. TSMC = Épice.
B – Les trois fronts de bataille
Front économique : chaînes d’approvisionnement
La NSS 2025 (p. 22) identifie vulnérabilité critique : « A single Taiwanese company […] manufactures more than 90 % of the world’s most advanced chips. » Si conflit Taiwan-Chine éclate, deux scénarios : (1) Chine détruit fabs TSMC (bombardements), coupant approvisionnement mondial → récession globale instantanée (Goldman Sachs : -10 % PIB mondial an 1) ; (2) Chine capture fabs intactes → monopole chinois puces avancées, coercition technologique illimitée (« vendez Huawei ou pas de puces »).
Réponse US : CHIPS Act (52 milliards $ fonds publics + investissements privés stimulés totalisant ~280 milliards $, 2022) pour relocaliser production. Problème : usines Intel/TSMC Arizona opérationnelles pas avant 2028-2030. Fenêtre vulnérabilité 2025-2030 = maximale.
Front technologique : IA, Quantique, Biotech
La course à l’IA Chine-USA dépend de l’accès puces avancées. Nvidia H100 (puce IA phare) = fabriquée TSMC Taiwan, interdite export Chine depuis 2022 (contrôles US). Si Chine contrôle Taiwan → accès illimité H100 → entraînement modèles IA militaires (reconnaissance faciale, drones autonomes, cyberattaques).
La NSS 2025 (p. 23) : « Ensuring continued American access to advanced semiconductors is a matter of economic and national security. » Traduction : Taiwan = ligne rouge existentielle. Perte Taiwan = perte domination technologique = perte statut superpuissance.
Front géographique : First Island Chain
La géographie détermine les possibles stratégiques. La NSS (p. 23) identifie Taiwan comme point critique : « Taiwan […] splits Northeast and Southeast Asia into two distinct theaters. » La First Island Chain (Japon—Ryukyu—Taiwan—Philippines—Bornéo) constitue aujourd’hui le verrou naturel contenant la marine chinoise. Si la Chine contrôlait Taiwan, elle briserait ce verrou et accéderait librement au Pacifique, transformant l’équilibre naval régional.
Cette dynamique rappelle les Thermopyles antiques : un défilé étroit (ici, les détroits entre îles) permet à une force inférieure (aujourd’hui : alliés USA + Taiwan) de bloquer une armée supérieure en nombre (Chine, première flotte mondiale avec plus de 300 navires de guerre). Perdre Taiwan = perdre les Thermopyles, ouvrir le passage.
D’ici à ce qu’on puisse trouver des citations de 300 avec Donald Trump en héros …
Enjeu connexe : la Mer de Chine du Sud, par laquelle transite un tiers du commerce maritime mondial (12 000 milliards de dollars annuels). Si un acteur hostile la contrôlait, il pourrait imposer un « péage » ou la fermer arbitrairement — cauchemar stratégique pour toutes les nations commerçantes, du Japon à l’Inde en passant par l’Europe.
Opérationnalisation militaire : La National Defense Strategy à venir
La NSS 2025 pose le cadre stratégique ; la National Defense Strategy (NDS), actuellement en préparation au Pentagone, en détaillera l’application militaire. Le Secrétaire à la Défense Pete Hegseth a déjà commenté publiquement ses grandes lignes, révélant quatre tâches principales confiées au département de la Guerre (nouveau nom officiel) :
- Défendre le territoire américain et son hémisphère (priorité #1, cohérent avec Trump Corollary)
- Accroître le partage des charges entre États-Unis et alliés (application Hague Commitment 5 % PIB)
- Dynamiser la base industrielle de défense (réindustrialisation, fin dépendances Chine)
- Dissuader la Chine « par la puissance plutôt que par la seule force » (formule ambiguë : power vs force, suggère coercition économique + militaire sans nécessairement guerre cinétique)
Cette dernière formulation est révélatrice : Washington ne cherche pas la guerre (trop coûteuse, risque nucléaire), mais l’overmatch — un différentiel de puissance tel que Pékin juge l’agression irrationnelle. Stratégie : maintenir avance technologique (IA, sous-marins, espace) + consolider alliance réseau (Japon, Australie, Inde, Corée) + diversifier chaînes d’approvisionnement hors Chine (CHIPS Act, nearshoring).
Calendrier critique : la fenêtre 2027-2030. Selon le Pentagone, c’est le moment où la Chine disposera de capacités d’invasion maximales de Taiwan, avant que la diversification américaine (CHIPS Act usines opérationnelles 2030+) ne réduise la vulnérabilité. Si Xi Jinping calcule qu’attendre affaiblira sa position relative, il pourrait agir dans cette fenêtre. D’où l’urgence d’une dissuasion visible.
