« L’argent est le nerf de la guerre.  » « Attaquer, combattre, entrer en guerre implique de trouver les moyens de le faire. Les conflits armés ont souvent été l’occasion d’inventer et de mettre en œuvre de nouveaux procédés de financement qui se sont pérennisés, une fois la paix revenue. Ce sont les relations croisées entre Guerre et Finances que ce débat, organisé par l’Institut de la gestion publique et du développement économique (IGPDE)/Comité pour l’histoire économique et financière de la France et animé par Emmanuel Laurentin (France Culture), entend approfondir, sur une période allant de la Renaissance aux dernières guerres coloniales ». (par Maitté) http://afhe.hypotheses.org/3289

Avec la participation de Katia BEGUIN (Directrice d’études EHES) , Laure QUENNOUELLE-CORRE (Chargée de recherche au CNRS – Enseignante à Paris 1 Panthéon-Sorbonne (UFR d’économie) Béatrice TOUCHELAY (Professeur en histoire contemporaine, Université de Lille 3 Université Charles De Gaulle de Lille3, spécialiste des relations de l’Etat avec les entreprises) , Hugues TERTRAIS (Professeur à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne). Le débat était animé avec brio par Emmanuel LAURENTIN (« La Fabrique de l’histoire »sur France Culture)

Cinq intervenants pour une heure trente avec 15 minutes de débats était sans doute un peu court. Pour suivre, le public devait s’accrocher ! En 10 minutes, les auteurs présentent leurs recherches au pas de course en donnant l’impression que les Etats passent leur temps à gérer la pénurie alors qu’il ne cessent de se faire la guerre. Les auteurs ont régulièrement mis l’accent sur les limites du système fiscal sans évoquer pour autant les groupes de pression (“on”).

Cette table ronde des historiens économistes avait trois temps forts: Comment financer les guerres ? Puis face à l’endettement croissant, les États ont-ils tiré les leçons du passé ? Enfin le rôle de l’imaginaire dans le poids des décisions fiscales, notamment dans les guerres de décolonisation.

1: Comment financer les nombreuses guerres de la France ? L’Etat n’a pas forcément les moyens mais son imagination est sans limites.

11: « À l’époque moderne, la guerre provoque un emballement de la dette. C’est ce qu’explique Katia Béguin, directrice d’études à l’EHESS/CHR : les emprunts souverains, destinés à financer les guerres incessantes du XVIIe siècle, ont placé la monarchie absolue dans une situation d’insolvabilité chronique qui a miné sa crédibilité. Contraints d’emprunter des montants élevés à des coûts exorbitants pour soutenir les conflits militaires, les ministres des Finances ont engagé la France dans une spirale de surendettement que des intervalles pacifiques trop brefs ne leur ont pas permis de rompre. Les contraintes et l’incertitude des guerres, dans le court et le long terme, seront analysées pour rendre compte des choix complexes, jugés a posteriori aberrants, qui ont conduit la France à l’abîme financier en 1788 ». Par maitte http://afhe.hypotheses.org/3289

Katia BEGUIN : « Financer la guerre au XVIIe siècle : La dette publique et les rentiers de l’absolutisme » Son ouvrage traite du financement de la guerre par Louis XIV. En France la dette souveraine est née avec la guerre depuis la fin du Moyen Age. Pour financer les conflits, les États augmentent les impôts mais cela ne suffit pas. Mais Les guerres modernes laissent peu de répit.

Au XVIe Les États ont l’espoir de se rembourser sur le territoire conquis.Ce n’est plus le cas partir du XVIIe siècle à cause de la professionnalisation des armées… Même quand “on” (?) conquiert des populations, des richesses, en fait les Etats sont devenus de plus en plus précautionneux à l’époque moderne.

Les créanciers de l’État de Louis XIV sont, pour les Emprunts à long terme, les sujets puis des banquiers étrangers, et enfin de petits États comme Gênes… En 1788, la France ne trouve plus de prêteurs est obligée de convoquer les États Généraux.

