J’ai eu l’immense plaisir de présenter au public cette conférence sur un sujet qui n’est pas forcément familier, de par la spécificité de cette approche, au monde enseignant. En peu de temps, Albert Diéna a su séduire le public, et surtout montrer l’importance des défis à relever, du point de vue des entreprises européennes, et françaises, dans ce domaine.

Albert Diena était un peu inquiet à l’idée d’intervenir devant un auditoire d’étudiants et surtout d’enseignants, alors qu’ils confessait, en apparté, « ne pas être prof ». En effet, expert en analyse des statégies gouvernementale et en analyse économique, il n’a pas forcément de lien avec le monde de l’éducation. Et justement, parce qu’il a su montrer les enjeux de cette dimension, celle de la connaissance de l’autre, en matière économique, et notamment du fonctionnement de l’écosystème économique des Etats-Unis, il a su captiver son auditoire.
En quelques dispositives, rigoureusement organisées, il su montrer comment fonctionne l’écosystème d’influence des entreprises américaines.
La sphère économique est sans doute la plus évidente avec des dispositifs spécifiques, très différents de nos chambres de commerce et d’industrie hexagonales.
Albert Diena a rappelé le caractère décentralisé des Etats-Unis, ce qui multiplie par 50 les acteurs et les décideurs.
La sphère politique est évidemment plus significative avec l’action des think thanks, des groupes d’influence, des cabinets de lobbying également.
Le dispositif d’influence des entreprises amérciaines est en effet transverse. Et le problème est d’ailleurs celui des liens, souvent trop évidents, entre le monde économique et celui de l’administration.
Albert Diena a d’ailleurs utilisé l’image de ces portes à tambour où les personnes passent indifféremment du secteur des entreprises au service des administrations qui doivent d’autant plus se renouveler vite qu’elles connaissent le dispositif du spoil system. Le renouvellement des admininstrations favorisant largement les passerelles public-privé.
Ce système connait des dérives que l’on pourrait qualifier de conflits d’intérêts sous d’autres cieux.

Le conférencier est intervenu également sur les entités qui agissent dans le domaine économique, les boards, dont le rôle se révèle très actif. Leur orientation idéologique est d’ailleurs plus ou moins affirmée.
En théorie ce sont des structures partisanes indépendantes mais les mouvances sont en général plus conservatrices.
Autres acteurs d’influence, les think thanks qui jouent un rôle majeur comme laboratoire d’idées. On doit toujours avoir présent à l’esprit que cela se situe dans 50 Etats.
Les fondations ont également une présence importante. On différencie les fondations publiques dont la répartition est diffuse sur le territoire.
Les fondations sont au nombre de 87000 et rassemblent 865 milliards de $ d’actifs avec 60 milliards de dollars de dons. À titre de comparaison la totalité du budget consacré à la recherche-développement France a-t-elle les 50 milliards d’euros. Albert Diéna a cité l’exemple de la fondation Gates qui dispose de 44 milliards de dollars.
L’influence est évidemment liée au poids économique de ces différents fondations qui disposent ainsi de moyens d’intervention importants. Le revenu ont été largement en hausse ces dernières années, en raison de la valorisation de leurs actifs financiers.
Les entreprises Étatsuniennes s’appuient également sur un outil juridique particulièrement performant qui dépend en partie de la réalité institutionnelle du pays. Si l’exécutif français dispose de moyens plus importants, notamment lorsqu’il existe une mauvaise conjonction politique entre le congrès et la Maison-Blanche, les agences fédérales disposent des moyens de combler le vide relatif qui peut exister. Cela permet aux entreprises de continuer à travailler dans un environnement politique et juridique stable.
Plusieurs points ont été abordés à ce propos, notamment les sanctions que la justice américaine a pu infliger à une entreprise française comme la BNP. Les deux barrières qui sont mises en avant, et qui peuvent exposer des entreprises étrangères ayant une présence sur le territoire des États-Unis, à de très lourdes sanctions, relèvent de la sécurité nationale et de la lutte anticorruption.
Il est évident que l’on peut avoir de ces deux notions une conception plus ou moins large, celle-ci étant en principe régulée par le comité des investissements à l’étranger qui joue un rôle clé dans ce domaine.
La préoccupation essentielle vise à montrer qu’il existe une convergence entre les intérêts stratégiques des entreprises et les enjeux de sécurité nationale. Toute la question est de savoir si l’union européenne sera en mesure de disposer des mêmes atouts dans ce domaine, mais il faut bien reconnaître qu’à 27 états souverains, parfois en compétition, les uns envers les autres, pour la conquête des marchés pour leurs entreprises nationales, cela n’est pas chose facile.
Cette intervention d’Albert Diéna a été particulièrement fructueuse. Engagé dans le développement d’un cabinet de conseil en intelligence économique et en analyse concurrentielle, Albert Diéna était particulièrement heureux de s’adresser à un public d’étudiants et d’enseignants, et dans une certaine mesure assez surpris de l’intérêt qu’il a pu susciter.
L’échange avec les Clionautes a été particulièrement fructueux et s’est poursuivi pendant toute la durée du festival. Il est clair que pour ce qui concerne notre mouvement, actif dans la réflexion sur les contenus des enseignements dans le second degré comme dans l’enseignement supérieur, la connaissance des stratégies entrepreneuriales, en lien avec leur environnement juridique, est un outil, parmi d’autres de la géo économie.
Et dans ce domaine, cette intervention, ainsi que les suites qui lui seront données, constitue une belle opportunité d’approfondir notre formation.