C – Triangulation : de la convergence Dune + The Expanse + Foundation
Le Protocole mis en place exige à ce stade une triangulation. Taiwan-Arrakis validé par trois univers indépendants.
The Expanse (James S.A. Corey) : Ganymède = seule lune où pousse nourriture (algues protéinées) en système solaire surpeuplé. Terre, Mars, Ceinture d’astéroïdes dépendent tous Ganymède. Quand conflit détruit serres hydroponiques → famine interplanétaire, guerre totale. Structure identique Taiwan : ressource unique (puces vs algues), dépendance universelle, conflit pour contrôle = catastrophe systémique.
Foundation (Asimov) : Trantor, capitale galactique, dépend importations alimentaires de « grenier planets ». Quand révoltes coupent routes commerce → Trantor affamé, empire s’effondre. Taiwan = « grenier technologique » monde moderne. Blocus = effondrement.
Trois univers, trois auteurs, trois époques → même diagnostic : monopole ressource vitale + concentration géographique = vulnérabilité existentielle.
D – Le piège de la prescience : Paul Atreides vs réalité
Limite critique de l’analogie Dune : Paul Atreides possède une prescience (voir futur). Dans Dune, Paul gagne bataille Arrakis parce que Frank Herbert l’écrit ainsi. Xi Jinping ne possède pas la prescience. Trump non plus. Même s’il est capable d’imposer une paix par mois depuis qu’il a repris ses fonctions.
Guerre Taiwan-Chine = chaos imprévisible : variables technologiques (missiles hypersoniques, cyberattaques, guerre spatiale), politiques (coup d’État Taipei ? soulèvement Xinjiang ? crise économique Chine ?), accidents (erreur calcul, incident déclencheur involontaire). Paul contrôle Arrakis car la fiction est déterministe. Leaders réels naviguent dans le brouillard cher à Clausewitz.
Protocole niveau 5 (limitations temporelles) + niveau 6 (humilité épistémologique) : Taiwan = Arrakis éclaire enjeu et structure, mais pas l’issue. Fiction = carte, réalité = territoire. Une carte est toujours utile, jamais complète.
III – L’HÉMISPHÈRE COMME CHÂTEAU FORT : LE « TRUMP COROLLARY »
A – Doctrine Monroe 2.0 : « L’Amérique aux Américains »
En 1823, le Président James Monroe proclame : l’hémisphère occidental = chasse gardée américaine, ingérences européennes = casus belli. Justification : sécurité vitale USA exige contrôle zone immédiate (Mexique, Caraïbes, Amérique centrale/sud). Cette doctrine, maintenue 200 ans, subit érosion post-Guerre froide : USA délaissent « arrière-cour » pour interventions mondiales (Irak, Afghanistan).
La NSS 2025 réactive brutalement cette doctrine, avec upgrade : le « Trump Corollary » (p.14-17). Trois piliers.
Contrôle territorial : Groenland, Panama, Canada
Citation NSS page 15 : « The Monroe Doctrine […] is alive and well. » Application immédiate : Trump propose achat Groenland (Danemark refuse), suggère annexion partielle Canada (« 51e État »), menace reprendre Canal Panama si « administration inadéquate ».
Logique : Groenland = position stratégique Arctique (routes maritimes fonte glaces, bases militaires surveillant Russie) + ressources (terres rares, pétrole). Panama = contrôle transit maritime Pacifique-Atlantique (14 000 navires/an, dont 40 % commerce US). Canada = ressources (eau, énergie, minéraux) + territoire (Passage Nord-Ouest Arctique).
Réalisme : achats/annexions improbables à court terme (résistances diplomatiques), mais la rhétorique révèle l’ambition : transformer l’hémisphère en « forteresse stratégique » autonome, réduisant les dépendances externes.
Sécurisation énergétique et alimentaire
Citation NSS page 16 : « Energy dominance […] will be restored. » Traduction : États-Unis = premier producteur pétrole mondial (13M barils/jour, 2024) + premier exportateur GNL. Objectif : rendre hémisphère auto-suffisant énergétiquement, coupant dépendances Moyen-Orient.
Agriculture : USA + Canada + Brésil + Argentine = 60 % exportations céréalières mondiales. Contrôle hémisphère = contrôle nourriture = levier coercitif massif (« obéissez ou affamez-vous »).
Exclusion puissances extérieures
Citation NSS page 17 : « We will not tolerate interference from extra-hemispheric powers. » Cibles : Chine (investissements Belt and Road en Amérique latine/Caraïbes : ports, télécommunications, mines) + Russie (bases Cuba/Venezuela, coopération militaire).
Doctrine Trump : tolérance zéro d’une quelconque présence militaire rivale hémisphère, pression économique sur les gouvernements latino-américains collaborant avec Pékin/Moscou. Le Vénézuela en sait quelque chose.