1.2. « La période contemporaine ne fait pas disparaître ces impératifs de financement et les tensions contradictoires et potentiellement créatrices qu’ils génèrent.Béatrice Touchelay, professeure à l’université Charles de Gaulle-Lille 3, montre comment la première guerre mondiale permet une accélération des réformes fiscales, avec la création de l’impôt progressif sur le revenu et la mise en œuvre, en juillet 1916, d’une “contribution exceptionnelle sur les bénéfices de guerre”. En plein conflit armé apparaissent ainsi des mécanismes qui constituent les bases de notre système d’imposition actuel et continuent de régir les relations entre les contribuables et l’administration fiscale ». (Par maitte) http://afhe.hypotheses.org/3289

Pour Béatrice TOUCHELAY à la veille de la 1er Guerre Mondiale L’Etat a recours à l’ impôt sur les revenus et aux impôts sur les entreprises: La Loi de 1916 est une « contribution (et non un impôt) extraordinaire (et non régulière) sur les bénéfices de guerre » des entreprises. (attention les mots ont leur importance) Elle est l’objet de pression (de l’opinion publique) de ceux qui estiment avoir payé « l’impôt du sang ». Cet impôt aura beaucoup de mal à s’imposer d’autant que l’impôt repose sur la déclaration…

Lors des débats, Béatrice TOOUCHELAY a lancé un appel aux jeunes chercheurs intéressés par les COMMISSIONS DES MARCHES DE GUERRE – des archives sont disponibles au Ministère de Finances – à Savigny le Temple (Commission des marchés de fournitures des administrations centrales -Salle de lecture : 471 avenue de l’Europe 77176 Savigny-le-Temple.)

http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/chan/chan/series/pdf/F37_2011.pdf

1.3. Laure Quennouëlle-Corre, directrice de recherche au CNRS/CHR, « insiste sur les effets perturbateurs des conflits sur les finances publiques et privées, en comparant les deux guerres mondiales. De 1914 à 1918, puis de 1939 à 1945, les opérations sont essentiellement financées par de l’emprunt à court terme, de même que les faramineux frais d’occupation exigés par les nazis de 1940 à 1944. Il en résulte, dans l’un et l’autre cas, des après-guerres douloureux pour les épargnants : c’est par l’inflation et les dévaluations que passera la diminution du poids de la dette dans l’économie ». (Par maitte) . http://afhe.hypotheses.org/3289

Laure QUENNOUELLE-CORRE : 1913 L’impôt sur le revenu , mis en place en 17, ne sera finalement rentable qu’en 1919..

En 1933: L’administration fiscale crée un service de contrôle et de vérification fiscale. Elle établit une liste d’une vingtaine d’entreprises. Elles sont dans le collimateur de l’État car elles ont dégagé des bénéfices suite à la 1er guerre mondiale. En 1938: L’Impôt est consacré à la défense nationale. Les entreprises concernées déclarent ne pas pouvoir calculer « leur prix de revient » (bénéfices ?) et donc leur impôt. …En 1951 Les entreprises qui investissent sont détaxées. L’État qui taxe les entreprises se prive d’investissements dans la défense nationale…

La 1er Guerre Mondiale a été financée: à 80 % par l’emprunt :Les bons de défense nationale ont eu un grand succès auprès du public Les facteurs se déplaçaient avec des carnets de bons de la défense nationale à donner aux paysans… Il n’y avait pas de contrôle du Parlement… celui ci était contraint de voter les crédits de guerre. Il y a lors un gonflement de la dépense publique. Le taux oscillait entre 4,5 et 5 %. avec pour corollaire l’inflation.

