Dans le cadre d’une carte blanche aux éditions Perrin, Jean Lopez, historien et journaliste, directeur de la rédaction de Guerres et histoire, et auteur de l’ouvrage Les cent derniers jours d’Hitler. Chronique de l’apocalypse (Perrin), a proposé d’approcher la réalité de l’effondrement du IIIe Reich à travers 15 photographies (en réalité 16 !) qu’il a commentées une par une. Le choix des photographies, la plupart remarquables, la qualité et la précision du commentaire, la parfaite connaissance de son sujet par le conférencier, ont fait de cette intervention une grande réussite.

Jean Lopez commence par une brève comparaison des deux sorties de conflit pour l’Allemagne, celle de 1918 et celle de 1945. Il faut avoir bien présent à l’esprit le fait qu’en 1918, l’Allemagne n’a pas été envahie et qu’elle a procédé à la conquête de vastes territoires à l’Est. Cette réalité a permis à la droite, à l’extrême droite, mais aussi à une très grande partie du peuple de considérer que cette défaite ne pouvait s’expliquer que par une trahison. Ainsi est née le mythe de du coup de poignard dans le dos. Les soviétiques et les Alliés vont faire en sorte en 1945 que le peuple allemand ressentent physiquement et matériellement la défaite.

Photo 1. Il s’agit d’un montage de cinq portraits d’Hitler, à 31, 35, 51, 54 et 55 ans. Le délabrement physique est impressionnant. Hitler est atteint d’une d’une forme de la maladie de Parkinson depuis 1941 et tremble fortement. Il prend beaucoup de médicaments, des somnifères, et de temps à autre des amphétamines. Mais il y a pas d’addiction et ce n’est pas du tout un malade mental. Ses capacités intellectuelles sont intactes.

Photo 2. Elle est prise dans le sud de la Poméranie ans en février 1945. Une femme seule, un enfant à la main et couverte d’une capote militaire, marche dans la neige dans une grande détresse. Jean Lopez évoque la fuite des civils devant l’Armée rouge, la peur de la mort et surtout la peur du viol pour les femmes. 1 à 2 millions de femmes furent violées par les Soviétiques de janvier à avril 1945.

Photo 3. Une assemblée du Volksturm à Berlin. Les nazis ont procédé à la levée en masse des hommes de 15 à 60 ans. La population allemande doit creuser des tranchées, poser des champs de mines, et utiliser une arme, le Panzerfaust, qui nécessite de s’approcher à moins de 60 mètres des chars soviétiques. C’est une photo de propagande pour montrer que le peuple est prêt à se défendre.

Photo 4. Prise à Berlin le 3 février 1945 après un bombardement massif de jour ; 1157 B27 ont déversé leurs bombes sur le quartier central. Les Anglais faisaient des raids de harcèlement la nuit, et les Américains des bombardements de jour. Il s’agissait d’épuiser la classe ouvrière qui produisait encore et d’abattre le moral de la population civile. Il était impossible de dormir. La défaite et était évidente. On voit des femmes errer dans des rues détruites, de grosses lunettes et des foulards leur permettant de lutter contre la poussière. 400 000 civils furent tués par les bombes, dont 30 000 Berlinois.

Photo 5. On voit des déserteurs allemands qui sont arrêtés par des soldats allemands. Cette photo permet d’évoquer le fait que la Wehrmacht ne s’est pas toujours battue jusqu’au bout, comme la propagande a voulu le faire croire. Au printemps 1945, un million de soldats allemands dont la situation est pas claire, pour la plupart des déserteurs, se dissimulent dans les quartiers détruits des villes.

Photo 6. Photographie de propagande prise à Berlin. Goebbels, ministre de la propagande et ministre plénipotentiaire pour la guerre totale assiste à la première levée du Volksturm. 400 000 hommes seront intégrés dans des unités de combat, avec une efficacité à peu près nulle.

Photo 7.Le Bunker d’Hitler photographiée en juillet 1945. Hitler s’y est suicidé le 30 avril. Il est construit sous les jardins de la chancellerie, à cinq mètres de profondeur, protégé par 3,5 mètres de béton. Il comprend l’appartement de Hitler, la chambre d’Eva Braun, une antichambre et une salle de réunion. Les murs suintent d’humidité, la ventilation est épouvantable, la terre tremble en permanence compte tenu des bombardements, la lumière s’éteint sans arrêt : la vie y est extrêmement pénible.

Photo 8. Extraite du dernier film de propagande que peu de gens verront, la photographie montre Hitler passant en revue des enfants. C’est sa dernière sortie.

Photo 9. Des soldats américains trouvent dans la rue d’une ville allemande une vingtaine de soldats allemands pendus. Ils ont été pendus par des SS ou par la Gestapo. Entre quatre et huit mille soldats allemands ont été pendus pour ne pas s’être montrés assez combatifs aux yeux des plus fanatiques.

Photo 10. Camp de Bergen-Belsen le 15 avril 1945. Trois détenues traînent le cadavre d’une de leurs camarades. Il reste 60 000 déportés dans le camp, 49 000 vont mourir dans les 15 jours. Cette photographie permet d’évoquer l’ouverture des camps et la haine que pour la première fois les soldats américains vont éprouver à l’égard des Allemands.

Photo 11. Photographie prise par les Soviétiques dans un jardin public de Vienne. Le suicide de toute une famille. Le père de famille a exécuté sur le banc son fils, sa fille, sa femme, puis s’est tué. Elle permet d’évoquer les milliers de suicides par désespoir ou par patriotisme. Jean Lopez évoque le cas des 2000 habitants d’une petite ville qui sont allés ensemble se noyer dans l’étang.

Photo 12. C’est un portrait du maréchal Joukov qui a conquis Berlin sans états d’âme, sous un déluge de feu, en concurrence avec son camarade Koniev, qui lui venait du sud.

Photo 13. Elle montre la famille Goebbels, le père, son épouse Magda qui adorait Hitler, le premier fils de Magda, et les six enfants du couple. Une magnifique photo de famille. Tous seront empoisonnés par les parents avant qu’eux mêmes se suicident.

Photo 14. Elle montre quelques déportés au cours d’une marche de la mort, sous la pluie, dans un état sanitaire pitoyable. Elle permet d’évoquer les marches de la mort consécutives à la volonté nazie d’évacuer les camps. Celle-ci traversent une ville, sous les yeux des Allemands qui ne peuvent nier la réalité.

Photo 15. C’est la célèbre photo prise sur une place de Milan sur laquelle on voit les cadavres de Mussolini et de sa maîtresse accrochés à une grille par les pieds, après avoir été lynchés par la foule. Hitler n’a pas vu la photo mais il a lu la dépêche qui décrit le sort de leurs dépouilles. De la vient sa volonté que son corps est celui d’Eva Braun soit totalement détruits ainsi qu’un certain nombre d’objets personnels, afin qu’ils ne laissent aucune trace.

Photo 16. Elle montre le Reichstag, il s’agit sans doute d’une reconstitution, après sa prise d’assaut le 30 avril 1945. La défaite absolue ne fait aucun doute. Hitler a refusé tous les moyens qu’on lui a proposé de quitter la ville.
Joël Drogland