B – Analogie Casterly Rock : la forteresse imprenable
Dans Game of Thrones, Casterly Rock incarne le château ancestral des Lannister, une forteresse bâtie à l’image de Gibraltar, dotée de mines d’or inépuisables et de défenses réputées imprenables. Depuis ce bastion, Tywin Lannister exerce son pouvoir, conscient que sa famille y est protégée à la fois géographiquement et financièrement — les revenus de l’or finançant ses armées.
Casterly Rock, c’est l’hémisphère occidental version américaine. Sur le plan géographique, deux océans — l’Atlantique et le Pacifique — le préservent des invasions terrestres. Ses ressources sont sans équivalent : énergie (pétrole et gaz), nourriture (céréales), minéraux (terres rares), technologie (Silicon Valley) et démographie (550 millions d’habitants). Aucun rival ne peut se targuer d’une telle abondance.
À l’inverse, la Chine affiche une démographie en déclin (pic atteint en 2021, perte de 10 millions d’habitants en 2023), une dépendance énergétique criante (80 % de son pétrole importé, vulnérable à tout blocus), et des importations massives de soja et de blé. Géographiquement, elle est encerclée par la « First Island Chain », qui restreint son accès aux océans.
La Russie, elle, souffre d’une économie monodimensionnelle (pétrole et gaz), d’une catastrophe démographique (perte de 500 000 habitants par an, épidémies d’alcoolisme et de sida) et d’un isolement accru depuis la guerre en Ukraine.
Quant à l’Europe, elle cumule les dépendances — énergie, technologie, défense —, une démographie vieillissante et l’absence de ressources stratégiques.
Seuls les États-Unis possèdent un « Casterly Rock » complet. La NSS 2025 (National Security Strategy) semble ainsi privilégier une stratégie de repli vers cette forteresse imprenable, laissant l’Eurasie (Essos) se déchirer tandis que l’Amérique (Westeros) prospère, isolée et en sécurité.
C – Limites géographiques : pas d’autarcie totale possible
Analogie 5/7 du protocole (limitation : simplification excessive). Hémisphère ≠ autarcie complète. Dépendances critiques subsistent :
• Semi-conducteurs : TSMC Taiwan (Section III), délai relocalisation 10-15 ans
• Terres rares : Chine contrôle 70 % production mondiale (nécessaires batteries, aimants, lasers)
• Produits manufacturés : chaînes approvisionnement globalisées (iPhone = 200+ composants, 30+ pays)
• Main-d’œuvre : agriculture/construction US dépendent immigration latino-américaine (11M travailleurs sans-papiers)
Retrait hémisphérique = viable long terme (2040+) après réindustrialisation massive (coût : 5 000+ milliards $, génération entière). Court terme (2025-2030) = vulnérabilités persistent.
D – Les cartels comme Maison Greyjoy : quasi-États prédateurs
Retournons à Westeros. La Maison Greyjoy des Îles de Fer incarne les pirates archétypaux. Devise : « We Do Not Sow » — nous ne semons rien, nous prenons. Économie prédatrice pure : raids, pillage, tributs extorqués. Les Greyjoy ne produisent pas de richesse, ils la volent.
Les cartels mexicains (Sinaloa, Jalisco Nueva Generación, Zetas) fonctionnent selon la même logique structurelle. Revenus estimés : 60-100 milliards de dollars annuels (DEA, 2024), équivalant au budget militaire de l’Allemagne. Ils contrôlent territorialement des États entiers (Sinaloa, Michoacán, Tamaulipas), y exercent fonctions quasi-étatiques : justice parallèle, taxation des commerces, armées privées équipées militairement (drones, lance-roquettes, communications cryptées). Ce ne sont plus de simples organisations criminelles mais des quasi-États prédateurs contestant le monopole de la violence légitime.
La réponse de Westeros aux Greyjoy ? Stannis Baratheon et Tywin Lannister les écrasent militairement lors de la rébellion des Îles de Fer — pas de négociation, force pure. La NSS 2025 adopte logique similaire. Page 16 : « Targeted deployments […] including where necessary the use of lethal force to defeat cartels. » Traduction opérationnelle : désignation des cartels comme Foreign Terrorist Organizations (FTO), autorisant frappes militaires transfrontalières — drones, forces spéciales, raids héliportés — sur sol mexicain, avec ou sans consentement explicite de Mexico (souveraineté sacrifiée sur l’autel de la sécurité US).
Confirmation opérationnelle immédiate
Traduction : frappes unilatérales probables dès 2025-2026. Précédent : opération Neptune Spear (raid Bin Laden, Pakistan 2011) = violation souveraineté pakistanaise, justifiée « légitime défense ». Cartels = nouveau Bin Laden. Mexique = nouveau Pakistan (coopération forcée ou ignorée). Risque : escalade militaire involontaire si cartels ripostent (attaques postes-frontière US, bombes villes frontalières).
