Intervenant Alexis Troude, chargé de cours, université de Versailles – Saint-Quentin (Paris)

Alexis Troude est un chercheur, un géographe et un géopolitique. Il est également collaborateur à l’institut du monde multipolaire affilié au laboratoire géographie (UMR 8500 04). Sa thèse portait sur frontières et identité nationale dans le processus de l’éclatement des Balkans occidentaux (1974 – 2008), directeur G Prévélakis. Il a publié de nombreux ouvrages notamment, Géopolitique de la Serbie, Ellipses, 2006 et Les Balkans, un éclatement programmé, Xenia, 2012. Il est aussi expert international auprès de l’Unesco. Il a donné de nombreuses conférences auprès d’institutions universitaires comme Barcelone, Québec, Sorbonne et dans les manifestations culturelles internationales comme les rendez-vous de l’histoire de Blois (source DiploWeb.com).

Description de la situation actuelle des Balkans.

« Les Balkans c’est le trou noir de l’Europe » affirme le conférencier. Il pose d’emblée la question. Pourquoi l’Union européenne a-t-elle mis tant de temps à intégrer cette région éminemment européenne ? Européenne parce que c’était une région découpée par les empires austro-hongrois, par l’empire ottoman. Les Balkans étaient de ce fait sur une ligne de fracture entre l’empire ottoman et l’empire austro-hongrois.

D’un côté cela a créé beaucoup de conflits mais cela a amené une tradition à la fois multiethnique. Le statut par exemple des minorités chrétiennes dans l’empire ottoman, de la même façon le statut dans l’empire austro-hongrois de toutes ces populations slaves  comme les Serbes, les Croates, les Slovènes qui se retrouvent aujourd’hui sur des territoires différenciés. Pour exemple la Serbie est peuplée de plus de 28 nationalités. Dans le nord de la Serbie, dans la seule province autonome de Voïvodine, cinq langues officielles sont pratiquées au parlement de Voïvodine. De ce point de vue, les Balkans sont un exemple pour l’Union européenne. Il est légitime de se poser la question, pourquoi l’Union européenne n’accepte-t-elle pas d’intégrer cette région qui a pourtant des éléments sur lesquels l’Union européenne pourrait s’appuyer ?

Deuxième point. Les Balkans peuvent apporter une tradition démocratique et libérale. Il est utile de faire un rappel historique. Quant Napoléon a créé les provinces Illyriennes, il y avait des populations à majorité slave qui appelèrent à l’aide Napoléon 1er qui leur  a envoyé des armes. Cela a eu pour conséquence tout au long du XIXe siècle pour ces peuples des Balkans de se rapprocher du modèle français. Ainsi la Serbie, la Roumanie, la Bulgarie, sont des pays qui vont se créer sur le modèle français, en adoptant par exemple une constitution sur le modèle français. Des frontières furent érigées par des géographes et des historiens français comme par exemple Ernest Denis qui fut chargé de cours à l’université de Grenoble à la fin du XIXe siècle, spécialiste de l’histoire tchèque et de la Serbie et slavisant de renom, qui participa à la création des frontières de la Yougoslavie au lendemain de la première Guerre mondiale. L’influence culturelle de la France fut donc très forte. Autre exemple, au Monténégro la présence française est encore très marquée aujourd’hui dans les commerces, à la poste voire dans les gares ferroviaires où les écritures sont en français. C’est un héritage d’une francophilie issue du XIXe siècle dans cette zone des Balkans.

Pourquoi s’interroger aujourd’hui sur cet objet d’étude, les Balkans ? Des Alpes dinariques jusqu’à la mer Noire, les Balkans géographiquement comprennent l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, la Croatie, la Grèce, la Macédoine, le Monténégro et la Serbie. On parle de « Balkans occidentaux », un terme officiellement introduit dans le vocabulaire de l’Union européenne à l’occasion du Conseil européen de Vienne de décembre 1998. Depuis 1999 le processus de stabilisation et d’association (PSA) précise le cadre des relations entre la région et l’Union européenne. Les liens entre ces pays et Bruxelles sont ainsi devenus le principal critère pour définir une région qui ne devait pas immédiatement rejoindre l’Union. Les Balkans occidentaux sont nés sur les décombres de l’ex Yougoslavie à la fin des années 90 lorsqu’a commencé le processus d’élargissement pour essayer d’intégrer des pays de l’ex-Yougoslavie.