Après guerre, Idée que « l’Allemagne payera » n’est pas seulement de la rhétorique. Il y a un chapitre dans le budget de 1920 de la France intitulé « dépenses recouvrables sur les traités de paix ». On (?) intègre dans les recettes prévisibles les réparations de l’Allemagne. 1921 on (?) espère 132 Milliards. L’Allemagne n’en payera que 9,5 Milliards (9,5/132 !) L’Allemagne n’a finalement pas vraiment payé sa dette. Il y a eu ensuite un moratoire général des dettes en 1932. Puis avec l’aide des créanciers étrangers avec des emprunts extérieurs auprès des USA et de la Grande Bretagne. La France a besoin de devises pour payer ses importations d’où des tensions entre les alliés après le traité de Versailles. Les leçons du passé n’ont pas été tirées en France. Enfin par des avances de la Banque de France (impôts). Les « bons de défense nationale » deviennent des « bon du trésor ». Cela devient un système à part entière..(on en saura pas plus)

Entre 39-40 La France s’en sort à peu près. Elle se finance 1/3 par l’impôt. Entre 40-44 les Allemands demandent des frais d’occupation: 430 milliards de Francs. Tous les 15 jours La France doit trouver de l’argent , Elle émet des « bons du trésor » et demande des avances à la Banque de France. La France est exsangue. Entre 1945 et 1948 : il y aura 3 dévaluations du franc. Le taux de croissance s’envole avec la reconstruction la dette publique sera dépréciée.

1.4. Enfin, Hugues Tertrais, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris 1-Panthéon-Sorbonne, explique comment la guerre d’Indochine, conflit colonial d’abord peu onéreux, a progressivement contraint la France à se tourner vers l’aide américaine. L’analyse de son coût met à nu les ressorts de la politique étrangère de la France dans cette période de guerre froide, entre héritage impérial, alliance américaine et construction européenne.(par Maitté) http://afhe.hypotheses.org/3289

Hugues TERTRAIS : Guerre d’Indochine (« La piastre et le fusil » – « Le coût de la guerre d’Indochine », 1945-1954). Guerres coloniales. Financer et dépenser: . Le procédé de « Démonétisation de la piastre » jusqu’en 1953 fût à la fois un principe de fonctionnement et un poison de la guerre. La guerre d’Indochine est une guerre de reconquête coûteuse. Les opérations militaires se font d’abord, les finances viennent ensuite. Le coût valide le choix politique ! Avec la Loi 1950 Les « États associés » (Vietnam, Cambodge, Laos) doivent fournir eux mêmes des troupes. L’idée est évoquée lors de la conférence de Pau en 1950 car le « soldat local » coûtait 37 % moins cher que le « soldat importé » de France.

Suite aux accords en 1949-50 avec les Américains, ces derniers fournissent l’armement du corps expéditionnaire français: avions et porte-avions…

2 : L’État a-t-il tiré les leçons du passé ? Quels sont les modèles ? Les modèles sont-ils réformables ? Les Procécus sont lents à comprendre.

21. Pour Katia BEGUIN : Après chaque guerre, “on” (?) essaye d’anticiper la suivante. Les rares moments où l’on a remboursé, “on” (?) calcule la somme empruntable grâce à la somme amortie. Il est difficile d’anticiper: Quel va être le meilleur moyen d’emprunt ? Quel va être le coût de la guerre car il faut tenir compte de la durée, de l’ampleur, du nombre d’hommes à mobiliser…

22. Pour Béatrice TOUCHELAY : il existe une « mémoire fiscale » (avec par exemple une liste des entreprises à imposer) L’État forme des contrôleurs du fisc à la comptabilité. Mais la “mémoire fiscale” existe aussi dans les entreprises…qui vont anticiper…elles aussi.

23: Pour Laure QUENNOUELLE-CORRE Les effets sur la réorganisation des finances publiques se font en deux temps: En 1919 avec la création de la direction du budget. Elle est une vraie réorganisation par rapport à la réorganisation du ministère des finances pendant la guerre dont au ministère des finances. Avec un renforcement du contrôle des finances. Il a fallu 10 ans à se remettre de la guerre. Il a fallu attendre la stabilisation Poincaré et la dévaluation du franc de 80 %

Après la 2e Guerre Mondiale “on” (?) a perpétué le système du financement du Trésor jusque dans les années 60. Le système du « bon du trésor » faisait une monnaie parallèle à la monnaie de la banque centrale. Pour éviter les avances de la Banque de France et les remontrances du gouverneur de la Banque de France. “On” (?) avait donc un financement complètement occulte qui finalement n’a pas si mal fonctionné.