E – Le Panama Canal comme Twins : Contrôle des passages stratégiques
Dans l’univers de Georges R.R Martin, les Twins forment un château double contrôlant le seul pont permettant de franchir le fleuve Trident. Walder Frey y prélève un péage sur tout le trafic circulant entre le Nord et le Sud. Qui maîtrise les Twins domine ainsi le commerce et les armées traversant les Riverlands.
Le canal de Panama en est l’équivalent moderne. Avec 14 000 navires transitant chaque année, il représente 6 % du commerce maritime mondial et constitue le seul passage rapide entre l’Atlantique et le Pacifique. L’alternative, le détroit de Magellan, impose un détour de 8 000 kilomètres supplémentaires. Construit par les États-Unis entre 1904 et 1914, le canal est resté sous leur contrôle jusqu’en 1999, date à laquelle le traité Carter leur a fait céder la souveraineté au Panama.
La NSS 2025, à la page 15, suggère implicitement une reprise de contrôle : « Ensuring unimpeded access […] through critical chokepoints. »
La justification stratégique est claire : la Chine investit massivement dans les ports panaméens. Hutchison Whampoa, une entreprise chinoise, contrôle les terminaux de Balboa et Cristobal, créant une vulnérabilité majeure. Pékin pourrait, en cas de conflit autour de Taïwan, ralentir ou bloquer le transit des navires américains.
La probabilité d’une reprise de contrôle militaire par les États-Unis reste faible à court terme. Le Panama, État souverain et démocratique, résisterait, et Washington éviterait une invasion dans son propre hémisphère. En revanche, une pression diplomatique et économique est hautement probable. Le scénario le plus vraisemblable serait que les États-Unis imposent un « accord de sécurité » au Panama, excluant les entreprises chinoises des infrastructures du canal en échange d’une aide économique et militaire.
V – EUROPE, LE GONDOR SANS ROI : DIAGNOSTIC D’UN DÉCLIN
A – Le déclin multidimensionnel : une civilisation à bout de souffle ?
Gondor : Le déclin démographique
Dans The Lord of the Rings, Gondor symbolise un empire en déclin terminal. Autrefois glorieux — vainqueur de Sauron, bâtisseur de Minas Tirith —, il n’est plus que l’ombre de lui-même : lignée royale éteinte, population en chute libre, territoires perdus, armée affaiblie. Gondor attend désespérément Aragorn, son roi providentiel, pour renaître… mais celui-ci n’apparaît qu’au bord de l’effondrement. L’Europe de 2025 suit cette même trajectoire. Un taux de fécondité de 1,5 enfant par femme, une population active en déclin, un ratio de dépendance qui explose : l’équilibre démographique est rompu. Les systèmes de retraite et de santé deviennent insoutenables, l’innovation ralentit, et les armées peinent à se maintenir. Même l’immigration, tentée comme solution, échoue : ghettos urbains, tensions sociales, montée des partis anti-immigration. L’Europe, comme Gondor, attend un sauveur… qui ne vient pas.
Trantor : L’effondrement du récit civilisationnel
Dans Foundation d’Asimov, Trantor, capitale de l’Empire galactique, s’effondre quand ses élites cessent d’y croire. « Les Trantoriens ont arrêté de croire en Trantor. » Quand une civilisation doute de sa propre légitimité, elle s’auto-sabote.
La NSS 2025 utilise un langage rare pour un document diplomatique : « L’Europe fait face à une érosion civilisationnelle. » Les cathédrales se vident, l’Histoire nationale est enseignée comme une suite de crimes, et la fierté culturelle est devenue taboue. L’Europe, comme Trantor, semble avoir perdu foi en elle-même.
Des armées de papier
Les dépenses militaires européennes (280 milliards d’euros en 2024) ne suffisent pas à masquer la réalité : des armées symboliques, incapables de se défendre sans le parapluie américain. L’Allemagne, la France, le Royaume-Uni… toutes peinent à maintenir des forces opérationnelles. La guerre en Ukraine l’a révélé : sans les États-Unis, l’Europe serait vulnérable.
En résumé : L’Europe de 2025 ressemble étrangement à ces empires fictifs en déclin — Gondor sans Aragorn, Trantor sans foi, des armées de papier. La question reste : trouvera-t-elle sa propre renaissance, ou continuera-t-elle à décliner, prisonnière de ses contradictions ?
B – Triangulation Gondor + Trantor + Terre : la convergence du déclin
Le protocole niveau 4 exige triangulation. Europe doit être analysée via trois univers convergents.
Gondor (Tolkien) : dynastie brisée, population déclinante, ennemis multipliés (Mordor, Harad, Corsaires), mais inertie institutionnelle empêche réformes. Attente passive roi providentiel (Aragorn) plutôt qu’action décisive. Europe = Gondor 2.0.
