Le 4 novembre 1922, après des mois de fouilles infructueuses, l’archéologue britannique Howard Carter (1874-1939) découvre la tombe d’un pharaon de la XVIIIème dynastie tombé dans l’oubli : Toutânkhamon (-1345-1327 av.JC environ). Cette découverte qui se doubla vite d’une vraie-fausse malédiction, fit de ce pharaon mort aux alentours de 18 ans et dont le règne fut insignifiant, l’un des plus célèbres.

Photo : l’égyptologue Howard Carter (à gauche) et Lord Carnarvon, son mécène, posent lors de l’ouverture officielle de la tombe de Toutankhamon, le 26 novembre 1922, dans la Vallée des Rois (Egypte). (GRAPHICAARTIS / HULTON ARCHIVE / GETTY IMAGES)

Sur les 5398 objets mis à jour par Carter au fil des mois, 150 pièces ont été sélectionnées pour une exposition itinérante mondiale qui a débuté à Los Angeles. Paris est la seconde étape. La Grande Halle de la Villette, a été choisie pour l’accueillir. Si de nombreuses expositions se sont déroulées en France par le passé, la référence reste celle de 1967 intitulée « Toutânkhamon l’or de l’au-delà ». Présentée à l’époque au Petit Palais, elle était restée dans les mémoires pour avoir attiré 1,2 millions de visiteurs ce qui lui a vite valu le qualificatif d’« exposition du siècle ».

Ne nous leurrons pas. La tenue de cet événement s’inscrit dans un contexte majeur pour l’Egypte pour qui le tourisme représente une manne financière essentielle. Tout comme les déclarations et les annonces fracassantes, récurrentes, autour de la découverte potentielle d’une chambre secrète dans la pyramide de Khéops, de la localisation des tombeaux de Cléopâtre et d’Alexandre, autres figures mythiques, cette exposition doit être vue comme une mise en bouche destinée à attirer les visiteurs au futur musée du Caire installé au pied des pyramides. Elle a d’ailleurs été précédée d’un battage médiatique sans précédent, puisque quinze jours avant l’ouverture, il devenait compliqué d’ouvrir la radio internet ou la télévision sans tomber sur un reportage diffusé sur fond de musique issue la plupart du temps de la BO des Aventuriers de l’arche perdue.

Sans décrire totalement cette exposition afin de préserver la surprise et de ne pas influencer le lecteur, il faut bien avouer qu’il est impossible de ne pas tomber en admiration devant les 150 pièces proposées, leur état de conservation, exceptionnel, accentuant la proximité ressentie par le visiteur malgré l’âge des pièces. L’exposition, rythmée par des citations extraites du Livre des morts et les étapes du rituel funéraire, s’ouvre sur une statue d’Amon protégeant Toutânkhamon. La première partie propose divers objets tels qu’un siège ayant appartenu au pharaon enfant, un vase en calcite, d’autres en faïence, des statuettes en bois doré du Pharaon dont une chevauchant une panthère noire, des boucliers d’apparat, un naos en bois doré ou encore plusieurs bijoux. Le visiteur reste ébloui par les pièces exposées, certaines quittant l’Egypte pour la première et la dernière fois (nous promet-on) comme un Horus en bois doré sous les traits d’un faucon solaire. Mais la pièce maîtresse de l’exposition, inédite, est sans conteste la présence de l’un des deux gardiens du ka du Roi, haut de 2 mètres dont l’intensité du regard ne laisse pas indifférent(e). La fin est consacrée au temps présent et fait un point sur les connaissances scientifiques entourant Toutankhamon. Elle revient également sur Howard Carter tout en n’oubliant pas de rendre hommage à Hussein Abdou el-Rasoul, le petit porteur d’eau de l’équipe qui fut le premier à apercevoir les marches du tombeau.

Les choix effectués parviennent-ils à faire oublier l’absence de vraies pièces majeures telles que le masque ou l’un des sarcophages massifs ? Pas sûre mais si l’on veut voir le vase à moitié plein, on dira que leur absence permet certainement de mieux faire ressortir l’intérêt de celles présentées, tandis que le travail d’Howard Carter aurait certainement mérité une meilleure présentation sur les techniques employées par l’archéologue pour découvrir la tombe.

Reste le plus désagréable : la mise en scène relève davantage du show à l’américaine, que de la valorisation du travail des archéologues, de l’entrée à la sortie. Les nappes sonores de musique orientale qui accompagnent le visiteur n’étaient pas nécessaires ainsi que les images finales censées montrer l’influence, contestable, de Toutânkhamon sur l’unique culture pop américaine. Le merchandising, à la fois coûteux et de mauvais goût, ne propose quasiment aucun livre en français sur la question hormis un guide de l’exposition et un numéro spécial de Connaissances des Arts alors que la production écrite des égyptologues aurait mérité une librairie à part entière[1].

Plus d’histoire, plus d’archéologie et moins de show auraient rendu service à l’exposition. Mais elle aura peut-être suscité des vocations chez les enfants venus nombreux admirer les trésors du fils d’Akhenaton.

Cécile Dunouhaud

Toutânkhamon, le trésor du pharaon

Grande Halle de la Villette

211, avenue Jean-Jaurès, Paris 19e

du 23 mars au 15 septembre 2019

tous les jours 10h-20h

22 € (24€ le week-end, les jours fériés, les vacances scolaires), enfants : 18€ / 20€

Sur réservation

Conseil : arriver ½ heure avant le début. La visite peut durer 2 heures.

Photos : Cécile Dunouhaud

[1][1] Au moment de ma visite le dimanche 24 mars. Depuis cette situation aura sans doute été corrigée …