Marie-France Chatain enregistrait son émission « géopolitique, le débat » à partir du festival de géopolitique de Grenoble.  pour aborder ce sujet en évolution permanente. Rappelons rapidement qu’il y a quelques jours, à une toute petite majorité à la chambre des communes, une sortie de l’union européenne sans accord a été rejeté. Mais la situation est encore incertaine.

Cela se déroule dans le contexte d’une campagne pour l’élection au Parlement européen à laquelle, du moins en principe, les électeurs britanniques ne seraient pas conviés.

La question qui est posée de savoir si la sortie de l’union sera actée avant ces élections ou après.

Les intervenants ont mis l’accent sur la complexité de la situation au Royaume-Uni, avec une société fragmentée, tout comme un parlement et des partis politiques qui le sont tout autant, sur cette question du maintien ou non au sein de l’union européenne.

Pour Thierry Chopin, les Britanniques ne semblent pas douter de leur sortie de l’union, la question est de savoir sous quelle forme celle-ci aura lieu. Pour Michel Fouché, c’est l’ensemble de la société britannique qui est divisée, mais également les partis et notamment, le parti travailliste. Pour le leader Corbyn, la préoccupation essentielle semble être l’organisation d’élections législatives anticipées qui pourraient permettre au parti travailliste de revenir aux affaires, ou à tout le moins de voir son poids politique augmenter, après une succession d’échecs électoraux.

Il convient d’ailleurs de se rappeler que le référendum concernant la sortie de l’union est consultatif, et qu’ en tout état de cause, le Parlement reste décisionnaire. Mais au niveau de l’union européenne, il existe des désaccords, notamment entre Paris et Berlin, sur la question du report de la sortie de l’union.

La société britannique est également profondément divisée, entre les personnes âgées et les moins de 35 ans, ainsi d’ailleurs que les différentes parties du territoire. La population londonienne a très largement plébiscité le maintien au sein de l’union européenne.

Thierry Chopin a insisté sur l’unité remarquable de l’union européenne s’opposant à la fragmentation que connaît la Grande-Bretagne aujourd’hui. Cette unité des 27 peut s’expliquer par le fait que les états ont pris conscience qu’ils partagent un intérêt commun, et notamment le maintien du marché intérieur.

Le poids commercial et économique de l’union européenne a également joué. On peut considérer que c’est une réussite de Michel Barnier qui a su convaincre différents partenaires de l’Union d’avoir une position commune.

Jean-Marc Huissoud a considéré qu’il y avait une différence entre la sortie envisageable de l’union et la sortie réelle. Les Britanniques pourraient rêver d’un scénario norvégien, si ce n’est que ce pays scandinave a une petite population, avec une richesse importante, ce qui n’est pas le cas, du Royaume-Uni. Le projet d’un Singapour sur Tamise, jouant sur les capacités en termes de marchés financiers de la place de Londres peut sembler compliqué  à envisager, en raison du fort attachement de la population londonienne au cadre de l’union.

Pour le reste de la population britannique, le moteur semble être la nostalgie de l’empire, favorisé par une sorte de manque d’information sur les conséquences de ce brexit.

En réalité, le vote qui a eu lieu en 2016 semble se situer dans un espace qui n’aurait rien à voir avec la réalité.

Les Britanniques n’ont jamais été véritablement investis dans la construction européenne, et l’un des intervenants a d’ailleurs rappelé que les Britanniques ont toujours obtenu un régime dérogatoire, à la fois sur la monnaie, sur les frontières et sur leur participation. Et cela depuis 40 ans, notamment avec Margaret Thatcher. Il est possible d’envisager ce brexit davantage comme un problème britannique que comme un problème européen.

Thierry Chopin a très opportunément rappelé que, plutôt qu’une crise européenne, la situation actuelle relèverait davantage d’une crise atlantique, qui rapproche les États-Unis et la Grande-Bretagne. La nouvelle administration américaine est évidemment très favorable au Brexit en pariant sur un affaiblissement de l’Europe.

La remarque qui peut être faite est celle d’une culture d’un particularisme insulaire que partagent les deux grandes puissances anglo-saxonnes.

L’union européenne apparaît aux yeux d’une partie de l’opinion publique comme l’aile marchante de la mondialisation, qui exclut une partie des populations des progrès qu’elle a pu générer. À cet égard, Donald Trump apparaît, avec 40 % des électeurs, comme un symptôme de ce refus de la mondialisation. Il est pourtant avéré que cette mondialisation qui a entraîné le phénomène de dérégulation, dont souffre une partie significative des populations des pays développés, a bien été voulue par les promoteurs du néolibéralisme, dans les années 80, avec Margaret Thatcher et Ronald Reagan.

Michel Foucher a tenu quand même à  rappeler, avec force, que l’héritage de l’Europe, quelles que soient les difficultés de sa construction, restait tout de même la paix, mais que cet héritage demeurait fragile. Et cela était d’autant plus le cas depuis l’implosion de l’Union soviétique, particulièrement depuis que des conflits majeurs se déroulent à la périphérie de l’Union. Cette responsabilité des états, des politiques, est devenue majeure, car il s’agit bien, au-delà des péripéties du Brexit, de continuer cette construction européenne.

Cette construction européenne s’inscrit dans un contexte incertain, avec une tendance antérieure à l’élection de Donald Trump, qui serait le désengagement des États-Unis, mais également face à une remontée en puissance de la Russie. L’ancien conseiller de Hubert Védrines a par ailleurs rappelé l’importance de parler avec la Russie, ce qui dans le contexte actuel de tension ne semble pas facile, mais qui n’en demeure pas moins nécessaire.

À propos des conséquences de la sortie du Royaume-Uni de l’union européenne, il convient tout de même de rappeler que les accords franco-britanniques dans le domaine des coopérations militaires restent d’actualité et que le lien, même s’il a pu être distendu dernièrement, à propos du projet de porte-avions commun, n’en demeure pas moins une réalité.