Images et photographies de guerre. Libye 1911.

Annette BECKER, Quentin DELUERMOZ, Pierre SCHILL, Sylvain VENAYRE, Laurent VAN DER STOCKT

Présentation d’Antoine Reverchon : autour du livre de Pierre SCHILL, Réveiller l’archive d’une guerre coloniale, qui vient de sortir en octobre 2018.

Gaston CHERAU est un journaliste, reporter  et photographe. En 1911 : c’est la guerre entre l’Italie et l’empire ottoman qui contrôlait la Libye. L’Italie entreprend conquérir cette colonie pour tenter de concurrencer la France et la Grande-Bretagne.

Gaston Chérau couvre cette guerre pour un journal parisien, le Matin.

 

Quelques mots sur les conférenciers.

Pierre SCHILL est professeur d’Histoire Géographie à Montpellier.

Sylvain VENAYRE est professeur d’Histoire contemporaine à Grenoble. Il travaille dans le domaine de l’Histoire culturelle du voyage et sur la Conquête de l’Annam en 1883.

Annette BECKER est professeure d’histoire contemporaine à Paris-Ouest Nanterre. Elle a étudié les deux guerres mondiales, la violence de masse sur les civils. C’est une spécialiste de l’Image.

Quentin DELUERMOZ est maitre de conférences à Paris 13 : il est spécialiste d’histoire sociale et culturelle des pays d’Europe et des empires coloniaux. Il s’intéresse aux affrontements et aux violences, intérieures et extérieures.

Laurent VAN DER STOCKT

 

P S : au sujet de la genèse de ce livre et du projet du livre.

Comment expliquer que le seul inconnu de la tribune parle le premier, avant d’éminents historiens qu’il connaissait auparavant comme des êtres de papier … C’est un peu impressionnant.  Cette possibilité est liée à la puissance des images.

Il faut se replonger dans la découverte, dans la recherche de l’archive : cela s’est fait de façon fortuite.

Pierre SCHILL s’est rendu aux Archives départementales de l’Hérault, à Montpellier, pour des recherches concernant les mineurs de charbon de l’Hérault, au sujet d’une grève de mineurs, il y a 10 ans.

Qui est le personnage Paul Vigné d’Octon ? C’est un anti-colonialiste virulent de la 3ème République. Il est député de l’Hérault.

Au détour d’un carton d’archives, Pierre SCHILL tombe sur une petite boite non inventoriée qui contient 30 images.

On y voit des soldats, des palmiers et des pendaisons collectives … Il n’y a aucune indication de date, ni de lieu.

Cette découverte fortuite aboutit à ce livre, 10 ans plus tard. Il regroupe d’autres auteurs, dont Quentin DELUERMOZ.

 

En 2011, Pierre SCHILL assiste à un spectacle de danse du festival Montpellier danse, du chorégraphe Emmanuel EGGERMONT : c’est la pièce T-Wall, dont le sujet est la zone démilitarisée entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. Ce spectacle réactive alors les photos trouvées plus tôt, dans la mémoire de Pierre Schill.

Cependant, PS se confronte à l’impossibilité de les prendre en charge. Il pense alors que cet artiste pourrait les prendre en charge. Naît alors l’idée d’un projet pluridisciplinaire.

Pierre SCHILL retourne aux archives et trouve les deux photographies de droite (ci-dessous) de pendaisons et des  coupures de presse avec ces mêmes photos recadrées (à gauche) : cela lui permet de trouver la date, le lieu (la Tripolitaine) et le crédit photo qui renvoie à Gaston Chérau.

 

C’est une archive commune, source d’analyse pour l’historien et d’inspiration pour l’artiste : cela aboutit à une archive avec photos, des photos de guerres et des temps faibles prises par Gaston Chérau, pour lui, à caractère ethnographique.

L’article dans le Matin montre que la photo joue déjà en 1911 un rôle important dans la presse quotidienne.

Il y a également la correspondance avec son fils et son épouse. On voit la sociabilité de la Belle Epoque, Les liens de Gaston Chérau avec le milieu littéraire. Il fait partie de la bourgeoisie littéraire, son épouse est aussi  journaliste. Gaston Chérau a réalisé une écriture tardive, en 1926 : on peut se demander pourquoi il n’a pas écrit plus tôt. C’est un ouvrage de journaliste, et pas à caractère littéraire.

