Cette table ronde souhaite revenir sur les migrations en Méditerranée en centrant le regard sur les mobilités de femmes au cours des deux derniers siècles. Il s’agira de mettre en perspective les trajectoires des « damnées de la mer » – pour reprendre le titre du livre de Camille Schmoll, consacré aux itinéraires des femmes parties d’Afrique de l’Ouest pour rejoindre les rives de l’Europe méridionale.
Nous chercherons à comprendre les origines et les modalités de ces mobilités sous contrainte et l’évolution des politiques migratoires en Europe du Sud dans le temps long, en croisant approche historique et géographique, histoire des migrations et histoire du genre.

Intervenants

Carte blanche de la Revue des Annales :

Un enregistrement sonore de la table ronde est disponible. 

Introduction

Vincent Azoulay : Il s’agit d’une question cruciale que celle des migrations dans le temps long, politiquement et socialement. Question éthique et politique, qui interroge la revue et la façon dont on doit faire de l’Histoire. Quelle est la place des affects ? Comment mettre en forme l’histoire de façon objective.

La question des migrations féminines pose des problèmes méthodologiques et historiographiques, de temps long, de perspective transnationale.

Quelle part pour aborder les phénomènes collectifs des phénomènes personnels ou exceptionnels ?

Expérience collective. Pose des questions sur l’écriture de l’histoire ? Quelle part pour l’individuel sans oublier le collectif.

Mise en intrigue, comment faire avec des parcours de vie et les ressources de la fiction.

Les Annales ont été pendant longtemps loin des histoires du genre et non des pionniers, d’où la volonté de s’intéresser à cela et de renverser la tendance.

Invisibilité des femmes dans l’historiographie des migrations.

Delphine Diaz : Histoire des migrations, c’est construite comme l’histoire du travail et des travailleurs immigrés, dont Gérard Noiriel, le pionnier de ces travaux. Peu ou prou où sont les femmes ? Question qui s’est posée dans l’historiographie anglophone, en France dans les années 1990.

1990 : moment où sort l’Histoire des femmes en Occident, G Duby et M.Perrot : interrogation des mobilités. Article «  Sortir » dans l’Histoire des Femmes : sortie de l’espace domestique.

Début de l’interrogation, puis la revue Clio s’implante dans le paysage historiographique.

Interrogation par la suite sur le genre, surtout à partir du XXIe. Théorie du rapport entre les sexes.

Interactions et leurs rôles sociaux.

Femme, genres et migration, 2020 dans la revue Clio

Question des réfugiés étrangers, sources du contrôle des réfugiés, secourus et surveillés, dans ces archives, peu de mention des femmes. Passeport du XIXe s, femmes et enfants peu dénombrés. Considérés comme moins dangereux. Il faut aller chercher d’autres sources : correspondances épistolaires, autobiographies,… plus difficile.

Les femmes parfois circulent parfois plus que les hommes, car elles sont moins contrôlées.

Camille Schmoll : Double effet de marginalisation, toujours invisibiliser. Les écrits cantonnés aux gender studies.

Pionnière Nancy Green. Femmes sont sédentarisées. Dans ses premiers travaux : tombés sur des femmes, rapport au terrain donc il fallait penser cette migration féminine. Féminisation des migrations systématiques. Terme essentiellement utilisé par les historiens et les sociologues.

Idée de nouveauté absolue pendant 15 ans, lié au stéréotypes de genre.

Pas de féminisation des migrations, mais observation sur la part des femmes qui nous avait échappé.

Ouvrage Doña Gabatcha et Donato 2015 : part des femmes dans les migrations internationales toujours importante, mais ce n’est pas une nouveauté.

Diversité des migrations féminines, difficile, aller au-delà, les femmes qui migrent seules sont plus importantes que les femmes qui migrent avec leurs maris.

Grande diversité de migrations féminines

Vincent Azoulay : Ce stéréotype de la migration féminine et aussi un stéréotype de classe. Les femmes bougeaient énormément, il faut donc avoir une approche transversale. Le trait de classe ne peut pas être abstrait de la question de classe.

Céline Regnard :  Dans les bateaux négriers il y avait 51% de femmes. On oublie car les sources sont moins évidentes, et pas de volonté de voir les femmes dans les sources. Regarder cette évolution, du côté de l’historiographie et des sciences sociales. Fin années 80 : place des acteurs et des actrices, changement de paradigme et de l’analyse moins descendante, lorsque l’on est plus attentif dans les micro evènements : davantage dans la dimension de genre.

Importance de l’historiographie, des gender studies, celle de l’agency de tous les individus : action malgré les contraintes économiques et sociales qu’ils ont.

Pour intégrer l’instruire des femmes avec migrations : il faut chercher dans les sources et les autres sources : enquête ethnographique, photographie, témoignages etc.

Se déplace-t-on différemment quand on est homme et quand on est femme ?

Camille Schmoll : Féminiser le regard : aborder du point de vue des femmes. Pas une spécificité, en les observant, il y a des aspects que l’on arrivait pas à voir.  Dimension émotionnelle, corporelle, …

Toute un série d’échelles qui sont à observer.

Question des violences de genre qui constitue, une raison de départ. Ce que l’on subit pendant la traversée. Groupe de femmes, ou avec des enfants, cela peut prémunir d’un certain nombre de violence. Une fois arrivées en Europe, il y a des spécificités ; Stratégie résidentielles ne sont pas les mêmes : installation dans différents quartiers, et être à distance de regards stigmatisants

Céline Regnard : Femmes ou jeunes femmes qui partent. Échelle fine : ce qui se passe dans les villes et les espaces. L’intérieur des villes. Sans que cela soit décidé : hôtel ou les femmes se retrouvent ou évitent, pratique de l’espace public différente, passeurs et des femmes passeurs. A l’échelle fine : répercussion à l’échelle migratoire. Contrôle sanitaire sépare les hommes, des femmes. L’expérience de la migration n’est pas la même.

Delphine Diaz : Le chaperon garantit la moralité de la femme ; Emily Low, Etna 1830…

Question se pose pour les exilés politiques . Ex : Princesse Lombarde 1831 : en exil avec son mari et repart en 1848/1849 : elle entame un déplacement différent du précédent. Elle entame son exil avec sa fille adultérine, elle a une gouvernante. Travailleuses migrantes : comme des suivantes,mais beaucoup partaient seuls : Génoises, Piémontaises, les nourrices partent seules.

Linda Guéry : émane d’associations, dans les gares, en Belgique, …

Les spécificités méditerranéennes des migrations féminines

Camille Schmoll : Point commun : domesticité. En Europe du Sud modèle familiaux : une famille italienne et une personne qui vit à domicile et se rend disponible, presque à temps plein. Migrations ukrainiennes, philippines, africaines.

Ex : Chypre, une migration par visa de travail pour une domestique. Modèle non exempt de violence.

En Europe du Sud, importance de l’espace public, Rome, Naples, Milan, parfois que des Ukrainiennes, des Philippines.

Céline Regnard : les ports sont des espaces de circulation. Les migrants qui viennent du Mont Liban, rien à voir avec les Méditerranéens de l’Est.

Sociétés d’arrivée et d’accueil : de réelles spécificités. La Méditerranée évolue. Les femmes Libanaises travaillent à l’extérieur, du colportage, donc elle travaille comme les hommes. Pour l’Empire Ottoman c’est dégradant, mais pour autant, elles restent les gardiennes du foyer. Vision augmentée de la migration. Ici, ce n’est pas un travailleur, mais une femme qui continue avoir cette double ou triple journée de travail.  Culture qui ne se dissout pas.