Cette table ronde, en lien avec l’espace géographique invité, l’Europe, est certainement l’un des grands moments de ce festival. Ne serait-ce que par les intervenants, dont les contributions, riches et d’approches diverses, nourriront en n’en pas douter les interventions de l’enseignant dans la spécialité HGGSP :

  • Sylvie Bermann, ambassadrice de France à Pékin de 2011 à 2014 et à Moscou e 2017 à 2019.
  • Jean-Sylvestre Mongrenier, docteur en géopolitique, chercheur à l’Institut Français de Géopolitique et à l’Institut Thomas More, conférencier à l’Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN).
  • Michel Foucher, géographe, diplomate et essayiste, titulaire de la chaire de géopolitique appliquée au Collège d’études mondiales (FMSH).

C’est l’ancien maire de Saint-Dié, Christian Pierret, créateur du festival, qui anime cette table ronde.

Christian Pierret

Les jalons des relations internationales entre la Russie et la France :

  • La Russie fait son irruption assez tôt en Europe par l’intermédiaire de la reine de France Anne de Kiev, épouse du 2ème capétien Henri Ier, successeur d’Hugues Capet.
  • Le tsar Pierre le Grand en visite en Europe et séjournant à Versailles, brandit dans ses bras le futur Louis XV. Les chroniqueurs rapportent que le Roi-Soleil avait modérément apprécié que son visiteur de marque se fasse appeler empereur…
  • En 1807 a lieu la rencontre de Tilsitt entre Alexandre Ier et Napoléon Ier qui échoue à constituer une paix durable.
  • La Guerre de Crimée en 1855 limite les ambitions russes vers les mers chaudes.

On comprendra d’ores et déjà que la Russie, handicapée par l’histoire (l’occupation mongole) et mal définie par sa géographie, ait eu du mal à se faire accepter comme puissance européenne dans le « Concert européen »…

  • L’alliance franco-russe d’avant la 1GM et les sacrifices de la Russie lors de la 1ère Guerre Mondiale puis la Guerre Civile et enfin lors de la « Grande Guerre Patriotique » avec 24 millions de morts.

Les Russes rappellent d’ailleurs souvent leur sacrifice pour libérer l’Europe du fascisme et du nazisme. Il faudrait prendre conscience de cette cicatrice pour comprendre la conception que les Russes ont d’eux-mêmes.

Etat des lieux de la puissance russe : forces et faiblesses

Une économie de rente

La richesse russe repose sur ses ressources minérales, son bois et son économie pétrolière et gazière. Si elle dispose également d’un haut niveau technologique hérité de l’URSS, elle peine parallèlement à exporter ses produits manufacturés hors de son espace culturel.

Son PIB, modeste en regard de sa taille et de sa population, est l’équivalent de celui de l’Italie. Son vaccin Spoutnik, dont l’efficacité était pourtant avérée, a été refusé de diffusion par l’UE. Dans le domaine biomédical, la Russie existe, mais ce n’est pas comparable à la Chine ou aux USA.

Avec Poutine, la Russie de retour parmi les Grands

Sentiment national et humiliation

Les Russes ont un sentiment national très fort et cherchent à étendre leur influence (définition de Churchill dans son discours de Fulton en 1946). Avec l’implosion de l’URSS après Gorbatchev, la Russie de Poutine veut récupérer une crédibilité internationale car elle se sent déclassée depuis 1991. Elle vit en effet une sorte de complexe de déclassement et d’humiliation quand elle doit se comparer à la hyperpuissance des USA.

Moderniser l’armée, l’autre pilier de la puissance russe

Pour redresser la barre, la Russie a misé sur une armée conséquente qu’elle essaye de moderniser : avions et fusées hypersoniques récemment, sous-marins avec torpilles particulières qui naviguent à 140km/h à l’heure. Le hard power russe est ainsi une réalité, mais le soft power russe ne doit pas être négligé.