Trantor (Asimov) : capitale galactique, dominant millénaire, mais vieillissement/bureaucratisation/perte confiance → effondrement rapide quand crises éclatent (révoltes, famines). Hari Seldon calcule : Trantor tombera, empire suivra. Europe 2025 = Trantor pré-chute.
Terre (The Expanse, Corey) : surpeuplée (30 milliards habitants), dépendante importations alimentaires (Ganymède, Ceinture), paralysée bureaucratie ONU obèse, incapable réformer face menaces (guerre Mars, astéroïde Eros). Finalement sauvée par héros externes (Holden, Avasarala), pas effort propre. Europe = Terre — paralysie systémique, salut dépend acteurs extérieurs (USA).
Trois univers → même diagnostic : déclin = multidimensionnel (démographie + économie + moral + institutions), irréversible sans réforme radicale (improbable démocraties vieillissantes), issue probable = effondrement ou soumission.
C – La réponse Trump : Abandonner « Old Europe », miser sur l’Est
La NSS 2025 marque un tournant radical dans la relation transatlantique : un double pivot, à la fois géographique et idéologique. L’Europe de l’Ouest, autrefois cœur de l’alliance atlantique, est désormais reléguée au profit de l’Europe de l’Est — Pologne, Hongrie, Italie —, des alliés plus alignés sur la vision nationaliste et souverainiste de Washington.
Pourquoi ce choix ? Ces pays partagent avec les États-Unis une russophobie viscérale, un rejet de l’immigration, et une foi inconditionnelle dans l’OTAN. À l’inverse, la France et l’Allemagne, affaiblies par des coalitions fragiles et des modèles socio-économiques jugés obsolètes, sont perçues comme des partenaires trop mous, incapables de réformer ou de suivre la ligne dure américaine.
Métaphore Game of Thrones : L’Europe de l’Est joue le rôle des Frey — des vassaux faibles mais stratégiques, prêts à tout pour conserver la protection des Lannister (les États-Unis). Les Frey obéissent par nécessité, car l’alternative — l’abandon — serait pire. L’Europe, comme les Frey, est piégée : soit elle accepte la vassalité, soit elle risque l’effondrement.
L’ingérence assumée : les États-Unis parient sur la droite nationale
La NSS 2025 ne se contente pas de constater le déclin européen : elle le précipite en soutenant ouvertement les partis nationalistes — Rassemblement National, AfD, Lega, Vox. Une rupture avec la tradition américaine de neutralité électorale.
Pourquoi ce soutien ? Ces mouvements promettent une Europe plus alignée sur Washington : anti-immigration, pro-OTAN, hostile à la Russie et à la Chine. Les États-Unis misent sur une vague électorale droite (2027-2029) pour transformer l’Europe en un partenaire idéologiquement compatible.
Métaphore Game of Thrones : Les États-Unis agissent comme Tywin Lannister — manipulant les Frey (l’Europe) pour servir ses intérêts, sans scrupule. La loyauté est exigée, et la trahison (ou la résistance) se paie cher. L’Europe, comme les Frey, n’a pas vraiment le choix.
La relation toxique : un « souteneur stratégique »
Olivier Zajec résume la dynamique avec une métaphore crue : « La ‘protection’ d’un souteneur stratégique. » Les États-Unis offrent une sécurité militaire, mais en échange d’une soumission croissante — financière, technologique, énergétique. Les termes du contrat :
• Sécurité : L’OTAN, financée à 70 % par Washington, est le seul rempart crédible.
• Technologie : L’Europe dépend des géants américains (AWS, Google, OpenAI) et asiatiques (TSMC).
• Énergie : Le GNL américain remplace le gaz russe… à un prix trois fois plus élevé.
• Finance : Le dollar domine, la Fed dicte les règles. Conséquence : L’Europe est addict à cette protection, mais le prix à payer ne cesse d’augmenter. La NSS 2025 exige désormais 5 % du PIB pour la défense — un doublement des coûts. Refuser ? Risquer l’abandon, comme les Frey ont risqué la colère des Lannister. Scénarios possibles :
• Soumission : L’Europe paie et obéit, renonçant à son autonomie.
• Révolte : Elle tente une émancipation (réarmement, réindustrialisation), mais l’échec est probable.
• Effondrement : Fragmentée, elle sombre dans le chaos.
Conclusion : une Europe sans roi
Comme le Gondor sans Aragorn ou les Frey sans honneur, l’Europe de 2025 est piégée. Les États-Unis, tels les Lannister, lui offrent une protection… à condition qu’elle reste un vassal docile.
