Un débat récurrent, réactivé par la crise sanitaire

Les questions de délocalisations ou de relocalisations ont toujours été d’actualité, mais la crise sanitaire a rendue plus visible certaines défaillances des chaînes d’approvisionnement en France, ne serait-ce qu’au sujet des masques chirurgicaux qu’il a fallu attendre tandis que le gouvernement prétendait qu’ils étaient inefficaces.

Cette table ronde se proposait donc de réfléchir sur les nouveaux territoires des entreprises, et en particulier sur la possibilité ou non de relocaliser une partie de la production qui nous est nécessaire en France, avec aussi en toile de fond les questions sur l’autosuffisance et le protectionnisme.

Tout relocaliser est impossible

« Tout relocaliser est impossible » commence par dire Christian Verschüeren, directeur général d’EuroCommerce, un think-tank pro-UE. Les relations tissées avec d’autres producteurs restent importantes, d’autant plus qu’il est géographiquement impossible, faute de place, de créer toutes ces structures éventuelles sur le seul territoire français.

Privilégier le matériel pharmaceutique

Il s’agit donc de faire des choix dans ce qu’on veut relocaliser. Le matériel pharmaceutique oui, le textile non. Si relocalisation il y a, elle doit se faire sur des produits de haute valeur ajoutée, ou des produits de nécessité vitale.

Anaïs Voy-Gilis, du CRESAT (Centre de recherches sur les économies, les sociétés, les arts et les techniques, situé à Mulhouse) prenait l’exemple des batteries : on peut les assembler en France, mais les matières premières sont ailleurs. Donc le gain éventuel en réduction des moyens de transport n’existe pas. La compétence technique des ouvriers est aussi à prendre en compte, et notamment la mise à niveau pour certaines productions.

Pour les masques chirurgicaux, c’est un peu la même chose selon le professeur de logistique Aurélien Rouquet, de la Neoma Business School de Rouen : plutôt que de les produire ici, il faudrait sans doute mieux avoir des stocks déjà sur place. Une anticipation impossible dans une logique commerciale de flux tendus, une logique où le stock est honni et qu’il faut peut-être revoir.

Relocaliser, mais quid des salaires ?

Enfin, comme le fait remarquer en fin de débat Christian Verschüeren, il y a aussi la question de la balance prix-emploi. A l’heure où de nombreux Européens ont du mal a boucler leurs fins de mois et privilégient les réseaux discount, il faut bien se rendre compte que si on relocalise, c’est avec des salaires aux normes de l’UE, ce qui implique dans tous les secteurs une hausse du prix de vente des produits, sauf à imaginer une hypothétique réduction des marges de la part des vendeurs et de la grande distribution.

On le voit donc, en dépit de la crise sanitaire, nihil novi sub sole, les questions afférentes à ce débat récurrent sur les relocalisations restent les mêmes. Il était quand même intéressant de les reposer dans le cadre actuel, ce que les intervenants ont fait avec une grande clarté.

La vidéo sur la chaine YouTube du festival, c’est ici :