Un soft power nationaliste et conservateur

On le constate avec son influence sur les élections des différents pays comme aux USA, avec les interventions en sous-mains de trolls et de hackers, la diffusion de réseaux et canaux favorables au Kremlin dans les bouquets de diffusion.

Poutine, à cause sans doute de difficultés politiques intérieures, durcit sa politique nationaliste. Cela passe par un contrôle étroit du pouvoir sur l’économie gazière et pétrolière.

De Gaulle, lors d’un de ses voyages d’apaisement vers les Soviétiques en Russie emploie l’expression d’une Europe « de l’Atlantique à l’Oural ». Mais le temps a passé depuis l’Europe des Six de De Gaulle. Car avec l’élargissement de l’Europe de 15 à 25 en 2004, puis à 26 en 2007, « l’influence » russe devient toute « proche » de l’UE, des Etats Baltes au nord à la Bulgarie au sud. Inversement, la Russie est mécontente de la disparition de son glacis qui la met désormais en contact direct avec l’UE et surtout l’OTAN. Et le fait que certains de ces anciens satellites communistes soient de religion orthodoxe ne les rapproche pas pour autant de leur grand voisin..

La France et la Russie, une proximité culturelle

Autre dimension plus légère de nos relations franco-russes : 2000 mots d’origine française fleurissent dans la langue russe : costume, tricot, gilet, parfum, dialogue, personnage, entracte, buffet… qui nous caractérisent bien !

Lorsqu’on visite Moscou (une des plus belles capitales européennes selon Jean Pierre Chevènement), force est de constater la liaison artistique à l’Europe par l’art baroque même si Staline en 1938/39 déconstruit les églises autour du Kremlin. Aussi jusqu’à Vladimir à l’Est de Moscou retrouve-t-on une certaine unité artistique.

Sylvie Bermann

L’UE n’a pas de stratégie russe

Des sanctions contre-productives

L’UE n’a pas de véritable politique vis-à-vis de la Russie. Celle-ci se résume à des sanctions suite à la Crimée… 1000 sanctions américaines touchent également la Russie. Or les oligarques qui tiennent l’économie ont une vision d’abord nationaliste ; ces sanctions sont donc contre-productives d’abord pour nos entreprises, notamment les industries agro-alimentaires européennes, comme celles commercialisant des fromages, qui ne peuvent plus vendre à la Russie. Conséquence, l’industrie agro-alimentaire russe est devenue exportatrice…

Des tentatives d’apaisement infructueuses

Ni le protocole de Minsk, ni le Sommet de Paris n’ont pu empêcher que le conflit soit gelé dans le Donbass, situation floue qui profite à la Russie. Le maître du Kremlin a le temps pour lui…

Emmanuel Macron avait invité Vladimir Poutine à Brégançon pour apaiser les tensions. La stratégie de la France qui reconnait les Etats mais pas les gouvernements n’a pas modifié la position russe envers un Occident collectif (USA + UE) pour lequel elle a un fort ressentiment. Sans politique européenne d’indépendance comme celle du général de Gaulle, nous ne sommes pas entendus.

L’UE dans le piège russe

L’UE a même vécu un camouflet diplomatiqueAu moment où les 2 responsables de politique étrangère se quittaient sur la constatation de leurs désaccords, l’agence russe annonçait l’expulsion de 3 diplomates européens accusés d’avoir participé à des actions en faveur de Alexeï Navalny… lors de la dernière visite de Josep Borrel à Serguei Lavrov.

Dans le même temps, les relations entre Chine et Russie n’ont jamais été aussi bonnes. Ce n’est certes pas une alliance, mais un véritable partenariat dans le domaine militaire, dans le contrôle de l’internet et de l’infiltration, avec des exercices militaires en commun et une présence ensemble lors des prises de décisions à l’ONU pour rejeter l’influence des pays occidentaux.  Ainsi la Russie cherche à étendre son influence vers l’Est et le Sud

Jean-Sylvestre Mongrenier

La Russie ne peut être écartée du projet européen, ce n’est pas une province d’Europe, c’est la Russie-Eurasie avec sa tentation de l’Orient.

