CR du Café géographique au FIG de Saint-Dié avec Denis Retaillé, professeur à l’ Université de Bordeaux III et directeur depuis 2011 de l’UMR 5185 ADES (Aménagement, Développement, Environnement, Santé, Société) CNRS-Université de Bordeaux III. Café qui eut lieu au restaurant « Au Bureau » quai Jeanne d’Arc, Saint-Dié.

Notons que ce compte rendu a été repris par l’ADES

Aménagement, Développement, Environnement, Santé et Sociétés – UMR 5185 du CNRS

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Salle bondée : professeurs, étudiants, lycéens entassés sur les marches, assis par terre, bref des conditions assez déplorables pour suivre ce Café intitulé « Les paysages de la Mondialisation ». Votre co-listier étant lui-même debout, appuyé contre l’un des deux murs de chaque côté de la salle ! 

Denis Retaillé s’excuse pour les conditions d’inconfort auxquelles ceux qui sont venus assister à ce café sont confrontées. La plupart des personnes assises lors de la conférence précédente sont restées sur leur chaise !
Heureusement, la qualité et la réflexion de l’exposé de Denis Retaillé ont compensé largement ces conditions peu dignes d’un « Festival International de Géographie » (pourquoi une salle aussi petite pour une conférence aussi importante ?)

L’auteur introduit judicieusement son exposé par la photo d’un « marché local » du Sahel où l’on remarque trois personnages, un paysan venant vendre ses produits, un commerçant libyen (sur un dromadaire) et un marchand d’armes (impossible à identifier car photo prise à contre-jour à 20 ou 25 mètres). Un marché local ? Où (déjà) un lieu de la Mondialisation?
Denis Retaillé nous propose ensuite un exposé autour de 10 photos/diapos(2 par 2) disponibles sur le net, qui sont autant de lieux (et non paysages) de la mondialisation. Sa démarche est claire, simple et limpide en ce qu’elle nous fait découvrir, hiérarchiser, donne du sens à ces « paysages de la Mondialisation »

Son exposé nous emmène dans une première vue de la base d’Amundsen/Scott en Antarctide (300.000 touristes par an tout de même!), un lieu non territorialisé (traité de 1959) qui n’accueille que des bases scientifiques encore pour 50 ans. Mais après ?
Suit une vue d’un espace un peu plus « intégré » à la mondialisation, un territoire du Nunavut, « aux marges de l’oekoumène ». Mais un territoire « passoire», selon l’auteur, et un lieu de l’autochtonie (voir LE DOSSIER [Enjeux de l’autochtonie – Politique Africaine->www.politique-africaine.com/numeros/pdf/112005.pdf[/footnote]) . Denis Retaillé nous entraîne ensuite sur d’autres dyptiques pour décrypter les lieux de la mondialisation : une diapositive de Jérusalem , une autre de la « toile » montrant l’intensité des flux Internet dans le Monde. Il oppose un lieu de murs et de guerre (une ville) à une « toile » à priori sans entrave.
Puis une photo du vieux centre de Dubaï s’opposant à la course effrénée de l’immobilier servi comme antidote à la fin du pétrole dans la ville des tours. Photo couplée à celle de la City de Londres (qui n’est pas Londres) habitée par 12000 personnes dont le Lord-maire, est élu par des chefs d’entreprises. Un lieu de l’uniformisation ? Non de différenciation.

Ensuite l’auteur oppose une photo de Dharavi (deux enfants courant dans ce bidonville, des musulmans qui n’habitent pas celui-ci !) dans le film « Slumdog Millionnaire » à une photo du Forum Social Mondial de Porto Alegre (un « spectacle », lui aussi, comme Dharavi).
On passe ensuite à deux photos attendues, l’une du siège de l’ONU à New York, et l’autre de la Terre vue de l’espace mais encombrée dans son atmosphère par les centaines de milliers de débris satellitaires. Le Monde avec une gouvernance ? Oui….mais un monde « poubelle » aussi à la même échelle.

Pour Denis Retaillé, « notre distance au monde »  a changé. Certaines images, ici les paysages, ne sont plus exotiques, à force d’être dans notre quotidien. Il rappelle ses lectures de jeunesse (Mac Luhan, le « Village global » 1967, G. Debord « La société du spectacle »). Porto Alegre n’a rien de nouveau en tant que spectacle (il nous montre une photo du festival de Woodstock où la musique s’était déjà mondialisée et une photo du LEM sur la lune en Juillet 1969). Et c’était 30 ans plus tôt. Mais là problème : la photo montrée n’est pas celle d’Apollo XI en 1969, mais celle d’une des dernières missions lunaires de la NASA, puisque l’on voit la « jeep » apparue seulement sur Apollo 15. Dans le même ordre d’idée, les paysages célèbres de notre enfance de « Connaissances du Monde» sont des paysages de la mondialisation (photos de l’Everest, du Grand Canyon, du mur de Chine…). Ces paysages font « sites », « lieux », sont symboliques de notre monde. Comme les incroyables dépenses d’argent et d’énergie depuis des siècles pour retrouver « Babel » selon lui: les tours d’Angkor (XIVème siècle), l’Empire State Building (1931), les tours jumelles de Kuala Lumpur et enfin Burj Dubaï, record du monde avec ses 828m de hauteur).
Mais nous fait remarquer Denis Retaillé, c’est un spectacle « en trompe-l’oeil », « exhibé ». Est-ce une tour occupée jusqu’à 828 m? Non, le dernier étage habité est le 168ème!

Il existe aussi des paysages « refus du spectacle » : Denis Retaillé nous montre une diapos des explosions des Bouddhas de Bamyan (qui n’est pas sans nous rappeler les deux effondrements dramatiques des Twin towers du 11/09/2001). Ce sont aussi des paysages de la mondialisation. Ceux-ci sont partout, comme les murs, les flux, les échanges (photos d’un énorme échangeur autoroutier à Los Angeles, la bourse de Wall Street, les slums de Lagos) ces paysages cosmopolites nous sont désormais familiers.

Notre conférencier finit par cette question : comment habiter le Monde ? C’est y être. Car le monde vous/nous habite (à travers ses lieux, ses sites, ses paysages…).

Au total un café décoiffant, rondement mené, riche, structuré, polysémique,qui a frappé par son intelligence, ses contenus, ses questionnements votre modeste correspondant…. à Saint-Dié !