Son propos sera le questionnement sur l’intégration de cet espace dans l’Union européenne qui fait partie de l’Europe médiane, qui n’est pas encore européenne. Le conférencier propose un développement en trois temps. Où en n’est le processus euro-atlantique ? Quelles sont les stratégies des puissances tels que les États-Unis, la Russie, la Chine ? Si l’Union européenne continue à retarder l’intégration de ces régions, est-ce des acteurs tels que la Chine, la Russie, la Turquie qui prendront la place de l’Union européenne dans cette région ?

Quel est actuellement le processus euro-atlantique en 2009 ?

Le processus est largement entamé par l’OTAN. Du côté des dirigeants de l’Union européenne comme du côté des dirigeants de ces pays, tous souhaitent que ce processus d’intégration ne soit pas retardé. La Yougoslavie était une grande puissance politique au temps de Tito, une grande puissance industrielle, le troisième pays qui avait la plus grande capacité hôtelière en Europe avant l’Italie. Il est donc légitime de se poser la question pourquoi autant de retard pour intégrer cet espace dans l’Union européenne. Il y a eu un contexte défavorable avec les guerres au début des années 90, des événements internationaux aujourd’hui qui explique la lenteur de ce processus d’intégration.

L’Union européenne reprend les négociations avec les pays de l’ancienne Yougoslavie, qui avaient signé le pacte de stabilité en 1999 pour l’Europe du Sud-Est signé entre Bruxelles et les dirigeants de la Slovénie, de la Croatie, la Serbie, la Bosnie et la Macédoine et le Monténégro.

En 1999 on pensait que ce processus serait accéléré et qu’il mènerait rapidement à une intégration doublée d’accords d’une communauté énergétique avec ces pays du sud-est de l’Europe. Ces accords sont associés avec les corridors européens, avec la nouvelle organisation des réseaux de gazoducs, d’oléoducs et de routes dans toute l’Europe.

Quelle est la situation de ces pays de l’ex-Yougoslavie dans le projet d’intégration européenne ?

Il faut distinguer trois catégories de pays car il y a trois politiques européennes.

– Premier cas de figure la Croatie, la Slovénie. Les deux premiers pays ont intégré dès le début des années 2000 l’Union européenne. La Slovénie a pu profiter de l’intégration européenne assez rapidement car c’est un pays qui était industriellement développé et qui disposait d’un bon tissu industriel. Pour la Croatie la situation est un peu différente. On remarque à partir de l’étude des sondages que les Croates sont déçus de l’intégration de leur pays dans l’Union européenne pour deux raisons. La première raison c’est que les Croates voyaient l’Union européenne comme un espace de prospérité avec augmentation des salaires, avec l’accession à la propriété et aux biens de consommation. Or ils découvrent les « inconvénients ». Ils découvrent que les paysans Croates devaient payer des impôts, que les entreprises devaient contribuer aux taxes solidaires de l’union européenne, des taxes quasiment inconnues dans ces pays au temps du communisme. On ne payait pas le téléphone, ni l’électricité. Progressivement la population Croate a revu à la baisse sa vision optimiste de l’intégration dans l’Union européenne, perçue comme coûteuse.

La deuxième raison qui explique la méfiance des Croates à l’égard de l’Union européenne c’est la question des frontières. La frontière avec la Slovénie au sujet de de la baie Piran, donnant accès à la Slovénie au détriment de la Croatie aux eaux internationales dans la mer Adriatique malgré un compromis en 2017, ne satisfaisait pas ni les Croates ni les Slovènes.

C’est un litige frontalier important qui pèse dans les relations de ces deux pays. Des questions géopolitiques, géo économiques, autant de problèmes qui montrent la déception importante des Croates envers l’Union européenne.

– Deuxième catégorie de pays, la Serbie, la Macédoine, le Monténégro. Ces trois Etats sont dans des négociations assez importantes avec les responsables de Bruxelles. Ils ont signé à la fin des années 2001, des accords stabilité et d’association (ASA). Il s’agit du commencement des négociations pour l’Union européenne afin de mettre aux normes un ensemble d’infrastructures et de communication, de revoir la législation du pays, d’adopter la démocratie libérale, de réaliser la transition entre une économie de type socialiste à une économie de libre-échange. Exemple la Serbie a signé 24 chapitres sur 35 au bout de 11 ans !

Les négociations entre la Serbie et Bruxelles sont longues et compliquées. A chaque fois la date d’intégration de la Serbie dans l’union est repoussée voire même jusqu’en 2025, sans aucune certitude d’intégration ! Il y a plusieurs raisons pour cela. A la suite du rétablissement de la coopération entre la Serbie et le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), la Commission européenne signe le 7 novembre 2007 l’Accord d’association et de stabilisation entre l’UE et la Serbie. Le 28 janvier 2008, la signature de l’ASA est retardée, dans l’attente d’une « pleine » coopération de Belgrade avec le TPIY. L’arrestation et le transfert au tribunal de l’ancien dirigeant serbe bosniaque Radovan Karadzic (en juillet 2008) et de l’ancien commandant militaire Ratko Mladic (en mai 2011) montre les efforts fournis par la Serbie.