L’expression « De l’Atlantique à l’Oural » est-elle pertinente ?

C’est pendant le règne de Pierre Le Grand, que le géographe Tatichtchev initie cette expression, alors que son empereur tente de fonder la Russie comme un Empire européen.

Une Russie qui s’est voulu d’abord européenne

Jusqu’au XVIIe siècle, avec la conquête d’une fenêtre sur la Baltique, la Russie est absente des relations internationales. Son retour dans le concert européen se fera avec la défaite napoléonienne.

Mais à partir du milieu du XIXe siècle et de la Guerre de Crimée , on assiste à un retournement vers l’Est de la Russie qui ne nie pas son expansion vers la Caucase, la Manchourie extérieure, l’Ouzbékistan…

Au milieu du XIXe, la création d’un empire d’Orient

Un empire d’Orient prend forme, c’est le siècle d’or de la Russie, sur le plan culturel. Il existe un corrélat entre la doctrine orientale du panslavisme et son prototype : l’eurasisme.  C’est donc une Russie qui se pense eurasiatique plutôt qu’européenne.

Après l’URSS, le néo-eurasisme de la Russie

On reparle de néo-eurasisme après la Guerre Froide et l’effondrement de l’URSS.  Ce terme a été approfondi par le nationaliste russe Alexandre Douguine dès les années 1990. V. Poutine, à plusieurs reprises, a repris à son compte cette orientation géopolitique.

La formule de Tatichtchev est donc dépassée, on ne parle plus de « l’Atlantique à l’Oural » mais plutôt de « Lisbonne à Vladivostok ». L’expression de « Lisbonne à Tokyo et Shanghai » employée par le politologue Sergueï Karaganov est même reprise par V. Poutine et le ministre des affaires étrangères russe  Sergueï Lavrov, qui parle d’une Russie « de Lisbonne jusqu’à Jakarta… » Ce n’est pas épiphénomal, d’autres échelles et projets de références existent…

L’axe Pékin-Moscou

La Crimée, pied de nez à l’Occident

L’objectif « anti hégémoniqueExpression désignant le refus de l’hégémonie du bloc occidental (EU + UE). » a pris une traduction concrète depuis 2014 et la saisie « manu militari » de la Crimée.

La Russie se tourne résolument vers la Chine

Le péril jaune ne marche pas en RussieYves Lacoste avait donc tort quand il annonçait que la Chine s’emparerait tôt ou tard de la Sibérie…, elle s’allie aux Chinois. On peut le constater avec le traité d’amitié et de coopération signé en 2001 entre les deux nations dans un but d’équilibre des puissances. Les Russes leur vendent leur matériel de pointe : des S4000 et S35 notamment. Ce qui suppose un niveau de confiance important avec la Chine. Il y a des patrouilles aériennes russes en Corée sino-chinoise.

Ainsi existe-t-il une alliance informelle entre la Russie et la Chine, puissance révisionniste (selon l’amiral Raoul Castex). La Russie et la Chine pratiquent une sorte de dos à dos : à travers les tensions sur le détroit de Taiwan et en Ukraine au Donbass il existe un appui réciproque entre les deux puissances.

Néanmoins, une Russie-Eurasie redéployée vers l’Orient et non pas profondément européenne serait le scénario le plus optimal pour analyser les coopérations futures. Mais à condition que les Européens abandonnent une politique d’accommodement qui ne peut pas marcher avec la Russie de Poutine.

Michel Foucher

Pour une réaffirmation de la diplomatie et du dialogue

Se méfier des formules incantatoires

Il faut faire attention aux formules qui ne veulent rien dire hors contexte. Jean Monnet n’a jamais dit « si c’était à refaire je commencerais par la culture ». Cette expression a été prononcée lors d’un diner par une autre personne, puis lui a été attribuée ensuite.