La question reste : l’Europe trouvera-t-elle son Aragorn — un leader capable de restaurer sa fierté et son autonomie ? Ou continuera-t-elle à jouer les Frey, condamnés à obéir par peur de l’abandon ?
V – GARDE-FOUS ÉPISTÉMOLOGIQUES : CE QUE LA FICTION NE PEUT PAS FAIRE
A – Les quatre limites critiques
Distinguer le document de la réalité
La NSS 2025 est un texte de 33 pages, rédigé par des idéologues du mouvement MAGA. Mais entre les intentions écrites et leur mise en œuvre, s’interposent la bureaucratie (Département d’État, Pentagone, avec leurs milliers de fonctionnaires aux agendas propres), le Congrès (435 représentants et 100 sénateurs aux majorités mouvantes), les alliés (UE, Japon, souverains et non vassaux), et les adversaires (Chine, Russie, acteurs réactifs et non passifs).
Exemple historique : la NSS 2017 promettait 355 navires pour l’US Navy (contre 280 aujourd’hui), un mur mexicain financé par le Mexique (jamais réalisé), ou un retrait de l’OTAN (jamais exécuté). Résultat ? Seules 40 à 60 % des intentions ont été concrétisées.
Rôle de la pop culture : elle permet d’analyser la cohérence interne d’un document, mais ne prédit pas sa réalisation. La fiction révèle une logique, pas un destin.
Éviter l’eiségèse (projection subjective)
L’eiségèse, c’est lire dans un texte ce qu’on veut y voir, en ignorant ce qui contredit ses hypothèses. Les analogies avec la fiction risquent de tomber dans le biais de confirmation : on retient ce qui soutient sa thèse, on ignore le reste.
Protocole niveau 3 (examen dialectique) : chercher activement des contre-exemples. Par exemple, comparer Taiwan à Arrakis (Dune) semble séduisant, mais :
• Arrakis est une planète unique, Taiwan une île de 36 000 km² (1/10 000e de la Terre).
• Dune est une fiction déterministe (Paul Atréides gagne parce que l’auteur l’a décidé), tandis que la géopolitique de Taiwan relève du chaos réel (issue incertaine).
Règle d’or : Une analogie n’est valable que si on en reconnaît les limites.
Distinguer l’analyse de la prescription
La pop culture est un outil analytique, pas un guide moral. Dire « Trump = Tywin Lannister » ne signifie pas approuver Tywin (un personnage cynique et cruel : Noces Rouges, exploitation sans scrupules).
Deux rôles distincts :
• L’analyste : Comprendre pourquoi un décideur agit ainsi.
• Le citoyen/éthicien : Juger si ces actions sont moralement acceptables.
Ces rôles peuvent être incompatibles. Par exemple, analyser les frappes de drones contre les cartels comme une version moderne des Noces Rouges (efficace mais immorale) relève de l’analyse. Décider si c’est acceptable relève de l’éthique ou de la politique — pas de la fiction.
Garantir la mise en œuvre politique : le document ≠ la réalité
La NSS 2025 reste un texte de 33 pages, une déclaration d’intentions. Entre le document et sa réalisation s’interposent :
• La bureaucratie (Département d’État, Pentagone, avec leurs dynamiques internes).
• Le Congrès (majorités changeantes, 535 membres aux priorités divergentes).
• Les alliés (UE, Japon, acteurs souverains et non des vassaux).
• Les adversaires (Chine, Russie, qui réagissent et ne restent pas inertes).
Leçon de la NSS 2017 : Seules 40 à 60 % des promesses ont été tenues. La pop culture aide à décrypter la logique interne d’un texte, mais ne prédit pas son application.
B – Métaphore de synthèse : Pop culture = Microscope géopolitique
Le microscope de Leeuwenhoek a révélé, au XVIIe siècle, un monde invisible : bactéries, cellules, les fondements de la médecine moderne. Pourtant, le microscope ne montre qu’un échantillon — pas la totalité. Il peut tromper : une bulle d’air prise pour un microbe, une lentille mal calibrée qui déforme la réalité. Son pouvoir dépend de la rigueur de celui qui l’utilise : stérilisation, calibration, méthode.
La pop culture en stratégie agit comme ce microscope. Elle dévoile des patterns invisibles — le déclin des empires, les guerres de ressources, les jeux de pouvoir — là où l’analyse traditionnelle, trop lente ou trop verbeuse, passe à côté. Elle permet une révolution potentielle : des décisions plus rapides, une communication plus claire, une compréhension intuitive des enjeux.
Mais attention : elle ne montre pas tout. Les Cygnes Noirs (événements imprévus), les biais d’interprétation, les artefacts (surinterprétations, analogies forcées) guettent. Pour éviter ces pièges, il faut un protocole rigoureux : falsifiabilité, triangulation des sources, sept niveaux de vérification.
