Les Clionautes se reconnaissent pleinement en tant que citoyens, enseignants d’histoire géographie éducation civique et historiens dans la lettre de Michel Chaumet appelant à soutenir Ida Grinspan face à la mairie de Parthenay.

« En tant que citoyen, je suis profondément choqué qu’un maire, qui devrait être porteur, à l’échelon local, des valeurs de la démocratie puisse, en
censurant un texte, avoir un comportement qui transgresse ces valeurs. Et
qu’il offre, ainsi, aux enfants de sa commune, l’’exemple d’un comportement
qui fait malheureusement écho à un temps où certains risquaient leur vie
pour la défense des libertés. Ces libertés chèrement acquises, parfois
contestées et qui doivent être défendues en permanence.

En tant qu’historien, je voudrais préciser que les archives confirment
entièrement le texte écrit par Ida Grinspan. Le procès-verbal de son
arrestation (que je tiens à disposition) établi à 0 h 15 le 31 janvier 1944
par trois gendarmes de la brigade de Melle indique que la « juive Fenterzab
(sic) Ida » a bien été « conduite sous escorte » dans les locaux de la
gendarmerie afin de se rendre à l’endroit qui lui sera désigné par
l’autorité allemande. Si le donneur d’ordre est bien le Chef de la
Sicherheitspolizei de Niort (à qui est destiné le premier exemplaire du
rapport), l’’exécutant est bien la gendarmerie de Melle.

Dire la vérité historique, et constater qu’’Ida Grinspan a bien été arrêtée
par trois gendarmes français ne signifie pas stigmatiser un corps de
fonctionnaires qui, dans sa diversité, a pu avoir une attitude différenciée.
Au-delà des ordres reçus, certains gendarmes ont eu des scrupules à les
exécuter et ont agi pour prévenir les Juifs recherchés. On connaît ainsi
trois cas en Deux-Sèvres. Néanmoins, il faut savoir reconnaître que la
gendarmerie du temps de l’’Occupation, marquée par la culture de
l’’obéissance, a été un relais efficace pour la politique nazie
d’’extermination. Aujourd’’hui, cette question ne fait plus débat.

Preuve en est le début du discours du président Jacques Chirac prononcé le
16 juillet 1995 lors de la cérémonie de commémoration de la rafle du Vel
d’Hiv : « Il est, dans la vie d’une nation, des moments qui blessent la
mémoire, et l’idée que l’on se fait de son pays… Il est difficile de les
évoquer … parce que ces heures noires souillent à jamais notre histoire, et
sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle
de l’occupant a été secondée par des Français, par l’Etat français. Il y a
cinquante-trois ans, le 16 juillet 1942, 450 policiers et gendarmes
français, sous l’autorité de leurs chefs, répondaient aux exigences des
nazis. »

Michel Chaumet
Chercheur associé IHTP/CNRS
28/4/2010