Tatichtchev n’a jamais parlé d’une Europe allant de « l’Atlantique à l’Oural ». Il était géologue de formation et s’intéressait essentiellement à la Suède  qui  dominait à l’époque toute la Baltique et l’Europe moyenneSaint-Dié, ville catholique du Saint-Empire, a connu les destructions de la Guerre de Trente Ans, mieux connue ici sous le nom de « Guerre des Suédois ». avec Charles XII. Ce sont en fait les Suédois qui lui ont parlé de l’Atlantique comme limite ouest… Ce n’est qu’avec la bataille finale de Poltava sur le Don et la fin de l’hégémonie militaire suédoiseLa ville de Saint-Petersbourg est fondée à partir de l’ancienne forteresse suédoise de Nyenskans, et en partie construite par les prisonniers suédois après Poltava., que la nécessité de redéfinir la géographie russe s’impose. En prenant l’Oural comme limite, le tsar peut se proclamer empereur de toutes les Russies, y compris celle de la Tartarie.

De Pierre le Grand à Poutine, une continuité stratégique vers l’Europe

Il y a une statue de Pierre Le Grand dans le bureau de Poutine au Kremlin. S’il avait pu, Pierre le Grand aurait choisi les mêmes frontières que Staline, qui a la mémoire longue.

De Gaulle avait une stratégie russe

De Gaulle veut sortir de la logique des blocs, donc voilà pourquoi il utilise (seulement 2 fois en public) cette expression de « l’Atlantique à l’Oural ». Car il n’accepte pas la division de l’Europe en 2 et invoque pour cela le « transfrontalier ». Notons que de Gaulle n’a jamais parlé de l’Union Soviétique ! Il raisonnait sur le temps long lui aussi . La 2e fois qu’il l’utilise dans un discours, c’est avec Brejnev, lorsque Moscou fait face au rapprochement entre Adenauer et De Gaulle. Cela inquiète les Russes qui ne veulent pas de remilitarisation de l’Allemagne. De Gaulle rassure ses interlocuteurs soviétiques en rappelant les conditions acceptées par Adenauer, notamment la reconnaissance officielle de la frontière Oder-Neisse.

Trop de maladresses occidentales

Les cérémonies de commémoration de la fin de la 2nde Guerre Mondiale sur les plages du Débarquement ne peuvent que déplaire aux Russes. En poste à Riga, Michel Foucher a entendu de l’un de ses interlocuteurs letton (mais d’ascendance russe) : « La Grande Guerre Patriotique, c’est la seule chose dont les Russes soient fiers ». Or l’interprétation de l’histoire vise à reconnaitre l’implication des uns et des autres.

Il faut parler avec les Russes !

Il faut savoir parler à des gens qui ont des régimes qui ne nous plaisent pas. Sinon on ferme 130 ambassades ! La diplomatie, c’est empêcher la guerre par une conversation continue. Dans son livre « Le piège », Jacques Andréani explique pourquoi les Russes, parce qu’ils avaient tellement besoin de cette négociation militaire, ont accepté la 3ème corbeille avec Vaclav Havel. Et avec les conséquences que l’on sait sur les brèches dans le Rideau de fer. C’est ça la diplomatie, on a besoin de se voir, de se tester et pas en visio-conférence ! Comprendre, se faire comprendre et comprendre l’autre.

Retrouver le « Concert européen »

Il y a un retour de la question du « concert européen ». Revisiter la place des puissances d’autrefois pour comprendre ce que celles d’aujourd’hui pourraient faire avec la Russie est nécessaire. Nous nous faisons la guerre depuis 2 siècles sur les bassins houillers de l’isthme baltique  à  la mer Noire. Est-il sérieux d’avoir envisagé l’Ukraine ou le port de Sébastopol comme lieu de mouillage pour les navires de l’OTAN ? Il faut renouer le dialogue sur tous les sujets qui fâchent par un néogaullisme.

L’axe Moscou-Pékin, une alliance appelée à durer ?

L’aigle à 2 têtes de Poutine

La Russie n’a pas vocation à reste le Junior Partner de la Chine. Il y a moins de 25 millions d’habitants à l’est de l’Oural.