L’ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM) est devenue officiellement candidate en décembre 2005, mais les négociations d’adhésion n’ont pas encore commencé. Le Monténégro s’est vu accorder le statut de candidat le 17 décembre 2010, les négociations d’adhésion s’ouvrant en juin 2012. La Serbie a la qualité de pays candidat depuis mars 2012 et a entamé les négociations en janvier 2014. L’Albanie est officiellement candidate depuis juin 2014. Si l’Union européenne est hésitante dans l’intégration de la Serbie, les dirigeants politiques du pays sont aussi divisés sur cette question. Les uns sont pro européens et les autres sont plutôt préservés. Il y a une volonté réelle de chercher la meilleure négociation possible mais l’article 35 constitue un obstacle pour Belgrade pour pouvoir espérer entrer dans l’union européenne. C’est celui de couper une partie du territoire qui est assez conflictuel le Kosovo. Aucun dirigeant serbe n’accepterait cette décision. Donc il y a une volonté de part et d’autre pour réaliser cette intégration mais des raisons historiques empêchent la Serbie de céder sur ce point.

La Macédoine et le Monténégro ont le même problème, ils mènent ensemble des négociations avancées avec l’Union européenne mais ces Etats possèdent des situations locales semblables. Les dirigeants de ces deux petits pays sont pro-européens mais à l’intérieur de ces territoires il y a des divergences. Ce sont des divergences entre les populations car à l’intérieur de ces pays il y a un irrédentisme fort albanais. Un tiers de la Macédoine est dans un système confédéral. Il est dirigé au niveau des communes et des régions par une minorité albanaise ce qui a conduit l’Union européenne en 2019 de faire pression sur le président élu pour qu’il quitte le pouvoir et de le faire remplacer par un candidat de minorité albanaise pro-européen. Les Balkans sont une sorte de laboratoire de l’Union européenne qui peut imposer depuis l’extérieur une sorte de confédération. La Serbie, la Macédoine, le Monténégro souhaitent malgré tout rentrer dans l’Union européenne. Bruxelles souhaite en particulier intégrer la Serbie jugée comme un pôle de stabilité, perçue comme ayant une position centrale dans le sud des Balkans et au cœur des projets de transport et de la politique énergétique menée par l’Union européenne.

– Troisième catégorie de pays, la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo. Ces deux Etats ont par contre une intégration retardée. Ils ont signé cependant des accords de stabilité entre 2015 et 2016. Ce sont de pays faillis qui connaissent deux freins. Le premier frein interne à une intégration européenne c’est le manque de stabilité politique sur tout leur territoire. Exemple la Bosnie-Herzégovine qui depuis les accords de Dayton, ressemble à un millefeuille, un Etat qui n’arrive pas à contrôler tout son espace politique, un Etat qui n’a pas moins de 13 gouvernements. À Sarajevo, il y a un gouvernement central qui possède deux prérogatives la monnaie, le mark bosniaque, et sur l’armée. Hormis ces deux prérogatives il y a deux sous Etat fédéral, deux Etats, qui sont des entités qui ont la réalité du pouvoir. Au nord et à l’est la République Serbe de Bosnie-Herzégovine assoit son pouvoir sur 40 % du territoire et au sud et à l’ouest la fédération de Bosnie-Herzégovine qui couvre plus de 51 % du territoire. Il faut ajouter aussi le district de Brčko, situé tout au nord. Au total c’est une confédération à la suite des accords de 1995 qui empêche l’intégration de l’État fédéral de Bosnie-Herzégovine dans l’Union européenne.

Le deuxième frein à l’intégration de la Bosnie-Herzégovine dans l’union européenne c’est le terrorisme islamiste. Le Kosovo comme la Bosnie-Herzégovine ont mené des djihadistes islamistes en Syrie. Ce sont les deux Etats européens qui envoyaient le plus de combattants islamistes. Dans ces pays localement il y a des villages qui ont été des terreaux de combattants islamistes. L’Union européenne aide la police localement dans ces deux pays mais n’arrive pas à éradiquer ces bases de terrorisme islamiste. Le rapprochement avec l’Union européenne est donc difficile dans ce contexte. L’Union européenne a donc une politique différenciée selon ces trois catégories de pays dans le sud des Balkans.