Le Pilote et le Co-pilote
Imaginons un cockpit d’avion.
• Le pilote, c’est le décideur politique. Ses mains tiennent les commandes : le bouton rouge du feu nucléaire, le manche de la diplomatie ou de la guerre. Lui seul porte la responsabilité finale. Il est humain, avec ses intuitions, ses doutes, son jugement moral.
• Le co-pilote, ce sont les outils analytiques — données, modèles, pop culture. Il surveille les instruments, signale les dangers : « Taiwan ressemble à Arrakis, priorité absolue ! », « L’Europe est un Gondor en déclin, il faut agir ! ». Il suggère des corrections, mais ne prend jamais les commandes.
La pop culture est un excellent co-pilote… si elle est bien calibrée. Danger : si elle devient trop confiante, si elle remplace le pilote, elle mène au crash. Les commandes finales restent toujours humaines — éclairées par la fiction, les données, l’expérience, et ce sens moral qui ne s’algorithme pas.
Pourquoi cette métaphore ? Parce qu’elle capture l’essence de la stratégie moderne : un équilibre délicat entre intuition et analyse, entre l’humain et l’outil, entre le visible et l’invisible. La pop culture n’est pas une boule de cristal. C’est une lentille — puissante, mais qui doit être maniée avec précision.
C – Ouverture : vers une géopolitique narrative ?
L’Ère des Récits : quand la géopolitique devient une Épopée
Du Quantitatif au Narratif : la révolution du XXIe Siècle
Au XXe siècle, la géopolitique était une science froide, dominée par les chiffres. Les analystes pesaient les empires en tonnes d’acier, en têtes nucléaires, en kilomètres carrés. L’URSS contre les États-Unis ? Une équation simple : « 40 000 chars contre 15 000, 25 000 ogives contre 23 000, 280 millions d’âmes contre 240. Conclusion : parité, équilibre de la terreur. » Les récits n’étaient que de la propagande, un bruit de fond face à la rigueur des tableurs Excel.
Mais le XXIe siècle a basculé. Aujourd’hui, la géopolitique se joue aussi — peut-être surtout — dans l’imaginaire. Les chiffres restent, mais ce sont les récits, les archétypes, les mèmes qui façonnent les décisions. Pourquoi ? Parce que les humains — même les dirigeants — pensent en histoires, pas en équations. Kahneman l’a montré : notre Système 1 (rapide, intuitif, narratif) l’emporte souvent sur le Système 2 (lent, analytique, cartésien).
Les Nouveaux Stratèges : des conteurs, pas des comptables
Vladimir Poutine : le Tsar et le Conteur
Le 24 février 2022, à la veille de l’invasion de l’Ukraine, Poutine ne parle pas de PIB ni de divisions blindées. Il invoque l’Histoire sacrée : la Rus’ de Kiev, Pierre le Grand, « la restauration de la grandeur de l’URSS ». Son récit ? « L’Ukraine est une partie de l’âme russe. Sa séparation est une anomalie historique. La corriger est une nécessité. »
Poutine ne pense pas en feuilles de calcul, mais en sagas dynastiques — un mélange de Game of Thrones (les maisons rivales, les guerres de succession) et de nostalgie impériale tsariste. L’Ukraine, avec son PIB dix fois inférieur à celui de la Russie, aurait dû être une victoire « rationnelle ». Mais la guerre s’enlise, car les récits résistent aux chiffres.
Xi Jinping : le Rêve Impérial
Xi Jinping n’est pas obsédé par le fait que la Chine soit la deuxième économie mondiale. Il est hanté par le « Rêve chinois » — une narrative de rédemption : « Le siècle d’humiliation (1839-1949) doit céder la place à la restauration de la grandeur des dynasties Ming et Tang. »
Pour lui, Taiwan n’est pas une question de souveraineté, mais de destin historique : « Une terre volée en 1949, une guerre civile inachevée, une réunification nécessaire pour rétablir l’ordre naturel. » Xi puise dans Confucius, les poètes de la dynastie Tang, le Mandat du Ciel. Il pense comme Hari Seldon (Foundation), calculant le destin sur des millénaires, ou comme un empereur sous le Mandat Céleste — où la légitimité vient des cieux, pas des chiffres.
Donald Trump : le Héros d’une Amérique Perdue
« Make America Great Again » n’est pas un slogan. C’est un mythe : « Les années 1950, âge d’or de l’hégémonie américaine. Puis le déclin — Vietnam, désindustrialisation, guerres perdues. Moi, Trump, je restaurerai cette grandeur. »
Trump ne cite pas des statistiques économiques. Il joue un rôle : celui du sauveur, du Thanos (son tweet de 2019 : « I am inevitable »), du Tywin Lannister (realpolitik cynique et transactionnelle). Même la NSS 2025 utilise un langage dystopique : « civilizational erasure » (pour l’Europe), « expeditious cessation » (pour l’Ukraine), « patriotic parties » (les héros nationaux).