Chacun de ces regards propose un registre de la guerre. C’est intéressant : on suit un journaliste au premier  âge d’or du reportage de guerre, avec le caractère d’un écrivain qui s’exprime par 4 formes d’expression, et en plus une autre forme : comment cet homme est marqué par l’expérience qu’il vit.

 

Cela aboutit à un projet pluridisciplinaire : ce livre revient aussi dessus. L’ouvrage donne un croisement des regards contemporains à travers l’archive réveillée : c’est un « projet à fendre le cœur ».  Les écrivains Jérôme Ferrarri et Olivier Rohe lui font un prolongement, en publiant A fendre le cœur le plus dur : le livre a son image. Le chorégraphe Emmanuel Eggermont a mis en scène un spectacle à partir des images. La plasticienne Agnès Geoffray a travaillé sur la matérialité de l’archive. L’historien Quentin Deluermoz (qui clôt le livre), l’écrivain et éditeur Mathieu Larnaudie, la critique d’art Smaranda Olcèse (sur l’appropriation de l’archive) et l’historienne de l’art Caroline Recher, en analysant ces interprétations singulières,  montrent comment le compagnonnage entre art et histoire a pu faire écho à la puissance expressive de ces archives visuelles. Il y a une réflexion sur la manière dont l’histoire a à utiliser les archives, les photographies.

 

La question qui s’est posée est de savoir comment montrer ces photographies. En effet, les pendaisons représentent une violence extrême. PS a été aidé par l’ouvrage Montrer les violences extrêmes des éditions Créaphis. Il lui a fallu une réflexion importante.

Le choix a été de les montrer sur une table horizontale, une table chronologique avec des blancs qui correspondent aux jours où Gaston Chérau ne prend pas de photos. De plus, le fait de les mettre à plat sur une table change leur statut, en leur donnant un statut documentaire et pas artistique (cette réflexion résonne avec Sexe, race et colonies, un ouvrage qui a pris un autre parti).

 

AR :

Il y a donc toute une question au sujet de « à fendre le cœur le plus dur » : une question éthique et morale. Qu’est ce que je raconte.

On voit ainsi des différences entre le brouillon de Chérau envoyé à sa femme et ce qui est publié dans le journal. Cela est étudié dans le livre.

 

Sylvain Vey.

Au sujet de la représentation du colonisateur et du colonisé. SV aurait voulu pouvoir davantage participer dans le livre.

L’actualité s’y prête.

Il s’agit de sortir de la sidération de ces images pour les analyser : il faut retracer comment on les découvre, comment elles sont produites et publiées, comment elles sont reçues et comment on les remet dans l’espace public aujourd’hui.

Il y a un triple contexte concernant l’expérience qu’ont fait les gens de cette époque qui résonne en nous.

En 1911 : cela faisait à peu près un siècle qu’il n’y avait pas vraiment de guerre en Europe. C’est plutôt un siècle de paix, où les Européens exportent la guerre, avec un processus de modernisation de la guerre dont l’image fait partie image.

(Il y a la question de l’indifférence face au spectacle de la guerre. Avec un gouvernement représentatif, il y a une indifférence légitime de l’opinion publique (qui délègue) et l’idée que par l’appel à l’opinion publique, on peut faire pression sur le gouvernement. Il y a une distance par rapport aux souffrances des autres : se met en place en Grande Bretagne un mouvement abolitionniste au XVIIIème. En 1798 : la lithographie correspond à un régime de l’image qu’on utilise abondamment pour faire pression sur le gouvernement.

En 1911, ce qui tombe sur la tête de Gaston Chérau est un drame intime : il faisait un reportage censé légitimer la colonisation, et qui finalement dit le contraire. Cela est l’aboutissement d’un processus.

 

Les Contextes :

– On sait alors ce qu’est une guerre coloniale (au XIXème, les choses sont troubles. Comment appelle t’on les événements : guerre ? La « première guerre de l’opium » en Chine ? L’historiographie hésite). En 1911, c’est clair. Le discours sur la mission colonisatrice est en place depuis la fin du XVIIIème siècle.

– on sait aussi ce qu’est le reportage. Quand commence le reportage de guerre est une question à se poser. Y avait-il un proto-reportage au XVIème ? Mais il y a une différence majeure par rapport à la fin du XIXème : au début du XXème siècle,  9 millions de quotidiens de journaux sont publiés. C’est la première génération de reporters qui savent ce qu’ils doivent faire. Chérau est l’héritier de cela.

