Au moment où nous voyons « tomber » les sujets d’histoire-géographie du baccalauréat qui ont été donnés dans les différents lycées français à l’étranger, de Pondichéry au Liban, en passant par l’Amérique du Nord, nous ne pouvons qu’être inquiets. En effet, nous savons d’expérience que ces sujets « de l’étranger » donnent des indications sur ce qui sera donné en métropole.

À l’évidence, il n’a pas été tenu compte des difficultés de mise en
œuvre de ces nouveaux programmes, et notamment de leur caractère pour le moins déroutant pour les élèves. Aussi intéressantes soient-elles, les différentes parties du programme supposent des pré-requis dont les élèves sont loin de disposer. Cela a été déjà souligné, notamment en raison de liens inexistants avec le programme de la classe de première. Comment envisager que l’on puisse traiter du socialisme et du syndicalisme en Allemagne au XXe siècle, si la prise en compte de la révolution russe a été pratiquement absente du programme de première ?

On aurait pu supposer qu’en raison de ces contraintes les propositions de sujets ne traiteraient pas sur l’intégralité du programme. À l’évidence cela n’est pas le cas, y compris pour les derniers chapitres, que les enseignants sur le terrain ont énormément de difficultés à traiter en raison des départs anticipés des élèves, une fois les derniers conseils de classe terminés, des conseils des classes avancés d’ailleurs pour répondre aux objectifs d’orientation post-bac.

La colère qui s’exprime sur le terrain est forte. Les enseignants
d’histoire et de géographie ont le sentiment qu’il n’a absolument pas
été tenu compte de leurs remarques, et, semble-t-il des remontées des inspections pédagogiques régionales.

Les sujets de géographie ne traitent que du troisième thème, sans prendre en compte le fait que les deux précédents aient été traités plus précisément au premier trimestre. Était-il si difficile de les sujets répartir sur deux thèmes au moins ?

Il ne semble pas non plus qu’il ait été tenu compte de la surprise
devant les sujets qui ont été proposés en 2012 pour l’épreuve anticipée d’histoire-géographie en séries scientifiques. (Premières).

À l’évidence, malgré le caractère incontestablement passionnant des
thèmes qui sont proposés dans le programme de terminale L et ES, les enseignants ont été contraints d’avancer à marche forcée. Cela est le meilleur moyen de rendre des questions intéressantes rébarbatives, et cela empêche toute autre forme de transmission que le cours magistral en pédagogie frontale.

Il est évident que la part de l’échange avec la classe, l’aide à la réflexion personnelle de l’élève se voit ainsi sacrifiée, sans parler de l’usage en classe des technologies numériques qui souffrent déjà du gonflement des effectifs et de la suppression du travail en groupe.

La question va bien au-delà d’un quelconque allégement des programmes, mais plutôt de leur, – on ose à peine utiliser le terme – refondation.

Si l’on considère toujours que l’histoire de la géographie, disciplines
scientifiques et de formation, doivent servir l’apprentissage de la
citoyenneté, il convient que celle-ci soit rendue accessible à tous.

De plus, et cela a également été manifeste pour l’épreuve d’histoire du concours commun des instituts d’études politiques, qui conserve comme programme : « le monde depuis 1945 », avec un sujet encore une fois particulièrement déroutant.
Il apparaît évident que certains choix semblent déconnectés de la réalité du terrain. Sans parler du fait que cela ne correspond plus au programme de terminale L et ES.

Que penser par exemple de ce sujet : « la démocratie en Europe depuis 1945», qui suppose, qu’on le veuille ou non, une capacité d’analyse comparative sur les différents régimes politiques européens, sans compter une délimitation géographique pour le moins opaque. Faut-il prendre en compte par exemple les « démocraties populaires », même si l’on a pu considérer qu’elles n’étaient ni démocratiques et populaires.

Il est clair, pour l’association des Clionautes, qui cherche à relier
l’exigence en matière de savoirs et l’innovation pédagogique, qu’il
convient absolument de revenir sur ces démarches en matière de contenu des programmes, permettant d’élaborer des sujets d’examen réalistes, auquel nous pouvons réellement préparer nos élèves et nos étudiants.

Il nous semble également essentiel que l’on envisage, au moment où l’on introduit à nouveau l’histoire de la géographie en terminale
scientifique, que nos disciplines disposent de volumes horaires suffisants pour que nous puissions véritablement jouer notre rôle
«d’éveilleurs de citoyenneté» par l’apprentissage d’une réflexion critique.

Dans tous les ordres d’enseignement, c’est notre ambition, c’est le sens de notre engagement.

Bruno Modica – Président des Clionautes