FDGG2014 : Table ronde 6 : « la géopolitique des tubes : les grands (en)jeux de l’énergie »
Intervenant(s) :
Olivier Cateura – Professeur Stratégie & Energie – GEM – Modérateur
Marina Glamotchak – Chercheur consultant
Sophie Hou – Enseignant doctorant – Université Paris I – Panthéon Sorbonne
Nicolas Mazzucchi – Consultant en géoéconomie – IRIS – Polemos Consulting

Cette carte en format exploitable
http://www.monde-diplomatique.fr/mav/115/

Cette table ronde sur les infrastructures et également les réseaux énergétiques s’impose car la dépendance énergétique revient en force dans les questions géopolitiques.

Marina Glamotchak, chercheuse et spécialiste ds Balkans : 3 convictions : l’Europe est dépendante de la Russie en matière de gaz ; les Balkans sont une zone de transit ; les tracés relèvent de la géopolitique (passage par Belgrade), sans qu’il y ait retour politique de la Russie dans la région balkanique. Officiellement, il s’agit juste d’acquérir les raffineries des Balkans et d’y faire transiter son gaz (Nabucco, SouthStream, TAP).

Sophie Hou, géographe, université Panthéon-Sorbonne : La Russie, en tant que 1er producteur, à l’essentiel de ses gisements à l’ouest, ce qui fait qu’il est logique qu’elle ait d’abord cherché ses clients en Europe, d’autant que celle-ci est loin – à part les pays riverains de la Mer du Nord – d’être en situation d’indépendance énergétique; c’est la même logique que celles des infrastructures routières et ferroviaires sibériennes qui ont beaucoup plus recours au charbon (74%) qu’au gaz naturel (6%).
La Russie est donc clairement dans une situation d’interdépendance avec l’Europe.

Nicolas Mazucchi : Consultant en géoéconomie – IRIS – Polemos Consulting :
l’Asie centrale, chasse gardée de la Russie ?
On peut penser que oui, avec une continuité Russie – Urss vers l’Asie centrale qui tout en étant indépendante, conserve des modèles politiques autoritaires et des économies de rente inspirés de l’époque soviétique.
Mais la Chine, 1er importateur de pétrole (bien que 4ème producteur !) et de gaz (la production chinoise est marginale) a pris pied et s’est implantée en Asie Centrale en passant des accords avec le Kazakhstan pour le pétrole et le Turkménistan pour le gaz. Il s’agit de satisfaire les énormes besoins de la Chine que celle-ci monnaie avec des travaux d’équipement dont ces pays ont besoin. D’autre part, si les rapports entre la Russie et le Kazakhstan sont normalisés, il n’en est pas de même avec le Turkménistan qui voit d’un mauvais oeil l’expansion russe, et s’est rapproché de la Turquie et de la Chine.
L’OCS (organisation de coopération de Shanghai) réunit 2 puissances asiatiques qui, loin de « coopérer », ont 2 visions totalement opposées quant à leur rôle en Asie centrale : pour la Russie, il s’agit avant tout de maintenir son influence dominante sur ses anciennes « colonies » d’Asie centrale, tandis que pour la Chine, il s’agit ni plus ni moins d’accords commerciaux « gagnant-gagnant », la géopolitique n’étant pas pour les Chinois la priorité (d’abord l’accès aux ressources contre espèces sonnantes et trébuchantes…). Résultat, très peu de projets communs aboutissent, à l’exception de réseaux construits par la Chine dans l’extrême Sud-Est de la Sibérie.

Quelques-unes des questions posées par l’assistance :

Q1 Ne peut-on pas être surpris du peu d’anticipation de la Russie quant à son interdépendance à l’ouest ? Dans quelle mesure la géopolitique des tubes suit plus ou moins la géopolitique tout court ?
R1 : La Russie n’a pas le même logiciel politique que l’Occident. Elle conçoit la géopolitique comme un rapport de forces, alors que l’UE conçoit les rapports avec la Russie comme un partenariat rationnel dans lequel chacun voit son intérêt bien compris. De plus les états européens oeuvrent en ordre dispersé : si la France pense l’UE comme un espace puissance en devenir, le Royaume-Uni le voit comme un espace de libre-échange, et l’Allemagne raisonne en terme de puissance partenaire à long terme de la Russie.

Q2 est-ce que l’exploitation du gaz de schiste européen pourrait bouleverser à terme la donne géopolitqiue ?
Ce qui se passe pour les Etats-Unis n’est pas transposable en Europe, ne serait-ce parce que le sous-sol n’appartient pas aux propriétaires privés comme aux EU et que l’espace américain est vu comme lieu exploitable.

Jean-Michel Crosnier, © Clionautes