L’audience du Conseil supérieur des programmes (CSP) pour l’Enseignement moral et civique en classe de Terminale s’est tenue mardi 26 mars au Ministère, sous la direction de Mme Souâd Ayada, présidente du CSP, et de M. Vincent Duclert, IGEN. Parmi les participants auditionnés, outre les représentants des associations disciplinaires d’Histoire-Géographie, de Sciences économiques et sociales et de Philosophie, nous avons pu noter le nombre élevé de représentants syndicaux.

La réunion a débuté par un rappel sur la fabrique des nouveaux programmes, la mobilisation de groupes de travail, le besoin de validations diverses en amont et en aval des projets présentés. En somme, entre le premier projet et la version définitivement adoptée au Bulletin officiel, les modifications sont et seront nombreuses.

Le programme de Terminale reprend l’organisation déjà entérinée pour les classes de Seconde et de Première. Autour d’une notion cardinale, en l’occurrence « La démocratie, les démocraties », l’enseignant est invité à travailler en deux temps : d’abord les aspects théoriques, ensuite la pratique. Puisque l’horaire annuel imparti reste faible (18 heures), l’approche restera limitée à quelques thèmes.

L’axe théorique, nommé « Fondement et expériences de la démocratie », est associé à une liste d’une bonne douzaine d’objets d’étude parmi laquelle l’enseignant est invité à en piocher deux pour sa classe. En voici les intitulés :

– le modèle grec,

– le modèle romain,

– le peuple souverain,

– la République, hier et aujourd’hui,

– démocratie, autoritarisme et totalitarisme,

– l’État de droit,

– la séparation des pouvoirs,

– les droits de l’homme,

– les transitions démocratiques dans le monde,

– la démocratie au sein de l’Union européenne,

– « tyrannie douce » et mort des démocraties,

– démocratie et éthique de la vérité,

– démocratie participative et démocratie représentative,

– aménagement du territoire et démocratie locale.

L’axe pratique, intitulé « Repenser et faire vivre la démocratie », doit permettre de brosser les problèmes contemporains de la démocratie (populisme, place des minorités, violences et guerres, racisme et discriminations, etc.) et d’envisager les actions concrètes que chaque citoyen peut entreprendre pour enrichir ou compléter cette fameuse démocratie (engagement politique du citoyen, engagement associatif, démocratie en milieu scolaire, engagement artistique, place des artistes et chercheurs en résidence dans les lycées, réseaux sociaux, nouvelles pratiques démocratiques, etc.).

Sur le terrain des pratiques pédagogiques, le projet invite les enseignants à être aussi concret que possible, à solliciter la participation de l’élève, voire à l’associer au choix de ce qui sera fait ou non, notamment concernant le projet de l’année, défini comme une création, une recherche ou un projet, effectué collectivement, autour de la notion centrale de l’année et pouvant occuper jusqu’à la moitié de l’horaire annuel dévolu à l’Emc.

À l’issue de cette présentation finalement assez courte, chaque association et chaque syndicat a pu formuler ses impressions.

L’avis des Clionautes :

Concernant la longueur de la liste des objets d’étude au choix:

Certes, la diversité permet aux uns et aux autres de s’y retrouver, et ce sur les trois années de l’Emc. Globalement, toutes les thématiques habituelles, sur la laïcité, l’égalité, l’enseignement à la Défense ou la vie civique, se retrouvent dans les programmes, à une place différente de celle qu’elles occupent actuellement, mais elles sont là. Dire le contraire relève d’une forme de mauvais procès. Par contre, là où le bât blesse est qu’il faut arbitrer assez sévèrement sur des sujets qui, pris isolément, ont tous leur importance. En voie de conséquence, un lycéen pourra tout à fait suivre trois années d’Emc sans parler de laïcité ou de la pratique du vote ou encore des institutions la Ve République si son enseignant a décidé de parler d’autre chose. Nous ne trouvons pas que cela aille dans le bon sens. Autant les Clionautes sont très attachés à la liberté pédagogique, autant ils soutiennent le principe de programmes nationaux qui donnent un cadre commun et qui assument avec fermeté un certain nombre de priorités républicaines.

Concernant la place de l’Histoire-Géographie

Vous l’aurez sans doute remarqué, une part non négligeable des objets d’étude de l’Emc sont quasiment le décalque du thème relatif à la démocratie, de l’enseignement de spécialité d’Histoire-Géographie-Géopolitique et Sciences Politiques en Première. D’autres correspondances existent encore avec le tronc commun. Nous l’avons immédiatement signalé et, pour tout dire, même s’il y a effectivement, comme on peut nous l’objecter, une différence entre enseigner la démocratie en Emc et en Histoire, nous ne sommes pas convaincus de la pertinence de ces répétitions, surtout quand certains sujets essentiels peuvent ne plus être traités du tout par les lycéens. Nous souhaitons que les sujets qui n’auraient que l’Emc pour être abordés directement (les institutions de la Ve République, l’engagement politique, la laïcité, les questions de Défense) soient mieux distingués de ceux qui sont déjà traités ailleurs. Nous avons demandé qu’un document de travail pour les enseignants permette de flécher ce qui a déjà été vu par les élèves, quel que soit le parcours antérieur.

Concernant le choix de l’enseignant pour l’attribution des heures de l’Emc

La surreprésentation des syndicats par rapport aux associations disciplinaires a donné à cette question une place inattendue. Alors que le CSP n’a aucun pouvoir de décision en la matière, plusieurs syndicats ont lourdement insisté pour qu’il inscrive noir sur blanc que l’Emc puisse être assumé par un professeur de n’importe quelle discipline, tout en remarquant paradoxalement que le programme était taillé …pour les professeurs d’Histoire-Géographie et qu’il ne faut plus donner l’impression d’un Emc variable d’ajustement des services !

De notre côté, nous soulignons que ces heures ont été prises jadis sur nos horaires d’enseignement et que parler de l’équilibre des services ne devrait pas aboutir à la mise au second plan des considérations pédagogiques.

Concernant le caractère réaliste et adapté des programmes

Nous avons partagé avec les associations et syndicats présents un certain nombre de craintes sur l’abstraction de plusieurs intitulés. Les programmes étant communs avec les filières technologiques, nous ne sommes pas persuadés que certaines entrées soient praticables pour les élèves. De même, la mise sur le même plan de l’apport des « artistes et chercheurs en résidence dans les lycées » avec « l’engagement politique du citoyen » dans l’axe 2 paraît franchement discutable.

Nous ne sommes également pas satisfaits de voir cet enseignement prévu pour la classe entière. Comment mener une recherche au C.D.I. ou en salle informatique, faire participer individuellement les élèves, organiser des débats dans des groupes de 35 ? Nous soulignons que les membres présents du CSP ont bien pris note de ce problème et en référeront à qui de droit. Ils se sont tous montrés conscients de la situation.

Enfin, même si le CSP n’est pas responsable de cette situation, nous avons été nombreux à regretter le flou persistant quant à l’évaluation, tant de l’Emc que des autres disciplines.

Par contre, nous ne partageons pas le pessimisme de certains quant au caractère irréaliste du programme pour 18 heures de cours. Dans la mesure où le projet de l’année est indiqué comme « possible » et non comme obligatoire, dans la mesure où aucun axe n’est corseté par un horaire quelconque, nous pensons que ce programme est faisable.