IUT de St-Dié-des-Vosges, le vendredi 4 octobre 2013, 14H

Conférence de B. Mérenne-Schoumaker,
professeur émérite Université de Liège,
«  Chine et matières premières »,
. le Samedi 5 octobre 2013 Amphi IUT de St-Dié

Après présentation et remerciements, Bernadette Merenne-Schoumaker évoque à juste titre ses sources : américaines, USGS, USDA, BP, Cyclope 2013, mais aussi la FAO et la CNUCED. Beaucoup de sources en anglais et en français, donc un dossier incomplet. En outre, elle évoque cette citation de Ph.Chalmain : « la crise n’a pas faibli en 2012, pis, elle persiste en 2013, sous la menace de la santé dégradée de la Chine et les caprices de la météo ! » 

Mme Merenne-Schoumaker, partant des derniers chiffres de l’Atlas mondial des matières premières publié chez Autrement (septembre 2013), évoque tous les premiers rangs qu’occupe la Chine aujourd’hui dans le monde, du point-de-vue ressources énergétiques, minières, ou productions agricoles (mais sont-ce des « matières premières » ?). C’est normal pour un pays de près d’1,4 milliard d’habitants !

Problématique : la Chine consomme de plus en plus de matières premières, quelles stratégies a-t-elle mise en œuvre pour sécuriser ses approvisionnements ? D’où viennent ces matières premières ? Conséquences pour nous européens ?
Notre conférencière s’arrête un instant sur la définition de matières premières. Elle ajoute malicieuse : « je me suis d’accord avec moi-même » (sic) ; en fait elle ajoute qu’il s’agit d’une définition de la CNUCED. Elle y inclut :
Les produits miniers, énergétiques,
-agricole, de l’élevage
du bois
et l’eau douce (que l’on qualifierait plutôt de ressource renouvelable en France), qui selon Mme Merenne–Schoumaker est devenue la première matière commerciale au monde.
La Chine connait des besoins en hausse ; cela a commencé dans les années 2000. Puis l’auteur nous présente un tableau de statistiques sur l’aluminium, le fer, l’acier (pas une matière première mais un métal pour nous en France). Le graphique pour l’énergie est tiré d’Y. Guermont et K. Ma un article paru dans Mappemonde. Des besoins en énergie en hausse bien sûr : ainsi pour le charbon, c’est 70% de leur consommation énergétique, l’hydraulique 16%. Mais le nucléaire 4,5%. La consommation énergétique chinoise a été x par 5 en 30 ans ! On peut essayer une comparaison États Unis/Chine mais même rapporté au nombre d’habitants, il n’y a pas photo. La Chine importe et produit toujours plus ! quelles en sont les raisons ?
a) la croissance économique
b) la croissance démographique
c) l’élévation du niveau de vie
d) les investissements dans les infrastructures (qui représentent 40% des investissements de la Chine).
Ces matières premières viennent d’où ? De Chine, d‘abord, (charbon 1er prod. mondial, 4ème pour le pétrole, 7ème pour le gaz…). Mais cela ne suffit pas ! Elle importe 300 millions de tonnes de charbon qui représentent 15 % de ce qui est consommé en Chine. B. Merenne-Scoumaker nous présente un tableau qui confirme ces données : la part de la Chine dans les importations et la consommation de matières premières est croissante particulièrement depuis 2000. Mais elle importe plus pour élaborer, assembler des produits destinés à l’exportation que pour assurer ses propres besoins.
Quelles stratégies ?
– encadrement politique, financier, scientifique. Le dernier plan quinquennal chinois vise à consolider ses propres entreprises Il s’agit aussi, d’exploiter des zones qui l’auraient été insuffisamment jusque-là. Le géant chinois encourage les investisseurs étrangers dans la prospection, l’extraction, l’exploitation de ces mat.1ères (sauf les métaux rares et précieux) !
En outre, la Chine c’est 17% des captures de poissons dans le monde. Mais l’aquaculture, c’est 60% de la production mondiale ! Il faut relever ici la part énorme de celle-ci dans la consommation totale de poisson en Chine (elle est passée de 29 à 71%) !
Principales mesures ? Celle de la promotion des investissements étrangers et la diversification des espaces de prises et dédiés à l’aquaculture. La Chine est le premier exportateur mondial et le premier « transformateur » de la ressource (filets de poissons) dans le monde ; Le poisson est importé et les filets sont réexportés !