Et comme la Turquie, la Russie est actrice de la scène de l’UE alors qu’elle n’en fait pas partie. Si on ne parle pas avec des gens qui ne respectent pas les Droits de l’homme, on n’a plus d’ambassade !

Sylvie Bermann : Pas un Russe ne se considère comme eurasiatique, ils se définissent comme Européens. Une publicité russe en Corée du Sud, invitait à « visiter l’Europe à Vladivostok ». Les Russes essaient d’intéresser les Asiatiques aux investissements sibériens. Or, les Chinois ne s’y intéressent pas vraiment à la Sibérie car ils sont des commerçants dans l’âme. Ce qui les intéresse, c’est la Russie Occidentale et surtout Moscou et St Pétersbourg. Les Russes se sentent très européens. La Russie a fait ce choix d’alliance avec la Chine pour des raisons stratégiques. C’est l’aigle à deux têtes de Poutine…

De plus on peut nuancer cette alliance sino-russe depuis le pivot asiatique opéré par les Américains et l’organisation de la coopération de Shanghai. Ce qui est aujourd’hui coopération, y compris militaire peut évoluer dans un environnement changeant. A noter également : l’Italie est membre de la coopération des routes de la soie mais pas les Russes.

Autre sujet, l’Arctique. Les Chinois y ont compris leur intérêt, car la route du Nord-Est pourra raccourcir d’au moins 15 jours le temps de transit maritime entre l’Occident et la Chine. Ne pouvant toutefois qu’être membre observateur du Conseil de l’Arctique,  elle y développe une stratégie prudente de coopération bilatérale avec les pays riverains, notamment l’Islande et le Groenland, via le Danemark. Il ne s’agit pas de froisser le partenaire russe…

Christian Pierret : Est-ce que l’économie russe est à la hauteur de l’ambition géopolitique russe ?

Avec les oléoducs Nordstream et Southstream, la Russie cherche des accords économiques solides avec les pays européens plus dépendants du gaz que la France.

SB : Non. Poutine est un Soviétique, pour lui la puissance, c’est les armes hypersoniques. Quand Poutine a fait sa démonstration au Manège de Moscou d’une boule de feu visant la Floride, les Russes ont dit c’est une invitation au dialogue. On montre ses muscles pour ensuite pouvoir dialoguer avec les Américains. Poutine sait que son économie n’a pas les moyens d’être compétitive. Il se repose donc sur les hydrocarbures, ils ont des scientifiques de très haut niveau, mais ça reste dans le domaine fondamental. En fait il suffit que sur le plan macro-économique le prix du baril soit au-delà des 50$. C’est tout bénéfique pour eux, et le pays n’est pas endetté. Reste la pauvreté de la population qui reste un gros probléme.

Jean-Sylvestre Montgrenier : Je me permets de revenir sur l’eurasisme. Les Russes se considèrent comme Eurasiens surtout, selon le centre Levada.

Sur la part de l’économie dont on sait qu’elle représente en gros 2,5% du PIB mondial, le problème de la Russie réside dans son économie bureaucratique, avec le mélange public-privé, la corruption, et les patrons politiques  qui considèrent posséder le pays. Voir le livre de Richard Pipes sur les possessions patrimoniales russes. Le tsar se considérait « propriétaire de la Russie ».

C’est donc une économie de rente que les dirigeants russes veulent perpétuer en s’appuyant sur l’Arctique. La Sibérie c’est 20% du PIB russe et dans l’avenir, cette  pourrait se perpétuer grâce aux richesses phénoménales en gaz de la péninsule de Yamal.

Ainsi, la Russie peut se recomposer avec cette politique énergétique, notamment par un nouvelle Ostpolitik soumettant l’UE à ses conditions. Le complexe militaro-industriel a des atouts réels, on le voit avec la percée militaire en Afrique avec – en préalable – la Compagnie Wagner et l’offre de sécurité globale proposée aux nouveaux dirigeants militaires maliens.le 1er ministre, et son ministre de la Défense ont fait leur formation d’officiers supérieurs à Moscou. Et les Russes sont les 1ers exportateurs d’armes en Afrique.