Pourquoi ces récits dominent-ils ?
Parce que les leaders modernes ne gouvernent plus comme des technocrates, mais comme des bardes. Ils ne vendent pas des politiques — ils vendent des destins.
• Poutine : « La Russie éternelle, blessée mais triomphante. »
• Xi : « La Chine humiliée, mais destinée à régner à nouveau. »
• Trump : « L’Amérique trahie, mais sur le point de renaître. »
La géopolitique n’est plus une équation. C’est une épopée — où les héros, les traîtres et les destins manifestes comptent plus que les bilans comptables.
Question finale : maîtriser grammaire narrative = avantage stratégique ?
Si leaders pensent déjà en récits (Poutine, Xi, Trump), on peut se demander si les analystes ne devraient-ils pas maîtriser grammaire narrative pour :
- Comprendre adversaires : décrypter décisions apparemment « irrationnelles » (invasion Ukraine = perte économique court terme) via narratifs (Poutine = restauration empire, pas calcul PIB).
- Communiquer efficacement : briefings utilisant pop culture (Taiwan = Arrakis) persuadent décideurs mieux que PowerPoint 50 slides.
- Influencer possiblement : si l’adversaire pense GoT, peut-on manipuler via narratif ? Exemple hypothétique : convaincre Xi que « invasion Taiwan = Noces Rouges (victoire tactique, désastre stratégique — world unites against China, comme North united against Lannisters post-Red Wedding). »
Restons réalistes. Xi at-il seulement lu ou vu Game of Thrones ? Oui, il faut maîtriser les narratifs. Mais avec une rigueur épistémologique absolue (protocole 7 niveaux).
Il existe un danger absolu : croire que les narratifs = réalité (eisegesis). Poutine croyait le narratif « Ukraine s’effondrera et finira par accueillir la Russie libératrice » → Faux, résistance féroce, guerre prolongée. Narratif ≠ vérité — juste lentille interprétation.
Épilogue : quand la fiction éclaire l’Histoire, sans l’écrire
« La fiction révèle des vérités que la réalité obscurcit — mais ces vérités ne sont que des éclairs dans la nuit : fulgurants, éphémères, prêts à s’éteindre sous le souffle d’un Cygne Noir. » — Inspiré de Jessamyn West, écrivaine des grands espaces et des âmes tourmentées.
Westeros murmure à Washington. Arrakis chuchote les secrets de Taiwan. Gondor tend un miroir brisé à l’Europe.
Ces mondes imaginaires ne sont pas des prophéties, mais des lentilles — des outils pour voir ce que les chiffres et les rapports diplomatiques laissent dans l’ombre. Ils dévoilent les structures invisibles : le déclin des empires, la soif de pouvoir, les peurs ancestrales qui animent les nations. Pourtant, Washington reste Washington — un monstre à mille têtes, aussi imprévisible qu’un dragon déchaîné. Paul Atréides maîtrise Arrakis parce que Frank Herbert l’a décidé. Mais Trump ? Biden ? Poutine ? Ils ne maîtrisent rien — pas même leurs propres destins. Trop de Mules (ces forces imprévues qui bouleversent tout), trop de Cygnes Noirs tapis dans l’ombre, trop de Small Councils indisciplinés, où chaque conseiller tire les ficelles de son propre récit.
La fiction est un microscope puissant — elle révèle les fractures, les désirs, les pièges que l’analyse traditionnelle ignore. Elle est une torche dans le brouillard, éclairant des sentiers que la raison pure ne voit pas. Mais elle n’est jamais le soleil. La réalité, elle, reste plus vaste, plus complexe, plus cruelle que le meilleur des récits.
Co-pilote, jamais pilote. Torche, jamais aurore.
Et si Le Maître du Haut Château nous rappelle une vérité glaçante, c’est celle-ci : même les mondes alternatifs les plus élaborés peuvent basculer en un instant. Dans la série, le Reich et l’Empire du Japon dominent une Amérique vaincue… jusqu’à ce qu’une résistance imprévisible, un choix individuel, ou un hasard historique ne fasse tout vaciller.
La géopolitique, comme la fiction, est un jeu de miroirs déformants — où chaque vérité n’est qu’une version possible de l’histoire, où chaque stratégie n’est qu’un pari contre l’inconnu.
Alors oui, utilisons Game of Thrones, Dune, ou The Man in the High Castle pour comprendre. Mais n’oublions jamais : la réalité, elle, n’a pas de scénariste.
Et c’est ce qui la rend terrifiante… et magnifique.
Très belles fêtes de fin d’année 2025 à toutes et tous.
Image d’illustation générée par IA.





