La publication au Journal officiel de l’arrêté du 15 mars 2024 sur l’organisation des enseignements dans les classes de collège a mis fin à un secret de polichinelle de plusieurs mois : l‘Enseignement moral et civique ne bénéficiera d’aucune augmentation horaire à la rentrée 2024. La promesse venait pourtant de haut, de Pap Ndiaye en juin 2023, de Gabriel Attal en septembre 2023 et même du Président de la République lui-même, qui lors de sa conférence de presse monstre du 16 janvier dernier, parlait « réarmement civique » et confirmait le « doublement horaire » de l’EMC.

Or l’arrêté du 15 mars, dans son annexe 1, précise ceci pour la classe de 6ème :

Et cela pour la 5ème, la 4ème et la 3ème :

Autrement dit, on continue comme avant.

Des programmes d’EMC d’ores et déjà totalement infaisables

Nous étions plus que sévères avec les projets de nouveaux programmes parus fin janvier et c’était dans la perspective d’un horaire augmenté. Maintenant que nous savons que nous fonctionnerons comme à l’accoutumée, ces programmes sont tout bonnement infaisables, avant même d’être confirmés et publiés !

Nous avions déjà repéré que, contrairement à l’usage antérieur, aucune indication horaire n’était clairement dévolue à tel ou tel contenu d’enseignement dans le programme et que partant, cela laisserait toute latitude à l’exécutif si d’aventure, la promesse horaire n’était finalement pas honorée. Ce silence était d’autant plus embarrassant que la lettre de saisine du CSP du 27 juin 2023 explicitait sans ambages que l’horaire serait bien doublé dans le cycle 4. Mark Sherringham, président du CSP, a avoué d’ailleurs avoir travaillé sur la base de l’horaire augmenté.

Comme tout est toujours très flou, des projets seraient « financés » et respecteraient bien la promesse initiale mais les DHG étant déjà englouties par la mise en place faramineuse des groupes de niveaux/besoins, les promesses n’engagent que ceux qui y croient, autant dire plus personne.

Chaos annoncé au collège

La vérité est que l’EMC est, a été et sera une variable d’ajustement, que toutes les déclarations sur le « réarmement civique », le « choc des savoirs » et le « retour à l’ordre » sont de pures incantations politiques, dont la durée de vie médiatique est d’ailleurs de plus en plus courte.

La vérité est que les immenses contraintes budgétaires qui prennent à la gorge les établissements rendront impossibles la mise en œuvre des groupes de niveau en français et en mathématiques et cela, quand bien même nos dirigeants affirmeraient le contraire. Plus dramatique encore, non seulement cette organisation de bric et de broc ne règlera rien mais elle importera au collège les problèmes que le lycée connaît depuis 2019, à commencer par la fin des groupes classes, les conseils de classe fantôme, les professeurs principaux qui n’ont même pas la moitié des élèves dans leurs cours, etc.

La vérité est que la crise de l’école est à la fois dramatique et sans précédent mais que prise dans les filets de la communication politique des uns et des autres, rien ne sera réglé. On peut se redonner rendez-vous dans trois ans, au prochain PISA, et on peut déjà écrire la conclusion.

La vérité est que le roi est nu mais qu’au moins, dans le conte d’Andersen, grâce à l’intervention d’un enfant perdu dans la foule, le roi finit par le savoir.