Chers collègues,

16h-16h30 : tout commence donc par la conférence d’ouverture avec Jean-Marc Huissoud enseignant-chercheur à Grenoble Ecole de Management, président du festival, Loïc Roche directeur du GEM qui accueille pour la 9e année une manifestation d’envergure nationale dont nous sommes honorés après Blois et Saint-Dié d’être les partenaires pédagogiques.

16h30-17h30 : notre secrétaire national Geoffrey Maréchal assurera le compte-rendu de la conférence : « Géopolitique de Tel Aviv » avec comme intervenant Frédéric ENCEL, Maître de conférences – Sciences Po Paris
Lieu : GEM – Salle auditorium. Sachez que les conférences dans le grand auditorium de l’école de management sont souvent les plus fréquentées…

– 19:15 – 20:15 Conférence : Quel devenir pour les territoires en marge des métropoles ?
Intervenant(s) : Frédéric WEILL
, Directeur d’études – Futuribles
Lieu : GEM – Salle auditorium
Pas de clionaute pour cette conférence qui intéresse nos cours sur les espaces péri-urbains à ruraux. Nous n’avons pas encore atteint la masse critique…

– 20:00 – 21:30 Conférence : L’expérience grenobloise du pouvoir en démocratie participative.
Intervenant(s) : François BONNAZ
, Doctorant en sciences politiques – Laboratoire PACTE
Lieu : Café des Arts Complet. Notre partenaire pour ce café géopolitique affiche cette année complet ! A Grenoble, la démocratie n’est pas un vain mot, même s’il cache des conceptions très diverses…
J’aurai le plaisir d’en discuter avec Jean-Marc Huissoud et François Bonnaz, puis de répondre aux questions du public.

– Mon intervention :

Bonjour,

Je me propose en tant qu’enseignant d’histoire-géographie à Grenoble et membre du Comité Editorial des Clionautes de vous faire part de 3 éclairages (quand je parle de Grenoble, il s’agit ici pour des raisons de commodité de l’aire urbaine au sens de l’Insee ; sinon je précise en disant « ville ») :

1 – Quelle échelle de territoire serait la plus adéquate pour l’exercice de la démocratie représentative grenobloise ?
« Le sous-titre de votre conférence « la ville sur le terrain de la métropole » m’évoque au premier abord un rapport de force imposé par la ville – c’est à dire la municipalité ou la représentation politique la plus forte après celle de Président de la République – à la métropole dont les contours spatiaux et les compétences politiques restent flous au citoyen de base. Pourtant il me semble bien que c’est l’agglomération grenobloise qui définit le mieux Grenoble. Parlons chiffres comme l’Insee : la ville c’est administrativement 170 000 hab par rapport aux 450 000 hab de la Métro ; Parlons échelles comme les géographes ou les randonneurs : il suffit de gravir un GR que ce soit en Chartreuse, sur le Vercors ou en direction de Belledonne pour appréhender les contours du « Y » grenoblois dont la ville n’est qu’au mieux son centre.
-> Dans ces conditions parler de démocratie participative grenobloise englobe quel périmètre ? Celui de la ville ? De son agglomération à travers la Métro ? Et quid des relations avec les espaces ruraux-montagnards qui l’entourent ?

2- Mais peut-on parler de tradition démocratique ancienne pour Grenoble ?
Si la capitale du Dauphiné bénéficie de fonctions régaliennes liées à son nom, justifie-t-elle son statut de « capitale de province » que Fernand Braudel prend en ex. dans son ouvrage « Civilisation matérielle et capitalisme, XVe-XVIIIe siècles » ? Tissu très majoritairement rural-montagnard du Dauphiné, manque d’attractivité économique vis à vis des capitales proches (Lyon, Genève, Turin, Marseille), contraintes naturelles fortes liées à la géographie, Grenoble est au 27e rang des villes françaises à temps des effervescences révolutionnaires de 1788 qui braquent alors le projecteur de la France absolutiste et royale sur ce qui se présente comme une répétition de 1789.
-> Il faut vraisemblablement chercher ici la cause lointaine des difficultés pour la ville à entrainer ce vaste espace auquel je faisais allusion dans le 1er point sur la question du périmètre, et la résistance des différentes composantes du dit périmètre, mais aussi une tradition contestataire, matrice des développements démocratiques originaux à venir.

3- Quels seraient alors les étapes qui ont fait de Grenoble un laboratoire de démocratie locale ?
L’adhésion des populations au vote républicain (dans une ville de garnison) puis socialiste dès le début du XXe siècle avec Paul Mistral, maire élu en mars 1919 (la chambre des députés élue au sortir de la 1ère GM est dite « bleu-horizon ») et réélu jusqu’à sa mort en 1932.
La forte identité résistante de Grenoble, de l’armée des Alpes ayant tenu victorieusement en 1940 aux martyrs et aux résistants des maquis de 43-44, soit 2 des 5 communes françaises avec Vassieux-en-Vercors à avoir reçu en 1944 des mains du Gal de Gaulle la croix de la Libération (avec l’île de Sein, Nantes et Paris).
La victoire de l’ingénieur et ancien de l’école navale, le socialiste et nouveau Grenoblois Hubert Dubedout aux élections municipales de 1965 face au héros de la Résistance Albert Michalon instaure une ère nouvelle caractérisée par l’alliance entre les socialistes, les ingénieurs et industriels et le mouvement citoyen. Lors de la « vague rose » des municipales de 77 de jeunes élus socialistes de villes importantes comme Rennes ou Nantes s’inspirent de l’expérience grenobloise. A noter que 2 des maires suivants sur 3, Michel Destot, socialiste, issu de la filière atomique et Eric Piolle, écologiste, issu de celle du génie industriel symbolisent par leurs parcours personnels l’importance de la technologie locale et la montée en puissance des mobilités humaines liées à l’attraction des territoires (ici l’innovation au sens large).
L’arrivée de la gauche écologiste et citoyenne au pouvoir municipal depuis les élections de 2014 relance dans les intentions affichées, sinon dans les actes, le caractère de laboratoire démocratique national de la ville et braque les projecteurs sur ce que serait à l’échelle « locale » une politique de transition verte, qui a amené les différentes collectivités (ville, Métro, communautés de commune) à mettre en place des plans de prévention.
-> Cette histoire peut-elle être revivifiée par la nouvelle équipe ou est-elle vouée à l’échec, faute de structures territoriales adéquates à la construction d’une politique cohérente ville-Métro voire à l’échelle pôle urbain / espaces ruraux-montagnards ?

Annexe (pour le cours du débat) : A une échelle plus grande, la question des rapports entre les habitants des territoires urbains et ceux des territoires ruraux-montagnards (dont certains font partie de la Métro comme les balcons de la Chartreuse) :
Les mobilités toujours plus importantes des humains (du rural vers l’urbain et inversement) posent des questions cruciales aux institutions territoriales : peut-on concilier la recherche d’égalité entre les territoires (« Une passion française » selon la formule du géographe Philippe Estèbe) et la concurrence inhérente à la recherche d’attractivité de ces mêmes territoires ? La loi en favorisant l’attractivité des métropoles dans un contexte de concurrence internationale ne favorise-t-elle pas les fonctions de commandement de ces mêmes métropoles avec pour risque d’agrandir l’incompréhension entre pôle urbain et territoires ruraux-montagnards voisins ? C’est ce que souligne Pierre Rosanvallon quand il propose le concept d' »égalité-relation » ou comment (re)construire du lien dans la démocratie locale… Vaste programme !

Jean-Michel Crosnier pour les Clionautes