Seydou Kanté est docteur en géographie politique et géopolitique de l’Université Paris IV-Sorbonne et fondateur du site geopolitico.info.
Natif de Tambacounda, au Sud-Est du Sénégal, la presse locale le présente comme un modèle de réussite pour la jeunesse.
Fondateur de l’Institut Africain de Géopolitique et d’analyse stratégique (IAG)il développe un projet de cartographique fine des résultats électoraux du Sénégal depuis 1960.
Il a publié en 2012 avec le professeur Gérard François Dumont un article sur le Diploweb : géopolitique du Sénégal, une exception en Afrique puis en 2014 chez l’Harmattan un ouvrage sur : La géopolitique de l’émigration sénégalaise en France et aux Etats-Unis et en juillet-Août 2015 un article sur Dakar : Géopolitique d’une capitale africaine : Dakar, une agglomération fragmentée dans la revue en ligne géopolitico.
Un exposé court mais bien structuré et qui a permis une discussion riche du fait de la participation de nombreux auditeurs africains.

Dans son introduction le conférencier présente la situation du Sénégal, un pays peu peuplé 15 M d’habitants, estimation pour 2035 20 Mmais important dans la sous-région, politiquement stable depuis l’Indépendance. La population y est très inégalement répartie pour des raisons physiques, historiques mise en valeur coloniale et post-coloniale, politique.

Au niveau national

Dakar est la principale ville de la sous-région. C’est une situation de macrocéphalie 22% de la population sur 0,3% du territoire, un poids économique énorme (80% des services, 70% des industries, 60 à 70 % des établissements d’enseignement supérieur malgré l’ouverture récente des universités de Bambey, Thiès et Ziguinchor), la majorité des hôpitaux.
La ville attire les migrants et sur un espace restreint la densité urbaine est très forte avec une occupation irrégulière des zones basses, inondables à la saison des pluies qui génère insécurité et criminalité.
C’est la capitale politique qui symbolise à elle seule le pays : quand en 2009 le parti au pouvoir perd la mairie de Dakar sa chute est inévitable. Aujourd’hui la situation est tendue, le maire actuel Khalifa Sall est depuis trois jours en prison pour détournement de fonds publics, nous sommes en période pré-électorale pour les législatives il est un dissident de la majorité au pouvoir et probable candidat à la présidentielle sénégalaise de 2019. Le contrôle de Dakar est fondamental pour le pouvoir national la population des HLM de la ville comptent plus d’électeurs potentiels qu’une grande ville du Sud comme Tambacounda.

Au niveau international

D’autre part la situation géographique de Dakar est un avantage : une entrée sur le continent africain, un hub à 6h de Paris et 8 de New-York. Les trois derniers présidents américains y sont allés. Elle accueille chaque année plusieurs rencontres internationales.
C’est une position géostratégique dans la lutte contre le terrorisme au sahel mais aussi pour l’exploitation du pétrole du golfe de Guinée.

C’est aussi une ville refuge, elle a accueilli le président Ahmadou Ahidjo en exil depuis 1984 et plus récemment l’ancien président du Mali Amadou Toumani Touré, on peut ajouté un épisode très récent quand Adama Barrow a prêté serment comme président de la Gambie depuis le Sénégal une question de la salle a permis de compléter : Après de longues années d’exil au Sénégal le tribunal spécial africain de Dakar a tranché. Après dix mois de procès, l’ancien président du Tchad, Hissène Habré, a été condamné lundi 30 mai à la réclusion criminelle à perpétuité par une juridiction africaine extraordinaire qui l’a reconnu coupable de crimes contre l’humanité, de torture et de viols lors de la répression menée lorsqu’il était à la tête de son pays entre 1982 et 1990.

Cette ville dynamique qui attire au plan national, international est obligée de sortir de son site propre pour désengorger la ville comme le montre les travaux d’un nouvel aéroport International Blaise Diagne engagés sous le président Abdoulaye Wade, du nouveau pôle territorial de Diamniadio et son Centre international de conférence Abdou Diouf inauguré lors du sommet de la Francophonie en novembre 2014 .

Mais il y a nécessité d’aller au-delà, de favoriser le développement des centres de province, par exemple développer un port sec à Tambacounada pour les relations avec le Mali, transférer les sièges sociaux de sociétés vers leur zone d’activité comme la SOCOTEX qui pourrait s’installer vers la production de coton.
Mais existe-t-il une réelle volonté politique d’aménagement du territoire ?

Les questions de la salle ont permis d’évoquer le rôle historique de capitale de l’AOF, la présence de la seule université d’Afrique de l’Ouest en 1960, les espoirs et limites de l’acte 3 de la décentralisation, les atouts des richesses minières et pétrolière que l’on vient de découvrir dans le pays.
Le rôle régulateur des pouvoirs religieux et de leur dialogue avec le pouvoir politique est mentionné même si leur poids semble un peu en déclin notamment chez les jeunes et amène à revenir sur la place d’incubateur des mouvements sociaux traités jeudi dans la conférence de Christiane Bouquet.