Le Sahara dans la mondialisation : un désert en crise
Bruno Lecoquierre – Université du Havre – CNRS
Notions : Djihadisme – migrations transsahariennes – Conflit – Année 2011
Enjeux : Géopolitique et conflits – Education à la défense – Programme de Terminale

Introduction

Le Sahara a longtemps eu l’image d’un espace à part, vide où il ne se passe pas grand-chose et mis à l’écart du processus de mondialisation. Hors depuis une soixantaine d’années, le Sahara sort de son isolement et connait de nombreuses mutations qui ont permis son intégration dans la mondialisation (découvertes de ressources naturelles, nouvelles formes de conflits, territoire peuplé aux nombreuses mobilités, trafics divers). Ses limites sont par contre encore floues et souvent confondues avec celles du Sahel.

En quoi le territoire saharien s’inscrit-il dans une logique à la fois de permanences et de ruptures ?

Le djihadisme saharien : le précédent de la 1ere GM

Le djihadisme actuel n’est pas une situation absolument nouvelle et un précédent existe déjà dans l’histoire. Il faut revenir en 1914 dans le contexte de 1ère Guerre Mondiale. L’Allemagne de Guillaume II pousse les ottomans à se rebeller contre les puissances coloniales ennemies comme la France, l’Italie ou la Grande-Bretagne. Le Sultan Ahmed (Empire Ottoman) organise la rébellion dès 1914 à l’aide de la Confrérie musulmane de la Senoussya qui prend forme dans le Fezzan libyen. Le chef de la révolte est le touareg Kaoussen qui organise la rébellion face à la France et essaye d’enlever Charles de Foucauld, ancien officier français devenu ermite. L’opération tourne mal et ce dernier meurt assassiné le 1er décembre 1916. Déjà à cette époque, l’enlèvement est une méthode de pression utilisée par le djihadisme. Pour reprendre la situation en main l’armée française envoie le général Laperinne entre 1917 et 1919. Kaoussen, lâché par les ottomans, tombe dans une embuscade et meurt pendu début 1919.

Les racines du djihadisme saharien contemporain

La grave crise interne qui touche l’Algérie entre 1992 et 2002 a des répercussions dans les régions frontalières des États sahariens. Cette guerre civile en Algérie appelée « la décennie noire » de 1992 à 2002 éclate, pour le rappeler, à l’issu de l’annulation du 2nd tour des élections législatives qui aurait vu la victoire du FIS (Front Islamique du Salut). Cette guerre civile qui se caractérise par une série d’attentats terroristes fera environ 200.000 morts. En 1998 le GSPC (Groupe Salafiste de Prédication et de Combat) se sépare du GIA (Groupe Islamique Armé) et rejoint Al Qaida en 2006. Progressivement le GPSC s’installe dans les régions frontalières sahariennes du Sud algérien aux confins du Mali et du Niger car repoussés par l’armée algérienne.

C’est à partir de 2003 que la méthode de l’enlèvement de touristes occidentaux redevient d’actualité avec l’enlèvement de touristes allemands. S’en suit une série d’enlèvement à partir de 2007. Quatre français sont abattus en Mauritanie le 24 décembre 2007. En 2008, le rallye Paris-Dakar est annulé et ne reviendra plus en Afrique. Le 25 juillet 2010, Michel Germaneau est exécuté au Mali. En septembre 2010 sept employés d’Areva sont enlevés à Arlit (Niger). Ils seront tous libérés. Enfin en janvier 2011 deux jeunes français sont enlevés à Niamey au Niger puis tués. Ces événements sonneront le glas du tourisme dans le Sahara.

Conflits entre nomades et sédentaires et crises politiques

Dans les États saharo-sahéliens (Niger, Mali, Mauritanie), un important facteur de crise réside dans les violences entre nomades et sédentaires qui n’ont cessé de prendre de l’ampleur depuis les indépendances des années 1950-1960. Durant la période coloniale, les peuples touaregs étaient relativement autonomes et s’autorisaient certaines exactions envers les populations sédentaires. Les Touaregs sont des guerriers et avaient l’habitude d’attaquer les villages sédentaires lors de razzias (pillages, vol du bétail, viols, enlèvements de femmes, attaques de caravanes). Au Mali comme au Niger, à partir des années 1960 et de la période de décolonisation, les chefs nomades comprennent qu’ils sont sur le point de perdre leur statut de privilégié. Les touaregs connaissent des exactions à leur tour. Ils demandent alors de rester sous souveraineté française (Lettre de mai 1958 à « sa majesté le président de la république française » le président Coty).
Le 6 avril 2012 les Touaregs du MNLA (Mouvement National de Libération de l’Azawad qui est un mouvement malien touareg ni terroriste ni islamiste) déclare l’indépendance de l’Etat de l’Azawad au nord du Mali. Les touaregs sont alors armés par Kadhafi. Mais le MNLA est rapidement mis sur la touche par d’autres mouvements islamistes comme Ansar Eddine (touaregs maliens), AQMI (Al-Qaida au Maghreb Islamique) ou MUJAO (mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’ouest). Devant la montée de ces mouvements, la France qui est la seule puissance à disposer de forces armées dans la région intervient le 11 janvier 2013 (président Hollande) pour arrêter la progression de ces groupes qui menaçaient d’atteindre rapidement la capitale Bamako. Aujourd’hui AQMI est toujours présent mais concurrencé à son tour par l’Etat Islamique et Boko Haram qui lui a fait allégeance en 2015.