Quelle est la situation de ces pays de l’ex-Yougoslavie dans le projet de l’intégration atlantique ?

L’OTAN a été créée en 1949 dans le cadre de la guerre froide, une zone de défense de l’Europe de l’Ouest contre l’empire soviétique. l’OTAN a participé, au cours des guerres yougoslaves, de façon illégale à une guerre en dehors de sa zone, au bombardement de la Serbie en 1999 sous le prétexte que le gouvernement de Serbie aurait massacré des populations albanaises. Or on sait aujourd’hui que c’était pour d’autres buts, pour des intérêts miniers, pétroliers, géopolitiques. Pour la plupart des dirigeants des Balkans occidentaux le rapprochement avec l’OTAN est plutôt bien perçu mais à l’inverse une grande partie des populations semble hostile. La Slovénie (2004), la Croatie et l’Albanie (2009) sont dans l’OTAN depuis une dizaine d’années mais les autres pays ont un rapport avec l’OTAN plus conflictuel. Le Monténégro, un petit pays au bord de l’Adriatique, qui est rentré dans l’OTAN en 2017 a été mal perçu par le président russe Poutine qui y voyait une avancée de l’OTAN jusqu’à sa sphère d’influence. L’entrée du Monténégro dans l’OTAN représentait pour le ministre des affaires étrangères russes une menace à la fois pour les Balkans et pour l’Europe.

Pour l’OTAN, l’intégration du Monténégro avait un intérêt géostratégique. C’était celui de contrôler le débouché sur la mer Adriatique vers la mer Méditerranée et avoir le contrôle sur le littoral méditerranéen des Balkans occidentaux. L’autre intérêt pour l’OTAN est que les trois pays frontaliers du Monténégro sont dans un partenariat pour la paix, PPP. Pour les Américains cela leur permet d’avoir un contrôle sur le canal d’Otrante. De de ce fait il n’y a plus d’armée au Monténégro, réduite à 2000 Soldats avec la disparition de la flotte navale du Monténégro. Les Monténégrins ont donc fait d’énormes sacrifices pour pouvoir intégrer l’Union européenne. Cela a cependant créé des fractures internes parce qu’une partie de la population est hostile à la présence de l’OTAN. Il s’agit d’une grande partie de la population qui historiquement, culturellement et sur le plan religieux est rattaché à la culture serbe. On a donc deux populations pro OTAN ou pro américain et l’autre pro slave et avec une alliance avec la Serbie. Autre conséquence néfaste pour la Russie, de l’intégration du Monténégro dans l’OTAN, concerne ses investissements placés dans ce pays qu’elle est obligée de retirer. L’économie du Monténégro en subit les conséquences depuis.

L’entrée du Kosovo dans l’OTAN est aussi hautement stratégique. La superficie de l’Etat du Kosovo est l’équivalent de deux départements français. Depuis les bombardements de 1999, il est devenu un protectorat de l’ONU et un laboratoire pour l’OTAN. Le Kosovo est aussi un Etat faillis. Les dirigeants de ce petit territoire n’arrivent pas à contrôler le trafic de la drogue, 80 % de la drogue passent par le Kosovo. C’est aussi une base arrière des djihadistes islamistes, avec la présence des camps d’entraînement djihadistes. L’OTAN doit rester sur place pour maintenir la sécurité de ce territoire mais c’est ce climat de violence qui empêche les minorités serbes, roms, turques de vivre normalement. Ces minorités vivent dans un état de terreur malgré la présence de l’OTAN et vivent dans des enclaves, un véritable apartheid au cœur de l’Europe.

Troisième Etat c’est la Bosnie-Herzégovine où l’OTAN a maintenu la paix de 1995 à 2004, qui a pu arrêter les guerres yougoslaves et désarmé les milices serbes et croates musulmanes. Une fois la paix installée, l’Union européenne a pris le relais. Depuis 2004 c’est EUROFOR, une armée européenne qui est envoyée sur place et qui maintient une paix stable en Bosnie-Herzégovine.

Quelles sont les autres puissances en gestation ?

Aujourd’hui face à cette intégration atlantique moyenne, quelle est l’attitude des nouvelles puissances comme la Russie, la Chine, la Turquie ?

