La présence de Pap Ndiaye comme ministre de l’Éducation nationale est, sans conteste, l’une des rares surprises du gouvernement Borne. Le nom de cet homme de 56 ans, professeur à Sciences Po Paris, directeur du musée de l’Histoire de l’immigration, n’avait jamais été évoqué jusqu’ici ; d’autres noms circulaient mais pas le sien. Pour l’opinion publique, il est un parfait inconnu et, dans le monde de l’enseignement, personne ne lui avait prêté de proximité particulière avec Emmanuel Macron ou avec son prédécesseur de la rue de Grenelle, Jean-Michel Blanquer. En fait, si l’on en croit les archives du Monde, le dernier engagement connu de Pap Ndiaye pour une présidentielle, son dernier geste  politique,  était un appel à voter …François Hollande en 2012.

Un parcours académique remarquable

En tant que professeurs, nous ne cacherons pas notre satisfaction de voir un collègue appelé à un telle fonction. Son parcours académique est en tout point remarquable. Quand des articles évoquent nonchalamment, comme pour aligner des perles, que le nouveau ministre est normalien, agrégé, docteur, il convient de rappeler de quoi on parle. Pap Ndiaye est passé par les filtres de la sélection académique les plus exigeants qui soient dans notre pays. Il est au sommet des qualifications et titres qu’un professeur peut espérer.

Pour nous, tous ces mots ont un sens, tous ces mots renvoient à un horizon d’effort, de rigueur et d’exigence intellectuels, tous ces mots reflètent l’excellence dans l’univers si particulier et presque oublié des humanités. Un normalien n’est pas un énarque, un agrégé n’est pas un ingénieur, un historien n’est pas un avocat, sans d’ailleurs qu’il y ait à redire par principe sur les énarques, ingénieurs et avocats. Simplement, ce sont des mondes distincts. On peut raisonnablement espérer d’un homme avec un si brillant parcours, en plus des qualités générales déjà citées, une sensibilité, une écriture, une hauteur de vue, en somme une culture, plus qu’appréciable, qui devraient compenser sa relative inexpérience dans les politiques publiques d’éducation.

Bien entendu, l’École normale supérieure, l’agrégation, le doctorat, tout cela ne garantit pas forcément le bon ministre de l’Education nationale. Tout cela ne transforme pas fatalement Pap Ndiaye en homme de la situation. Mais, a minima, voilà qui mérite d’emblée respect et considération des professeurs. Dans la difficile époque que nous vivons, un tel profil ne peut que retenir l’attention. Il sera toujours temps d’apprécier plus tard, sur pièces, l’action de M. Ndiaye, ministre de l’Éducation.

Un historien et un directeur du musée de l’Histoire de l’immigration

Toute la presse s’en est fait l’écho hier, les travaux de Pap Ndiaye portent sur la question des minorités en général, des Afro-Américains en particulier. Certains ont aussitôt crié au wokisme et à l’indigénisme. De vieux articles ont resurgi, avec propos tronqués et décontextualisés. La propension à attaquer à l’aveuglette, propre à la faune des réseaux sociaux, est un énième symptôme de la dégradation du débat public. Plutôt que de jouer au procureur, pourquoi ne pas tout simplement lire Pap Ndiaye ? Pourquoi se contenter d’une introduction sibylline d’un article réservé aux abonnés dans les grands quotidiens nationaux quand Internet regorge de sources nettement plus solides ?

Si les uns et les autres sont pressés, ils peuvent aussi parcourir nos sites où ils trouveront cette recension du catalogue d’exposition du Modèle noir, de Géricault à Matisse (Orsay) ou encore ces captations de conférences à Blois auxquelles nous contribuons tous les ans.

Nous n’avons jamais autant eu les moyens d’approcher honnêtement chaque sujet, chaque travail de recherche, chaque personnalité, et nous n’avons jamais autant eu à souffrir de ces raccourcis et de ces effets de meute.

Pour le reste, nous le répétons, nous attendrons de voir ce que le ministre accomplit dans sa tâche.

Que faire après Jean-Michel Blanquer ?

En prenant la suite de Jean-Michel Blanquer, Pap Ndiaye ne peut ignorer qu’il devra endosser les réformes de son prédécesseur. Surtout, il devra porter remède aux trois grands maux qui paralysent actuellement l’institution : la baisse du niveau de nos élèves, la raideur globale de gestion et la crise des personnels. La tâche est immense, la main d’œuvre de moins en moins nombreuse et volontaire. Les annonces antérieures du président Emmanuel Macron brident de toute façon les velléités qu’un ministre pourrait nourrir à ce sujet et gageons qu’il faudra ensuite passer sous les fourches caudines de Bercy.

La composition du nouveau gouvernement intervient à la conjonction de deux annonces fortes : d’un côté le faible nombre d’admissibles aux concours révélant la profonde crise de recrutement des enseignants, et de l’autre, la rémunération des personnels débutants à 1.1 fois le SMIC. On peut toujours considérer que la raréfaction des candidats n’est que l’effet passager de la réforme du Capes, il n’en reste pas moins que la tendance de fond montre une baisse des vocations sur ces quinze dernières années. Au sein de l’association, la diminution des adhésions dans le cadre de la préparation aux concours externes confirme la tendance générale.

Notre discipline, qui a pu se féliciter de la qualité de son programme de spécialité en Première et en Terminale, mérite tout de même quelque attention. Les remontées de terrain sur les épreuves de mai et les corrections doivent être entendues. Le tronc commun fonctionne mal, voire très mal. Quant à la voie professionnelle, c’est peu dire que les problèmes s’accumulent. Au collège, si la réforme de 2016 est maintenant digérée, le niveau des élèves n’a pas été relevé et le fossé avec la Seconde s’est encore agrandi. Nous avons prévu prochainement un texte sur l’état de nos disciplines dans l’enseignement primaire. Le diagnostic ne sera pas davantage positif.

Notre association se tient bien entendu à la disposition du Ministre sur tous ces sujets. Nous avons à cœur d’accompagner tout ce qui peut permettre d’aplanir les difficultés rencontrées, où qu’elles soient, d’où qu’elles viennent.