MF : la Russie est aujourd’hui le 1er exportateur mondial de blé gràce aus sanctions occidentales. Elle nous prend nos marchés en Algérie et en Egypte.

Sur la relation Russie – Chine, la Russie reste méfiante sur l’initiative « Une ceinture, une route » qu’on appelle improprement en France « routes de la Soie ». La route c’est celle qui va de Pékin à Duisbourg en passant par Moscou, mais la Russie y gagne quoi ?

Questions du public

Q1 : de récentes escarmouches ont eu lieu entre Japon et Russie autour des iles Kouriles.  Ne serait-ce pas une entreprise de séduction réussie de rétrocéder ces iles aux Japonais ?

SB : La difficulté vient du fait qu’après l’annexion de la Crimée, il paraissait impossible de restituer des territoires pour Poutine. Pourtant, les investissements japonais seraient les bienvenus et Abe l’a tenté en allant à Moscou plusieurs fois.

Q2 : Qu’est-ce qu’il faudrait faire au niveau de l’Europe pour que ces dialogues se relancent ?

CP : Macron parle « d’ardente obligation pour la France » dès 2019, à propos de l’économique mais aussi du cyber, du spatial à l’occasion des « Trianon StartUps ».  Car les Russes à Skolkovo, région comparable à la Silicon Valley près de Moscou, cherchent décliner avec l’aide des Français, leur excellente recherche scientifique en technologies industrielles.

SB : Le paradoxe c’est qu’on avait de meilleures relations avec l’Union soviétique plutôt que la Russie. Il faut être pragmatique là où c’est possible. Biden l’a dit pour la cybersécurité. Il pourrait également coopérer avec la limitation des armes nucléaires. Mais tant que J. Biden est monomaniaque sur la Chine, ce sera difficile. La Russie traîne aussi les pieds avec l’UE. Mais observons ce que fait Poutine avec la Turquie et comment il gère cette relation, par des accords ponctuels mais aussi des rappels des limites à ne pas franchir pour son voisin du sud…

Q4 : A quelles conditions la Russie pourrait être fiable pour les Européens ?

JSM : le ressentiment russe après l’implosion de l’URSS est largement de l’ordre de la propagande. L’élargissement de l’OTAN à l’Europe centrale s’est fait à la suite du peu d’empressement de la Russie de Eltsine de ramener à la raison Milosevic. A mon sens il y a un mouvement profond de la Russie vers la Chine comme de l’Occident vers l’Asie.

Un Nixon Reverse est-il possible ? Peu probable. Poutine se pense dans le sens de l’histoire avec la fin de la domination occidentale. Ceci dit, attention au fossé de plus en plus grand entre la Russie et la Chine. L’UE doit y être attentive, faire montre de « patience stratégique » sans être « accommodante » sur les frontières ouest de la Russie…

Q5 : Combien de Russes ? 145 M ou 110 M ? Pourquoi la Chine n’accaparerait-elle pas une partie de la Sibérie ?

SB : L’autre problème de la Russie est démographique, avec son faible taux de natalité et sa fuite de cerveaux vers Londres ou la Silicon Valley : Google a été créé par un ingénieur russeSergueï Brin, cofondateur avec Larry Page. , rappelons-le !

Enfin, il n’y a pas d’investissements chinois dans l’extrême nord de la Russie, les Chinois n’ont pas envie d’y vivre ! sauf pour le Baïkal avec la filière bois dont ils ont tant besoin, une des zones d’ailleurs où les Chinois sont les moins appréciés par les populations locales. Le reste est de l’ordre du fantasme.

Voici le lien vers la conférence complète filmée : https://www.youtube.com/watch?v=rFCqLOUspMg

Les collègues enseignant en spécialité HGGSP 1ère pourront retrouver sur le Pearltrees des Clionautes des documents d’appui