Vendredi 25 mai 2018 – Bibliothèque, de 16h à 17h

Présentation de l’ouvrage Ils ont fait l’Egypte moderne (Perrin, 2017)

Intervenant : 

– Robert Solé, ancien directeur du Monde des livres, chroniqueur pour le magazine 1, auteur de plusieurs essais sur l’Égypte parmi lesquels L’Égypte, passion française (1997) et le Dictionnaire amoureux de l’Égypte (2002).

Présentation de l’éditeur :

Un ouvrage essentiel, qui retrace l’histoire du vieil empire mais aussi de la jeune nation qu’est l’Égypte, à travers ses figures de proue.
L’Égypte ne se réduit pas à une brillante civilisation antique dont on admire inlassablement les vestiges. C’est aussi le plus grand pays du monde arabe, un pays jeune, dynamique et surprenant, qui a été en 2011, avec son emblématique place Tahrir, au cœur d’un « Printemps » avorté.
Après avoir subi plusieurs occupations étrangères, la terre des pharaons s’était en quelque sorte assoupie. Elle a été brutalement confrontée à la modernité en 1798 lorsque Bonaparte y a débarqué, avec ses soldats, ses savants et ses artistes. Dès lors, le sentiment national n’a cessé de s’affirmer. Ce livre raconte l’histoire de ce réveil et des nombreux soubresauts qui en ont résulté, à travers vingt acteurs de premier plan : des dirigeants politiques, comme Méhémet Ali, Nasser ou Sadate ; des intellectuels attirés par les Lumières, comme Tahtawi ou Taha Hussein ; des penseurs musulmans tournés vers la tradition, comme Mohamed Abdou ou Hassan al-Banna ; des écrivains et des artistes novateurs, comme Naguib Mahfouz ou Oum Kalsoum…
Avec son style habituel, à la fois fluide et percutant, Robert Solé analyse le legs de ces personnalités en vingt portraits ciselés qui racontent les grandes heures d’un pays charnière et plus que jamais incontournable au Moyen-Orient.

Le livre de Robert Solé est constitué d’une vingtaine de portraits qui couvrent deux siècles d’histoire de l’Egypte, il en choisit quelques uns pour cette intervention. Pour l’auteur, l’Egypte constitue à la fois un « amour d’enfance » et un « objet d’étude ».

Robert Solé revient d’abord sur le débarquement de Bonaparte en Egypte, qui constitue un choc culturel entre l’Egypte et le monde occidental. L’objectif était d’occuper l’Egypte contre les Anglais, mais Napoléon Bonaparte est accompagné d’environ 150 scientifiques et artistes. Muhammad Ali dira qu’il est né la même année que Napoléon Ier (sa date de naissance exacte est inconnue). Un poème de Victor Hugo associe les deux hommes. Muhammad Ali arrive en Egypte en 1801, il se fait nommer gouverneur d’Egypte, qui est alors une province ottomane. Il élimine les mamelouks lors d’un banquet. Il recrute des experts européens parmi lesquels d’anciens soldats napoléoniens. Il conquiert pour son compte le Soudan, la Syrie. Après négociation, Muhammad Ali se constitue un Empire formé de l’Egypte et du Soudan et met en place sa dynastie.

Robert Solé évoque ensuite l’imam Rifa’a al-Tahtawi qui effectue un voyage en France. Il a bénéficié des missions scolaires égyptiennes en France mises en place par Muhammad Ali. Ces jeunes gens sont accompagnés par un imam. Dans ce cadre, Rifa’a al-Tahtawi apprend le français, l’histoire, la géographie… et ne rentre en Egypte que cinq ans plus tard. Il prend conscience de son égyptianité et publie son récit de voyage qui sera distribué aux fonctionnaires égyptiens. Il est un trait d’union entre l’Egypte et la France. L’éducation est essentielle pour lui : l’école doit être accessible aux riches comme aux pauvres, aux filles comme aux garçons. Il développe ces idées très tôt, dans les années 1830-1840.

Robert Solé évoque ensuite le féminisme égyptien, précisant que ce féminisme débute avec un homme : Qasim Amin. Il dresse le portrait d’Huda Sharawi dans son livre. Elle est issue de la haute bourgeoisie et éduquée. Elle entre en contact avec des Françaises et crée le premier mouvement féministe égyptien. En 1923, elle retire publiquement son voile, ce qui constitue un geste fort. Elle est aussi à l’origine de la création de la revue L’Egyptienne, d’abord en français, puis en arabe.

Les liens entre l’Egypte et la France se développent dans un mouvement d’occidentalisation. Le khédive Ismaïl, qui endette l’Egypte auprès de la France et de la Grande-Bretagne, a déclaré : « Mon pays n’est plus en Afrique, mais en Europe ».

Robert Solé évoque ensuite la figure d’Hassan el-Banna, le fondateur des Frères musulmans en 1928. Cet instituteur pense que la solution est l’islam, mais au coeur d’un combat social et politique. La Constitution de l’Egypte doit être le Coran pour lui. Il se tourne vers l’Allemagne nazie, comme beaucoup d’Egyptiens, pour qui l’enjeu est avant tout l’indépendance de l’Egypte. La confrérie des Frères musulmans est dissoute en 1948, suite à l’assassinat du Premier ministre (Ahmed Maher). En 1949, el-Banna est assassiné, peut être par les services secrets ou par la police égyptienne. En 1954, Nasser accuse les Frères musulmans d’avoir voulu l’assassiner, ce qui lui permet de mener une répression sévère.

Le président Nasser fait partie du mouvement des non-alignés avec Nehru et Tito. La nationalisation du canal de Suez lui donne un statut de héros dans le monde arabe. Il multiplie les engagements militaires, notamment au Yémen où l’armée égyptienne s’enlise, puis en 1967 lors de la guerre des Six Jours. L’Egypte est alors vaincue en six heures, ce qui pousse Nasser à démissionner. Le peuple le supplie de rester. Il reste mais est mort politiquement.

Robert Solé évoque ensuite une deuxième femme importante pour l’histoire de l’Egypte : la chanteuse Oum Khalsoum. Fille d’un imam, elle se déguise en garçon pour chanter dans les mariages et les cérémonies religieuses. Son père se résout à venir avec elle au Caire. Elle devient une icône dans le monde arabe et incarne les espoirs par ses chansons d’amour et ses chants nationalistes. Elle mêle l’arabe littéraire et le dialecte dans ces textes.

L’intervention se conclut par l’évocation de deux écrivains, à commencer par Tahar Hussein, le premier romancier égyptien. Il étudie en Egypte puis obtient une bourse d’études pour la France. On lui refuse dans un premier temps en raison de sa cécité. Il insiste et part. Il soutient sa thèse de doctorat en France. Il publie notamment Le livre des jours. Naguib Mahfouz obtient le prix Nobel de littérature en 1988, le seul attribué à un écrivain arabe. Cet Egyptien type est accroché à la vallée du Nil, qu’il ne quitte que très rarement. Son oeuvre reflète son attachement à son quartier natal du Caire (Gamaliyya) et rend compte de l’universel à partir du particulier. Il s’ouvre sur le monde extérieur grâce à la littérature étrangère. Dans son roman Karnak Café, il dénonce le système policier de Nasser. Il est la cible des fanatiques et est victime d’un attentat en 1994.

Jennifer Ghislain pour les Clionautes