L’association a été invitée ce mercredi 29 novembre à la journée annuelle des Trinômes académiques autour du thème « penser le monde de demain ». La journée alterne des conférences scientifiques avec des tables rondes qui remontent les initiatives de terrain dans les académies. L’association remercie Stéphane Colin, délégué pour l’éducation à la Défense au ministère, pour son invitation.

Structures de concertation et d’organisation  déconcentrées, les trinômes réunissent au niveau académique sous l’autorité du Recteur, l’autorité militaire territoriale (le délégué militaire départemental du chef- lieu de l’académie) et le président de l’association régionale des anciens auditeurs de l’institut des hautes études de défense nationale (IHEDN).

Vous trouverez ici les notes de quelques conférences du matin.

Clipperton avec Stéphane Dugast

Stéphane Dugast est auteur, réalisateur et conférencier. Il est Secrétaire général de la

La géopolitique de l’Indo-Pacifique avec Guillaume Gandelin

Guillaume Gandelin est chargé de mission Asie du Sud à la Direction générale des relations internationales et de la stratégie – DGRIS

Situation

Extraits de MarineTraffic

Ce qualificatif « Indo-Pacifique » permet de bien insister sur les flux commerciaux (MarineTraffic), davantage que le terme Asie, plus propice à aborder la dimension continentale de l’espace. Les flux de l’Europe à l’Asie sont les plus importants, pour cet espace, mais aussi plus largement dans le monde. Ils dépassent quantitativement les flux entre l’Europe et l’Amérique, et les flux entre l’Amérique et l’Asie. Les détroits sont les goulots d’étrangement du commerce mondial (Ormuz, Malacca…).

La région est également confrontée à la montée en puissance de la Chine. En 2004, le président chinois Hu Jintao s’inquiétait de ce « verrou » de Malacca et a tenté de développer des axes continentaux de substitution. Face au dilemme de Malacca, il était nécessaire sécuriser les ports de l’océan Indien. La Chine, qui récuse officiellement cette expression « Indo-Pacifique », lui donne corps.

L’une des ripostes vient du QUAD, alliance stratégique entre les États-Unis, l’Inde, le Japon et l’Australie.

En quoi cela intéresse la France ?

Capture d’écran de la vidéo YouTube

La France est la puissance européenne la plus impliquée dans la région car elle est une puissance résidente (Réunion, Mayotte, Nouvelle Calédonie, Polynésie). 90 % de notre ZEE est là. La vision française s’est développée en 2018 avec des visites d’Emmanuel Macron dans la région et repose sur plusieurs piliers :

– intérêts de souveraineté

– partenariats (Inde, Japon, États-Unis)

– garantir la liberté de navigation qui assure le libre accès à nos territoires

– participation aux instances multilatérales régionales

Points d’appui

La France s’appuie sur des Forces de souveraineté à la Réunion, à la Polynésie et en Nouvelle-Calédonie (frégates de surveillance, patrouilleurs). La loi de programmation militaire 2024-2030 prévoit la modernisation des forces aéronavales sur place. Notre pays dispose aussi de zones maritimes de commandement et de partenaires de défense (Inde, Japon, Indonésie) pour des exercices communs.

La région, par sa distance par rapport à la métropole, représente un défi logistique pour la Marine nationale. C’est moins vrai pour l’armée de l’air (Mission Pégase). L’itinéraire France-Guam peut être rallié en moins de 72 heures (15000 km), avec des escales via des partenaires (Singapour, Inde, etc.).

Action des trinômes académiques

Janick Julienne, IA-IPR histoire-géographie, référente zone océan Indien et zone Europe du Nord-Ouest et Scandinavie. AEFE/Direction de l’enseignement, de l’Orientation et de la Formation,

Caroline Delage, chargée de mission auprès de la Déléguée académique aux relations Education nationale-Défense-IHEDN

Isabelle Amiot, IA-IPR histoire-géographie en Nouvelle-Calédonie et déléguée du trinôme académique auprès du Vice-Recteur,

Capitaine de vaisseau Guillaume Montanie, commandant de la base navale de Nouméa

Arnaud Papillon (animateur), chef du pôle rayonnement de la politique mémorielle – DMCA

Quand aborde-t-on la question Indo-Pacifique dans l’enseignement ?

