Avec Jacques Lévy, Sylvain Kahn et Olivier Milhaud:

SK: Sommet de l’Europe 12/13 juillet dernier, trahison du projet européen. Construction européenne avec tous les pays d’égale dignité. Europe, concert européen des nations. Construction européenne, moment ds l’histoire européenne, tous les Etats sont d’égale dignité. Cf. politique commerciale extérieure ds l’OMC. Changement de paradigme. JL et SK plutôt d’accord sur le projet européen. Européens qui adhèrent au projet européen sont plutôt d’accord sur la démocratie et l’Etat de droit. Sommet de la zone euro, attaque de 18 pays contre le 19e et Tsipras s’est retrouvé seul contre tous. Position dure des Finlandais, Slovaques, Allemands… Mais compromis franco-allemand. Humiliation des Grecs. Est-ce seulement une péripétie ?

JL : Cas intéressant. Si Marvejols ou Paris s’endettent de telle manière que l’Etat français propose un plan de désendettement et pendant 5 ans on continue à s’endetter sans toucher aux causes et ne font que renforcer le problème. Grèce humiliée ? Rapport entre Grèce et démocratie ? Histoire compliquée mais peu démocratique dans l’Antiquité ou au XIXe… Identification religieuse dans le pays, cf. manifestation à Thessalonique contre le nom de Macédoine pour le pays voisin. Sur France culture certains intellectuels protestataires caritatifs, certains commentaires n’ont pas été éthiques.
Grèce a été un Orient kidnappé, Churchill va transformer la guerre civile en guerre étrangère. On paye ça aujourd’hui. Les moins favorables au développement, corruption, corporatisme, ont été confortés par l’Europe. Et là il y a une responsabilité de l’UE.

SK : Quand la Grèce entre dans l’UE, il y a déjà débat. On connait les problèmes de la Grèce depuis 30 ans. Temps de faire des réformes. Mais pendant 30 ans on ferme les yeux. Les fonds structurels ont été donnés sans réel contrôle. Tourisme grec européen, achat de matériel militaire français sur des prêts allemands… pas de besoin réel puisque la Grèce est dans l’OTAN. Mais la Grèce c’est 3% du PNB européen. Donc responsabilité européenne. De plus Tsipras a été chef de file de l’extrême gauche aux élections européennes. Règlement de compte européen, aggravé par le fait que les Grecs ont provoqué les Allemands en comparant Merkel à Hitler. Réaction allemande a été de celle d’un chef de parti. Il fallait restructurer la dette grecque. Il faut composer avec le réel et non pas se comporter en idéologues. Démocrates-chrétiens n’ont pas été de prendre du recul face au communisme.

Public: Les banques qui prêtaient de l’argent connaissaient exactement la situation. Et ensuite place le débat sur des bases morales. En fait, très indécent comme comportement, pas d’éthique.

Public: Michel Sivignon: Présent en Grèce pendant le 1/3 de l’année. Difficulté dans l’interprétation d’un passage d’un événement politique et l’interprétation par le Grec de base, à quelle question il répond quand il vote, qu’est-ce qu’il veut dire ? Tsipras est courageux, il ne met pas d’argent ds ses poches… Problème des banques qui bloquaient l’économie normale quand elles ont été fermées. Difficile de prendre de la hauteur avec cette situation.

JL : Problème de langue différente de ce que l’on parle : Tsipras est en train de prendre la route d’un « glorieux traitre », est-il un gauchiste réaliste ? Grèce, espèce de « subprime »… Manipulation des banques qui ont trafiqué les taux. Difficile quand les entreprises sont juge et partie, cf aussi Volswagen. Exception Lafarge et traitement anti-sida des employés et des gens de leur famille en Afrique.

La France est présente ds cette histoire de la Grèce. Même si ce n’est que 3%, la France pourrait faire la même chose que la Grèce. François Hollande a lui aussi été obligé de trahir.

SK: F. Hollande trahit son programme parce qu’il ne fait pas assez de réduction des déficits. Plus mauvais élève de l’UE.

JL : Il faudrait faire avec la France comme avec la Grèce… et ça viendra !

SK : Les Etats ont renfloué les banques depuis 2010, Grèce est endettée aujourd’hui auprès des Etats. Retour au XIXe siècle, il faut rendre l’argent…

Public: Pourquoi accepter un pays qui avait des difficultés comme la Grèce ? Même remarque pour la Roumanie ?
Est-ce que le vote à la majorité qualifiée change quelque chose ? Et les risques de départ de certains pays ?