– il y a un nouveau régime de l’image à ce moment. Presse moderne inséparable de l’image: mais, comme Kipling le dit, ce sont souvent des dessins.

Depuis 1888, il existe la photo kodak. Mais on ne sait pas reproduire les photographies sans les redessiner dans la presse… Le premier journal qui publie une photographie quotidiennement est l’Excelsior en 1911.

Depuis 1839, l’idée du « miroir du rêve » fait de la photographie un élément essentiel. Montrer la souffrance à distance permet de mobiliser l’opinion. Cela remet en cause l’idée reçue qu’il n’y aurait pas eu d’anticolonialisme au XIXème siècle, c’est faux et ce n’était pas forcément un anticolonialisme de droite, qui s’intéresse d’abord à récupérer l’Alsace et la Lorraine … Il y a aussi un anticolonialisme parfaitement en place aux XIXème –XXème. Mais en général, on dénonce le colonialisme des autres : par exemple, les Français dénoncent le colonialisme italien en Tripolitaine.

 

AR : Pour la reproduction des photographies, jusqu’en 1914, pour envoyer la photographie à distance, elles étaient redessinées. Le journal le Matin invente la similigravure : il essaye de se rapprocher le plus de la photographie. Avant, le public préférait le dessin, puis la demande du public s’oriente vers l’instantané et vers le réel en 1890-1914.

 

AB :

Avant 1914 : ce livre lui fait penser aux guerres balkaniques.

Au sujet de l’idée du colonialiste et de l’anticolonialiste : ces images paraissent anticoloniales car le journaliste, qui est un naïf en histoire coloniale, découvre l’horreur par l’expédition italienne en Tripolitaine. Mais c’est le hasard que ce genre d’événements se passe dans une  colonie … En effet, lors des guerres balkaniques sur les décombres de l’empire ottoman, ce ne sont pas des colonies. Les violences ne sont pas plus violentes parce qu’elles sont coloniales. Ce que voient les journalistes dans les guerres balkaniques ressemble à ce que Gaston Chérau a vu en Libye.

Au sujet du monde des correspondants de guerre : il y a très peu de femmes. Très souvent, ils prennent à la fois des photographies, en plus d’écrire des articles et de légender leurs photos. Le reporter de guerre John RIDE, lui, ne prend pas lui-même ses photos, mais est accompagné d’un dessinateur.

Au sujet de la question de montrer ou non les violences de guerre : le problème est aussi : est-ce-que l’on voit ce que l’on montre ? Est-ce-que l’on voit ce que l’on voit ? (Peguy). Par exemple, la première page de l’Illustration (ci-dessous) montre des otages civils coupés en morceaux (photo 2 : 1914) : on réprouve ce qui se passe, mais c’est pareil que dans les colonies. En plus, on les accompagne de caricatures : une mer de sang où les chrétiens des Balkans se noient ; cela dénonce les horreurs turques dans les Balkans. On se permet de montrer des horreurs innommables quand ce sont celles des ennemis.

C’est la façon dont les images sont lues et regardées qui change.

Le rapport Carneli de 1913 est bourré de textes et de photographies de toutes les horreurs contre les civils. Ce rapport arrive à des conclusions épouvantables : tous les efforts pour humaniser la guerre n’existent plus.

Pendants les guerres balkaniques et le début de la Première Guerre mondiale, il y eut un grand nombre de viols : ces viols sont aussi photographiés et dessinés, afin de montrer que les ennemis sont des barbares.

Cette façon de voir les choses se retrouve dans la Première Guerre mondiale : par exemple, pour l’extermination des Arméniens, nous avons peu de photographies, mais un grand nombre d’images, de caricatures qui montrent combien ces chrétiens sont massacrés. Les caricatures sont utilisées par les ennemis des Turcs et par les ennemis des alliées, donc contre les Allemands. Les images sont instrumentalisées par la propagande dans la Première Guerre mondiale pour montrer que la France et la Grande Bretagne sont mieux.

On assiste à une révolution dans la Première Guerre mondiale: le Vespocket de Kodak et le Liliputh sont dans la poche. Tous les soldats pouvaient être leur propre photographe : c’est une révolution du reportage personnel. (Cf livre publié par Creaphis : « comme on peut ».)