Il existe une multitude d’entrées possibles : habiter les littoraux en 6ème, prévenir les risques et s’adapter au changement global en 5ème, des espaces transformés par la mondialisation en 4ème, Mers et océans un espace maritimisé, on peut citer l’Afrique australe en 2nde, Singapour et la Chine en 1ère, Golfe arabo-persique, mer de Chine méridionale, océan Indien, détroit de Malacca en Terminale, sans parler de l’HGGSP.

En Nouvelle-Calédonie, les programmes sont adaptés et validés par l’IGESR, approuvés par la Nouvelle Calédonie et ensuite publiés au BO. Dans le chapitre de géographie en Terminale sur Mers et Océans, on a ajouté aux études de cas possibles celle de « l’océan Pacifique, un espace d’enjeux géostratégiques ». En Histoire, il existe également des entrées locales.

Quels publics ?

Dans l’académie de Montpellier, il y a eu par exemple trois jours de formation (« Guerre, armées, nature et environnement au Camp des Garrigues» en J1, « « L’Inde et ses voisins, nouveaux enjeux géopolitiques » en J2, etc.). Le public concerne les formateurs du Cercle Défense, les enseignants, les étudiants de l’Université Paul Valery, les auditeurs de l’AR12 et dans le cas de la J2, les 54 étudiants de classes préparatoires du lycée Joffre.

Il y a eu aussi un colloque conjoint avec La Nouvelle-Calédonie le 16 février 2022, sur « Le théâtre Pacifique et les territoires ultramarins, nouveaux enjeux de défense et de géostratégie », avec Jean-Luc Racine et Paco Milhiet.

Les établissements français de la zone indo-pacifique

L’agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) dépend du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Cela recouvre 580 établissements dans 139 pays, 391.000 élèves (dont la moitié d’élèves français), sur 16 zones définies par le ministère de l’Europe et des AE (en lien avec les postes diplomatiques). Il n’y a pas de trinômes académiques mais un lien constant avec les contraintes contextuelles diplomatiques (stratégie chinoise, flux économiques, etc.). Il y a par contre un lien avec l’IHEDN Jeunes, qui a des correspondants dans le monde entier.

La France défend le multilatéralisme et la coopération/aide au développement, cela se répercute dans les actions menées. Citons par exemple la visioconférence au lycée français de Tana (Madagascar) sur le cyclone Batsirai et qui a mobilisé l’unité de la Sécurité civile. L’AFD (Agence française de développement) prépare une conférence climat et qui implique des établissements français de la zone. Outre les classes défense, à Nouméa, un cycle de conférences, « Les mercredis du trinôme » est organisé. Il faut aussi signaler que la présence de la Marine nationale permet des visites de bâtiments, des exercices (« Croix du Sud » autour de la gestion d’une catastrophe naturelle). On mêle la Défense à une approche de type développement durable.

Pourquoi des actions vis-à-vis des professeurs plus que face aux élèves ?

D’abord, il y a des actions vers les élèves, avec par exemple les classes défense. Par ailleurs, les enseignants restent des relais prioritaires et il faut garder en tête que la problématique de défense peut susciter des résistances d’une partie des enseignants. Il y a un enjeu de formation à deux niveaux : la formation initiale (INSPÉ) et aussi la formation continue. Cette dernière a souffert de la dernière règlementation limitant les absences pour formation des enseignants.

Au sein de l’AEFE, la résistance existe mais elle est moins sensible, car il y a une démarche projet et une intervention sur les bateaux qui passent, lien avec les attachés défense. Proximité appréciable.

En Nouvelle-Calédonie, l’engagement des jeunes est élevé : 25 % d’une classe d’âge a une expérience militaire, 32 classes Défense,  Cap-Citoyen (1/3 des jeunes de 3e passent sur un site militaire pour des sensibilisations diverses), beaucoup de questions au grand oral sur les questions géopolitiques locales.