SK : Idéologie européiste, la situation des pays en difficulté va s’améliorer en entrant ds l’UE, phénomène de « convergence »… Effectivement, phénomène de rattrapage dans les pays de l’Est entrés depuis 2004. La Grèce est entrée au moment de la Guerre froide, il vaut mieux avoir la Grèce dans le camp de l’Ouest après la chute des colonels. Idem pour 2004. Enfin, c’est de la politique : Giscard joue le jeu politique en 81 et prend Mitterrand de vitesse.

JL: Le timing a son importance. Portugal et Espagne ont montré l’hypothèse du rattrapage et de la convergence, idem pour l’Irlande. Plus de prudence avec les pays de l’ex-zone soviétique. Il aurait fallu la même prudence avec la Grèce. C’est l’UE qui est concernée, pas seulement les Etats. Ceux-ci ont une capacité de nuisance dans les décisions prises par l’UE. Il faudrait davantage de pouvoir à la Commission européenne ou au groupe de la zone €. Les Etats ne lâchent que quand ils sont obligés de lâcher au moment des crises.

SK: Système de pondération des voix ds certains votes. Système à la majorité qualifiée, système unique dans le monde. Un Etat peut être amené à mettre en œuvre une politique contre laquelle il a voté. Cf. décision de répartition des migrants ds l’UE, les pays opposés sont engagés à mettre en œuvre la politique d’accueil, que fera Orban ? et la Slovaquie ? Que se passera-t-il alors ? Les sortira-t-on de l’UE ? Il faudrait baisser le pouvoir des Etats. La zone euro n’est pas dans la décision communautaire. Problème de déficit démocratique, les citoyens n’ont pas le sentiment d’accepter les changements, même s’ils ont voté, même si aujourd’hui le Parlement européen élu a beaucoup plus de pouvoir.
Public. L’Europe de demain ? 30% de députés eurosceptiques ? Elèves et étudiants peu intéressés par l’Europe.
Comment donner du désir d’Europe ?
TAFTA ?
Comment les mouvements d’extrême-gauche vont s’articuler avec l’UE ?
Allez regarder le match des philosophes des Monthy Python où Socrate marque…

JL: Europe est en panne. Lieu du monde où le modèle de développement ancien est en panne. Contrairement aux pays d’Asie orientale (hors Japon) et aux Etats Unis. Entre la Catalogne, France, Espagne, 3 manières d’envisager le développement. Donner son sang contre Etat providence, système qui ne fonctionne plus aujourd’hui. France caricature du corporatisme aujourd’hui. Ministère des enseignants et non de l’EN, ministère des agriculteurs et non pas de l’agriculture. UE mal appréciée aujourd’hui, pourtant structure plus légère. Aujourd’hui, essai d’investissements dans les start-up. Ce qui fait le plus d’unité de l’Europe, la culture, c’est ce qui est le moins développé. Il faut valoriser la culture, les valeurs éthiques de l’Europe. Développement de liberté, responsabilité à défendre.

SK: Les européens sont à la recherche de territoires pertinents, métropole, région ou UE ? Aujourd’hui, il semble qu’il y ait concurrence & compétition entre ces territoires, ce n’est pas ce que l’on ressentait depuis la 2e GM. Paradigme post-nationaliste. Depuis une dizaine d’années, on ne voit plus l’articulation de ces diverses échelles, triple crise :
-politique avec le rejet des Pays Bas et de la France avec développement des partis souverainistes,
-économique, crise de la dette publique,
-géopolitique avec intervention en Libye, Géorgie
Jamais 3 crises en même temps.
Inquiétant. Les grands Etats nations ne devraient pas disparaître, mais les petits Etats, comme Lettonie ou autre, ce n’est pas la même chose ! Inquiétant que l’on se dise ce genre de choses… Rôle des politiques en question ? Société très fragmentée aujourd’hui. Vote FN ou Front de gauche qui s’oppose à l’UE. Politique d’Orban qui veut changer le sens des institutions européennes. Contestations qui existent dans le cadre de l’UE. Mais quel est l’avenir de l’Europe ? Scénario, UE coquille vide ou acceptation de plus d’Europe. Il faut combler encore le déficit démocratique.
Cf. MOOC ananglais de Jacques Lévy qui doit démarrer en français
MOOC géopolitique de l’Europe de Science po.