On utilise la photo pour écrire sa guerre. Cette photographie personnelle n’est pas publiée, il a fallu attendre 100 ans pour se rendre compte que les photographies des albums privés des soldats sont très intéressantes !

 

AR : En 1915, un service de photographie des armées est créé : la censure fait-elle que seules certaines  photos passent ?

AB : On a exagéré la censure dans la Première Guerre mondiale. En réalité, c’est assez  épouvantable ce qu’on a laissé passé !

 

 

QD : Comment l’historien peut-il  utiliser ce type d’archive ? (Cf fin du livre)

C’est une question de dialogue : comment l’histoire peut dialoguer autour des images.

Nous sommes dans un contexte, depuis quelques années, de mise à disposition des savoirs et des modes de recherche par les historiens actuels (Par exemple, G NOIRIEL qui reconstitue l’histoire d’un clown, « Chocolat », en la présentant de manière originale par le théâtre.).

Ce livre s’inscrit dans cet effort d’échanges, avec des acteurs croisés.

La présence de QD dans le livre s’est faite par hasard. Il a été happé par le projet.

Que peut faire un historien de ces images ? On voit la situation coloniale dans ces photos. Surtout, on voit les tensions dans l’empire : ce sont des camps qui ne sont pas homogènes. Dans le camp dit français, il existe des tensions.

 

Il y a des photos terribles de corps calcinés, d’unen famille brulée par des soldats qui prennent des trophées. L’action de coudre les yeux est faite pour désidentifier l’ennemi, enlever son humanité, atteindre l’ennemi au plus profond. Mais ces pratiques de cruauté ne se limitent pas aux guerres coloniales.

 

Le Danseur EGGERMONT apporte une réflexion dans sa chorégraphie sur le corps en mouvement. Le pendu semble bouger … Le texte de Jérôme Ferrari refuse la parole romanesque. Il s’interroge sur comment on peut écrire sur la violence sans l’esthétiser. Agnès Geoffray travaille sur les photographies : « les gisants ». Elle leur redonne une matérialité et fait réfléchir le spectateur.

Une écoute candide est nécessaire pour ce travail pluridisciplinaire.

De nouvelles questions se posent pendant le retour aux archives :

La question de l’humanité : qui étaient les gens pendus ? Leur famille, leur vie … des pans des sociétés restent inconnus.

La question de la morale : ce qui choque dans les images, c’est justement qu’il y a une  justification de cette horreur. Notre capacité de distanciation vis-à-vis de l’image est choquante, on a désappris à voir l’horreur de nos propres horreurs. On peut s’interroger aujourd’hui.

La question de la narration. Comment on écrit l’histoire. Il faut laisser de la place au blanc, au souffle. Ces images sont porteuses de chocs que l’historien met à distance pour son travail, mais peut-être qu’il faut en faire quelque chose.

Quand on  a observé 15 images en tant qu’historien, puis après le livre, il y a un nouveau regard.

 

PS : la rencontre avec Quentin a été un hasard.

Si ce livre devait être une histoire, ça serait celle d’un ébranlement.

En 1906, l’écrivain Gaston Chérau était en lice pour le prix Goncourt (2ème échec). C’est un écrivain qui était en vue à l’époque. Il avait un peu moins de 40 ans, lorsqu’il va en Tripolitaine au service de sa carrière et de l’Italie (le Matin est un journal pro-Italien). Il y va avec des certitudes. Il y reçoit des ébranlements. A la fin, dans sa correspondance avec les correspondants du Matin, GC se rend compte en quittant Tripoli qu’il n’a pas vu la guerre.

 

PS a cherché dans l’historiographie sur la guerre des informations sur les Correspondants de guerre : il s’est rendu compte que sur la question des témoins, le correspondant de guerre est le premier qui doit rendre compte. Ce témoin n’est pourtant pas évoqué dans l’historiographie de la guerre. Il a une position très particulière : il est envoyé pour rendre compte de ce qu’il voit et on ne le questionne pas. Ce livre le questionne justement.

