À l’occasion du 70e anniversaire de l’assassinat de Jean Zay par la Milice, les RDVHB ont confié une Carte blanche à l’association des Amis de Jean Zay, présidée par Antoine Prost. Pour présenter le livre récemment paru aux éditions Belin, Antoine Prost a réuni autour de lui dans une table ronde, Hélène Mouchard-Zay, fille cadette de Jean Zay et présidente du CERCIL et Dominique Missika qui a publié chez Robert Laffont en 2009 « Je vous promets de revenir. 1940-1945, le dernier combat de Léon Blum » et qui a coécrit avec Catherine Bernstein un documentaire consacré à l’assassinat de Jean Zay, « Un crime français ».

C’est Antoine Prost qui prend d’abord la parole pour présenter Jean Zay, puis le contexte de son arrestation et de son emprisonnement. Hélène Mouchard-Zay présente ensuite les écrits de prison qui vienne d’être publiés. Dominique Missika montre enfin le rôle qu’a joué Jean Zay pour faire connaître le contenu des débats du procès de Riom.

Né en 1904, Jean Zay fait des études de droit et devient avocat à Orléans. Membre du parti radical, il est élu député à Orléans en 1932 dans une circonscription difficile. En janvier 1936, attaché à la présidence du conseil, il fait la liaison entre le gouvernement sortant et le gouvernement que constitue Léon Blum. Celui-ci le repère, constate ses talents de négociateur, son intelligence, et le nomme ministre de l’éducation nationale. Il le restera jusqu’en septembre 1939, date à laquelle il démissionne pour rejoindre son unité après sa mobilisation. Durant toute cette période il a été l’objet d’une violente campagne antisémite. Quand les chambres se réunissent à Bordeaux en juin 1940, il rejoint la ville et siège. Il fait parti des députés qui doivent partir pour Casablanca sur le navire Massilia. On connaît cette histoire, la propagande de Laval présenta les parlementaires qui quittaient la France comme des fuyards ; Jean Zay fut arrêté le 15 août à Casablanca.

Le procès de Jean Zay en octobre 1940, à la suite du piège du Massilia, fut celui de la défaite, de la République et du Front populaire bien avant le procès de Riom. Néanmoins ce procès est peu connu et son histoire est récente. Le 4 octobre 1940, après cinq minutes de délibération, le tribunal militaire de Clermont-Ferrand condamne Jean Zay aux peines de déportation et de dégradation sous le motif de « désertion en présence de l’ennemi ». Il est le premier procès politique accompli par le régime de Vichy en 1940 après le procès par contumace du Général de Gaulle et le procès de Georges Mandel qui débouche sur un non-lieu, transformé en détention. La « justice » militaire est ici une « justice » politique de répression qui mêle la revanche contre le Front populaire et la haine antisémite, le lien entre juif et antipatriote étant fondamental dans ce procès du « déserteur en présence de l’ennemi ». Il s’agit pour Vichy de montrer que les responsables de la défaite sans les ennemis intérieurs, identifiés depuis longtemps comme étrangers à la « vraie France », et Jean Zay en est l’archétype.

Jean Zay passe ensuite presque quatre années dans une cellule de la prison de Riom. Son régime de détention, liée à sa condamnation à la déportation, équivalait à un régime de semi-liberté. Sa famille le rejoint à Riom, en mai 1941. Son épouse et lui s’efforcent de maintenir à leurs deux petites filles une existence normale. Il organise ses journées autour de sa vie familiale, du moins quand son régime est respecté, et de ses activités d’écriture. Il écrit énormément : plaidoyer du procès de 1940, courrier administratif, correspondance familiale et amicale (550 lettres nous sont parvenues dans 290 à sa femme à laquelle il écrivait quotidiennement et 200 à sa soeur Jacqueline à laquelle il était très attaché), carnets journaliers, notes de lecture, de réflexion, composition de mots croisés, de romans policiers d’une vingtaine de contes, enfin de son ouvrage Souvenirs et solitude, sorti clandestinement dans le landau de la plus jeune de ses deux filles, et publié en 1945.

Malgré la censure, malgré la prison, Jean Zay a résisté. Tout d’abord parce qu’il a participé à la rédaction des comptes rendus du procès de Riom. Les accusés du procès de Riom, dont Léon Blum, dorment durant la semaine dans les mêmes locaux que ceux où est interné Jean Zay. Celui-ci a des échos de ce qui se passe au procès, et, en langage crypté, il écrit des commentaires qui donnent aujourd’hui de précieux renseignements sur l’ambiance des séances. Il fait aussi les résumés des sténotypies des audiences que ses amis ont pu se procurer, par des procédés qui nous demeurent inconnus. C’est un travail harassant mais d’une grande portée car ces textes seront publiés dans La Montagne, dans Le Populaire clandestin puis ils vont gagner Londres à New York où ils seront publiés dans le New York Times.
D’autre part, Jean Zay a été en contact avec l’organisation de résistance OCM (Organisation civile et militaire) et travaillé aux plans futurs de l’Éducation nationale.

L’ouvrage est publié avec un appareil critique et une préface d’Antoine Prost.

On pourra consulter sur la Cliothèque le compte-rendu de l’ouvrage d’Olivier Loubes, Jean Zay, L’inconnu de la République http://www.clio-cr.clionautes.org/jean-zay-l-inconnu-de-la-republique.html#.VDzmwmd_vTo