3: Images des guerres possibles: « penser neuf » – Quel a été le poids des colonies … dans le système fiscal (cf Là où Jacques Marseille voyait le poids négatif). Comment imaginer qu’”on” (?) puisse perdre la totalité des empires coloniaux ?

31: Pour Hugues TERTRAIS lors de la guerre d’Indochine, la France avance à tâtons. Pierre MOUSSA fonctionnaire au ministère des finances développe l’idée après 50 que l’indépendance de l’Indonésie avait été un facteur favorable à la croissance mondiale. La croissance mondiale daterait de la décolonisation. Ce serait le point de départ des « 30 glorieuses ». Il prêche pour un désengagement. Certains prêchent pour un désengagement lors de la guerre d’Indochine. La guerre est un “boulet” que rien ne justifiait

René Mayer (Parti Radical), Président du Conseil a initié la dépréciation de la piastre en 1953. Ce fût « un Dien Bien Phu financier « ;

Parmi les fantasmes – comme « l’honneur de la France » l’imaginaire des acteurs de la défaite est en contraction avec les réalités financières.

IMAGINAIRE et POIDS DANS LA DÉCISION

Des rapports parlementaires dénoncent des marchés de guerre (?) passés trop rapidement. Ce n’est pas seulement de l’imaginaire.

Pour Katia BEGUIN : Le temps de la paix est aussi le temps où “on” (?) frappe le spéculateur, le « profiteur de guerre ». Il s’agit de “départager” la veuve, l’orphelin, du père de famille du spéculateur. “On” (?) applique des calculs savants pour appliquer la justice. L’État à la volonté de reprendre en main, de donner une dimension morale au financement de la future guerre.

Il existe aussi une façon opportuniste de faire banqueroute en la justifiant moralement. (on en saura pas plus)

D’après Hugues TERTRAIS : Lors la Guerre d’Indochine, les Français sont divisés: Par exemple le 11 mai 53, lors de la dévaluation de la piastre. D’un côté, la banque d’Indochine lutte contre la dévaluation. Une fraction du patronat français est pour le désengagement, alors que le patronat dans les colonies est contre.

En définitive L’ÉTAT même s’il n’a que peu de moyens financiers, ne manque pas d’imagination pour financer les guerres !

4: Les débats portaient davantage sur l’actualité récente. Le contexte de la crise économique pesait sur les débats. Le public était davantage intéressé par les questions d’actualité à la recherche de solution simples là où les historiens économiques avancent avec des précautions oratoires, en multipliant les nuances.

41: L’État a trouvé des solutions mais que fait l’Etat qui n’a pas les moyens ?

42: Aujourd’hui, avec des fermeture de régiments en France, l’armée coûte-t-elle trop cher. Hugues TERTRAIS en Indochine, le programme tend à ramener des unités en France, mais c’est un programme de relai par rapport aux “États associés” et aux USA.

43: Par rapport à la dette apocalyptique… Hugues TERTRAIS en 54 c’était pire. “On” (?) faisait tourner la planche à billet. Ce n’est plus faisable aujourd’hui.

XVIIIe siècle, il y eut une banqueroute partielle. Les créanciers font pression. A éviter car après il peut y avoir refus de prêter. Il ne faut pas effaroucher durablement. Il suffit d’attendre quelques années pour redonner confiance pour la prochaine guerre. Seule 2,5 % de la population est susceptible de prêter.

44: La finance est indispensable à la guerre mais la guerre est-elle indispensable à la finance ? Pour Hugues TERTRAIS, il y a un écart entre le discours des finances et la réalité. « Ce n’est pas parce qu’une dépense est votée qu’elle sera réalisée. Ce n’est pas parce qu’une dépense est réalisée qu’elle sera décaissée. » Pour l’Indochine, ce n’était pas l’argent le nerf de la guerre, mais plutôt le nerf de la défaite.