Migrations transsahariennes

Un autre facteur de déstabilisation dans la région saharienne est celui des migrations qui s’inscrivent dans des mouvements des années 1950-60. Principalement pour rechercher du travail dans les pays pétroliers comme l’Algérie ou la Libye qui ont besoin d’une main d’œuvre bon marché. Il est intéressant de noter que seulement 1/5 des migrants seulement avait le projet de passer en Europe. Ces migrations sont donc d’abord des migrations interafricaines. Mais il est vrai, depuis les derniers événements en Libye, on assiste à une accentuation de ces migrations vers l’Europe. Cependant, la Libye n’est plus la voie de passage principale. De fait sur 1 million de migrants en direction de l’Europe seulement 40000 passent par la Méditerranée. La majorité des migrants passent aujourd’hui par la Turquie. À noter l’importance de l’Agence européenne Frontex qui ne s’occupe pas des raisons humanitaires mais seulement de la sécurité.

Les flux de main d’œuvre ne sont bien sur pas les seuls. Les nombreux trafics comme celui de la drogue (cocaïne) ou des cigarettes arrivent d’Amérique du Sud et transitent par l’Afrique de l’ouest puis sont pris en charge par d’anciens nomades (Katibas) pour traverser le Sahara. Aujourd’hui les principales routes migratoires sahariennes sont aux mains de groupes mafieux depuis la chute de Khadafi.

Carte des mobilités, flux et conflits au Sahara, 2012, Pascal Orcier

2011 : Une année charnière

2011 est l’année des printemps arabes. Dans la grande partie des pays du Maghreb mais aussi au Moyen-Orient, une vague de contestation sociale se met en place. Avec l’effondrement de la Libye, c’est tout un système qui s’effondre. Le 20 octobre 2011 la mort de Kadhafi modifie la géopolitique de la région. Le 3 juillet 2013 c’est un coup d’Etat en Egypte avec la destitution de Morsi. A la suite de ces révolutions arabes, l’été 2014 voit la proclamation du califat par l’Etat islamique en Irak et au Levant (Daesh).
Aujourd’hui la région est devenue très instable avec une multitude d’acteurs en concurrence. Les événements récents sont à l’image de cette instabilité politique et sécuritaire. Le 16 janvier 2013, l’attaque du site gazier d’In Amenas qui fait une quarantaine de morts en Algérie et dirigée par Mokhtar Belmokhtar montre à la fois que la Libye est devenue une région de non droit mais aussi l’impuissance des autorités africaines notamment algérienne face à ces nouveaux mouvements islamistes ce qui pose la question par ailleurs de la compétence des services secrets algériens. Ces derniers mois les attentats de Bamako ou ceux de Ouagadougou montrent que les grands centres urbains de sont pas épargnés. Pour conclure la carte du ministère des affaires étrangères en France destinée aux voyageurs reflète bien la situation préoccupante du Sahara.

Place aux questions

La question du Sahara occidental → Ancienne partie espagnole du Maroc. L’armée marocaine occupe depuis ce territoire. Le POLISARIO lutte toujours pour l’indépendance (HABITANTS DU SAHARA) avec l’appui du voisin algérien. Aujourd’hui la situation est bloquée. Malgré le referendum demandé par l’ONU le Maroc refuse toujours. La monarchie met d’ailleurs en place d’énormes moyens pour développer cette partie du Sahara pour la faire intégrer. Les relations entre Algérie et Maroc sont toujours très conflictuelles, d’ailleurs la frontière est fermée depuis 20 ans entre Maroc et Algérie qui soutient l’indépendance du Sahara.

Algérie et printemps arabe → Si l’Algérie n’est pas impactée par le printemps arabe de 2011 c’est parce que l’Algérie sort meurtrie de sa guerre civile des années 1990. Ses populations n’ont pas envie de revenir à une guerre. C’est la même chose pour le Liban au Moyen-Orient.