Il y a maintenant cinq ans, le 16 octobre 2020, Samuel Paty mourait sous les coups d’un islamiste en pleine rue, près du collège de Conflans-Sainte-Honorine. Cet attentat faisait suite à une cabale sans précédent subie par notre collègue et menée en grande partie sur les réseaux sociaux. La Justice s’est depuis prononcée sur la culpabilité de tous les prévenus et a rappelé le tragique de la situation : notre collègue a été abattu par un inconnu, sur la base d’accusations calomnieuses, pour avoir enseigné et servi la République.

Le 13 octobre dernier  nous commémorions également le second anniversaire de l’assassinat de notre collègue Dominique Bernard, professeur de Lettres également tué par un islamiste à Arras en protégeant ses élèves et ses collègues.

Ces deux attentats marquent l’histoire de l’École. Beaucoup ont pu le dire : il y a un « avant » et un « après » Samuel Paty et Dominique Bernard.

Et ces évènements nous obligent.

Deux professeurs ont été assassinés pour leurs engagements et pour avoir exercer leur métier.

Un devoir d’hommage

Nous avons toutes et tous des pensées régulièrement pour nos collègues, et notamment notre condisciple Samuel Paty, au travers de sujets et chapitres des programmes abordés en collège et lycée.

Le souvenir et l’hommage que nous leur adressons dépassent le simple cadre des actions programmées par les autorités. C’est au travers de chaque cours que nous essayons de nous montrer à leur hauteur et de leur être, du mieux possible, fidèles.

Cette année, une nouvelle fois, c’est localement, par l’action de nombreuses équipes, avec le soutien de leurs chefs d’établissement, que les hommages pour Samuel Paty et Dominique Bernard ont pu se tenir au delà de la simple minute de silence. D’arbres de la laïcité en expositions d’élèves en passant par les cross en l’honneur de nos collègues, nombreuses auront été les initiatives pour préparer, contextualiser, clarifier,préparer nos élèves. En un mot leur enseigner.

Malheureusement sans le concours et l’appui des services de tutelle.

L’État face à ses devoirs

Pour autant nous déplorons encore cette année le très grand silence qui entoure ces dates anniversaires. Encore…

Des plateaux des JT aux couloirs des Ministères, tout semble concourir à reléguer la mémoire de nos collègues au second plan. Si les confusions opérées par des journalistes à des heures de grande écoute peuvent, et doivent, amener des critiques acerbes, il convient de dénoncer en premier lieu l’apathie de nos autorités de tutelle.

Nous ne pouvons que constater le manque d’initiative du Ministère et de l’État. Si quelques courriels avaient pu être envoyés les années précédentes, déléguant aux établissements et aux équipes localement le soin de préparer les hommages, hommages bien souvent confiés aux professeurs d’Histoire Géographie volontaires et seuls à s’engager, il n’en fut rien cette fois. Pas une ligne, pas une consigne adressée directement aux professeurs par la rue de Grenelle. Et rien en dehors de la minute de silence qui s’est tenue ce mardi 14 octobre dans tous les établissements de France.

Quel silence assourdissant !

Il est inacceptable de voir les hommages dus à nos collègues considérablement réduits, en raison, peut-être, de l’instabilité gouvernementale.

Former pour comprendre, comprendre pour résister

Ce silence n’est pas seulement commémoratif : il est aussi pédagogique. Cinq ans après l’assassinat de Samuel Paty, la formation initiale et continue des enseignants reste un chantier à s’emparer. La refonte récente des programmes d’EMC, ne modifiant qu’à la marge les moutures précédentes, ne constitue qu’une très faible action en faveur d’un affermissement des valeurs républicaines qui sont l’objet, de plus en plus, de remises en cause et d’attaques dans nos établissements.

Les ajustements opérés ne changent rien au constat : la formation des élèves à la citoyenneté repose encore et toujours sur les mêmes, sur la bonne volonté de quelques enseignants qui s’y engagent, et évidemment les professeurs d’histoire-géographie. Et pourtant, si la citoyenneté est l’affaire de tous, son éducation devrait l’être tout autant.

Enseigner ces valeurs ne s’improvise pas. Cela demande du temps, de la réflexion, du collectif et du courage.

C’est aussi dans la formation, à tous les niveaux, que se joue notre fidélité à Samuel Paty et Dominique Bernard : dans la capacité de notre école à se donner les moyens d’enseigner la liberté sans crainte, et la République sans renoncement.

 

Nous sommes en droit d’attendre plus, bien plus,

pour Samuel Paty

pour Dominique Bernard.

Et pour ce que représente, aujourd’hui encore, l’École de la République.