 

Concernant le personnage de Vigné d’Octon :

En ce qui concerne Jean Jaurès, sa position sur la colonisation est une énigme. Cette guerre intervient au moment où Jaurès revient d’Amérique latine. Il y a très peu de réactions de Jaurès sur les exactions en Tripolitaine. Il s’intéresse à la bande à Bonnot, à la Chine … mais quand il parle de la guerre italo-turque, il la voit comme un avatar de la guerre franco-marocaine. Il passe à coté de cette guerre, il ne voit presque rien.

 

AB : insiste sur le mot éthique. Concernant les « fake new » : c’est devenu tellement banal qu’on n’y fait presque plus attention. Quand on regarde l’utilisation des images à travers l’histoire depuis le XIXème, l’important est de voir à la fois la quantité des images et la façon dont on s’est arrangé pour les comprendre de coté ou pour les contextualiser.

Par exemple en Libye : l’ancien directeur de MSF a dit : « on a fait la guerre à la Libye sur la foi de bobards ». Concernant  la guerre actuelle : on a cru voir des combats, des prises de ville insupportables, on a décidé de faire la guerre. Nous avons un siècle d’images, et on est toujours dans la même problématique. Philosophe : « il est vrai à la fois que le monde est ce que nous voyons et que nous devons apprendre à le voir ».

La Tripolitaine est la porte de l’Europe : ce n’est plus une guerre lointaine.

Ces images d’atrocités qui ne sont pas nouvelles sont liées à une forme de guerre, la guérilla, qui emprunte des stratégies à la petite guerre de l’époque moderne. Ces images sont performatives. Elles visent à décourager l’ennemi. Ces images sont aussi une des modalités de la guerre.

 

 

Questions de la salle :

1911 : on guillotinait en place publique ? C’est une banalisation de la violence ?

Non, depuis le XIXème, on ne fait plus cela en place publique.

Exemple : en Chine, l’exécution par démembrement, avec un individu gardé vivant le plus longtemps possible;  des français en font des cartes postales. Cela repose sur un énorme malentendu : ce n’était pas censé être vu.

Les Italiens se battent contre les Turcs : ils sont d’abord impérialistes, avant d’être colonialistes. Ils pensent qu’ils seront accueillis favorablement. Mais au bout d’un mois, ils subissent une révolte qui leur montre qu’ils doivent affronter les Turcs et la population locale : la guerre devient Italo-libyenne et coloniale. Le Jeu avec l’image est fait pour essayer de se rétablir. Les photographies de corps de soldats mutilés sont faites pour désigner l’ennemi.

 

– Concernant les premières photographies de reportage retravaillées : y a-t-il aussi une intention de manipulation de l’information ?

Lors de la Guerre de Sécession : les cadavres sur le champ de bataille sont présentés tantôt d’un camp, tantôt de l’autre …

Il y a manipulation de la photographie aussi car on pense mettre un surcroit d’informations.

AB : L’histoire de la photographie commence avec la manipulation. Les photographies de la guerre de Sécession ont quasiment toutes été posées, faites pour la photographie à cause du temps de pose. Même dans le photojournalisme le plus sérieux, on est forcément par moment obligé, par rapport aux difficultés de la prise de vue, de faire des choses, comme s’éloigner. Il faut avoir de l’esprit critique.

QD : l’image dans la Commune : toutes les images sont posées. Les Communards morts dans leur cercueil sont les seules images autorisées à être publiés juste après les événements.

Pendant la Révolution Française : ce qui a beaucoup choqué les contemporains sont les violences : les têtes sur les pics, les démembrements … En réalité, la guillotine est une humanisation de la mort, pour canaliser la violence irrépressible. Puis ces pratiques s’effacent.

 

Question de la mort à distance. Plus propre mais aussi atroce ?

Cela interroge ce que nous appelons violence. C’est une entrée fascinante dans la complexité des sociétés qu’on étudie.

PS : au moment de la Guerre en Libye en 2011, il participe à une nouvelle rencontre avec le chorégraphe le 2 juillet 2011. Par rapport à une nouvelle guerre en Libye. Il retrouve sur des blogs de chercheurs et, pour illustrer l’opposition à cette guerre en 2011, des images réactivées de la guerre de 1911.

Khadafi en 1969 chasse les Italiens (colonie de peuplement), puis met en cause cette colonisation. Mais les Italiens ont permis de faire de la Libye fragmentée une Libye unitaire.

 

Pour plus d’informations sur l’exposition : https://www.artpress.com/2016/02/09/a-fendre-le-coeur-le-plus-dur/