La Russie historiquement proche des slaves du Sud, a pris actuellement ses distances avec la Serbie depuis que Tito a refusé d’intégrer le pacte de Varsovie. Aujourd’hui la Russie est devenue plus pragmatique que sous l’URSS, elle a développé l’idée de l’étranger proche. Les dirigeants russes ont développé surtout le projet qu’il faut soutenir une constellation de pays. Cette constellation de pays pour les Russes ce sont la Bulgarie, la Serbie et le Monténégro. Les Russes mènent de ce fait une politique énergétique envers la Serbie et le Monténégro, ils ont racheté en 2008 à la Serbie la principale société de transport de gaz. En 2019, le courant de gazoduc, le North Stream qui mène de la Sibérie jusqu’en Allemagne est une réussite puisqu’on est en train de construire le gazoduc North Stream 2.

Par contre le South Stream ne s’est pas fait parce que l’Union européenne s’est opposée. Le South Stream était un projet de gazoduc paneuropéen qui, dès 2015, devait relier la Russie à l’Europe occidentale qui devait être acheminé sous la mer Noire vers la Bulgarie, puis la Serbie, l’Italie et l’Autriche. Le projet aurait permis à Gazprom de contourner l’Ukraine comme pays de transit, source de plusieurs conflits. Ce projet de courant de gazoduc devait passer par la mer Noire et traverser la Bulgarie qui sous la pression européenne a dû refuser le gaz russe. Les Russes ont alors négocié avec Erdogan, président de la Turquie, pour faire passer le gaz sous la mer noire depuis la Turquie, le Turki Stream. Le projet consiste à acheminer le gaz depuis le sud de la Russie, passant au fond de la mer Noire, grâce à un gazoduc sous-marin de plus de 900 km pour rejoindre la Turquie.

IL y a deux projets de tracés passant par les Balkans. Le premier tracé traverserait la Grèce puis la Macédoine et l’Albanie ou soit pour le deuxième projet, au nord des Balkans, le tracé du gazoduc passerait par la Macédoine, la Serbie, la Croatie. Pour l’instant aucun des deux projets est retenu dans cette zone géographique tant les tensions sont perceptibles. Ces projets sont aussi ralentis dans l’attente des décisions européennes et du fait de la concurrence avec les États-Unis dans la construction d’un gazoduc passant dans les Balkans. Le tracé étasunien consisterait à faire passer le gazoduc venant de la mer Caspienne qui traverserait le Caucase et arriverait en Europe par la Bulgarie en contournant la Serbie, la Bulgarie, Roumanie et Hongrie. Le projet États-Unis consiste à faire renaître le projet Nabucco. Il y a donc une confrontation de projets entre le North Stream en cours de réalisation, le projet Nabucco, et le troisième acteur l’Union européenne qui développe les corridors, corridor 4, 8 et 10. Le corridor 10 qui va de Budapest vers Thessalonique en Grèce entre en confrontation entre la frontière de la Macédoine et du Kosovo. Tout cela explique les confrontations et les enjeux géopolitiques dans cette région des Balkans.

La Chine mène à son tour une politique très active sur ces territoires des Balkans. En 2016 on voit apparaîtra des trains chinois dans les Balkans. C’est une politique chinoise habituelle qui passe d’abord par les transports, les autoroutes, les infrastructures. Mais récemment c’est dans le domaine industriel que la Chine investit en achetant la plus grande usine de métallurgie en Serbie appartenant aux Américains, la société US Steel. Les Balkans sont en fait plus importants que l’Afrique pour la Chine contrairement à ce que l’on croit selon le conférencier. Le tracé de la route de la soie, projet de 2015, reliant par voie terrestre la Chine à l’Europe passe aussi par les Balkans et ils sont en train de le réaliser. Les Balkans de ce fait complète une zone d’influence depuis l’Asie.

Dernier acteur qui mène dans cette zone des Balkans c’est la Turquie. Erdogan mène une politique dite néo ottomane en Asie centrale, au Caucase et dans les Balkans. Il prend un ensemble de mesures. Il signe des accords militaires, de ventes d’armes. Il impose la présence de bases turques au Kosovo. Il développe un soft power avec l’exemple au Kosovo. la Turquie investit dans ce petit Etat des instituts culturels du fait de la présence de fortes minorités turques à Macédoine, au Kosovo et en Bosnie. Dans le domaine économique l’influence des compagnies turques est présente dans l’industrie locale. La question de savoir si la Turquie doit entrer dans l’Union européenne est en partie résolue au moins sur le plan économique, sur le plan énergétique. Il reste la question de la politique menée par le président turc qui va à l’encontre des principes de Copenhague.

Les Balkans occidentaux sont un espace géostratégique au coeur d’intérêts multiples divergents d’un point de vue politique, stratégique et militaire et d’un point de vue des infrastructures de communication et des ressources énergétiques entre les pays constituant les Balkans occidentaux et l’Union européenne et les puissances régionales montantes comme la Russie, la Turquie, la Chine et les États-Unis.