Autre stratégie, c’est de contrôler les exportations (source BRGM 2012). Des taxes très fortes existent sur les métaux très rares (jusqu’à 90% !). La Chine est 1 producteur de métaux rares utilisés ds les hautes technologies ; pas d’équivalent ailleurs ! autre exemple, les terres rares. Pour les chinois, le but c’est le monopole de la production, et le maintien des prix bas. Or depuis 2011 flambée des prix ! la Chine a des chercheurs dans les terres rares (on ne va pas rater cela…) et elle force les industries à s’installer en Chine. Plaintes de l’UE et des États-Unis, mais les quotas non atteints en 2012, car la demande est en baisse.
Autre stratégie : des achats massifs à l’étranger : exemple, le bois. Là encore la Chine est le premier importateur, consommateur et exportateur de bois. Il existe un important flux en provenance d’Amérique du Nord, la Chine achète même du bois en France ! Elle le transforme et le revend. (30000m3/121000 m3 de grumes de chêne). Et l’Europe est le premier client du bois chinois. Un comble !
Enfin, les investissements chinois à l’étranger : les plus importants sont en Australie, aux États-Unis. Ce sont des investissements financiers et matériels. La Chine a aujourd’hui trois grandes compagnies pétrolières. Des investissements dans différents secteurs : énergie, minerais. Pour ce dernier les investissements, les plus grands ont été faits dans le secteur Asie-Pacifique et non en Afrique. Ainsi une première connexion par oléoduc (pétrolière donc) sino-russe de 1013 km entre la Sibérie et le Pacifique a été finalisée. Elle a été financée par la Chine, qui en contrepartie recevra pendant 20 ans 15 millions de tonnes de pétrole par an!
La Chine a aussi des contraintes  pour sa sécurité alimentaire. La Chine c’est 9% des terres arables ; Insuffisant aujourd’hui.
Pour l’eau, en disponibilité c’est 7% des réserves d’eau, mais cela ne suffit pas davantage. Énormes gaspillages, pollutions, dégradations de la ressource : cours d’eau, lacs asséchés ,au Nord c’est 15% de la ressource pour 45% de la population, et au sud 80% de la ressource, mais 55% de la population! Des transferts sont nécessaires. La Chine ne recycle que très peu ses eaux usées …
C’est aussi 40% de zones montagneuses avec des altitudes>2000 m, avec des surcoûts pour les infrastructures. Des FTN chinoises sont de + en + nombreuses à travailler pour l’industrie et l’agriculture. Elles sont cotées en bourse pour investir sur place et cultiver (pour les agro-alimentaires) à l’étranger.
Autres contraintes, la pollution de l’air, des eaux de surfaces et des nappes, une baisse grave de la biodiversité, l’érosion des sols, et la désertification de nombreuses terres. Accroissement des émissions de CO2, elle est au niveau des européens en émission de CO2 en émission/hab (sans que les chinois n’aient notre niveau de vie). Donc de très graves prolèmes environnementaux auxquels les chinois répondent par la protection de l’environnement et l’efficacité énergétique (croyance en la science).
Bilan/Conclusion: des approvisionnements, consommations en mat 1ères liées à une économie exportatrice. Il n’y a pas de miracle chinois. Une anticipation vers le futur, une politique globalement efficace. Une pression forte sur les matières premières (toutes sont concernées), une vision globale du monde. La Chine est un partenaire idéal pour de nombreux pays producteurs, car elle ne demande rien en échange. Elle dirige et commande la demande en ressources, et a une forte influence sur les prix mondiaux.
Mais elle devra revoir très sérieusement toutes ses règlementations environnementales, En outre la demande en matières premières devrait ralentir (car moindre dynamisme de l’économie mondiale et rééquilibrage de l’économie chinoise vers sa consommation intérieure), sauf pour les hydrocarbures.

Au total un exposé structuré clair, qui réactualise des connaissances et défait certaines idées reçues. Belle conférence Mme Merenne-Schoumaker.