Vendredi 6 octobre, Château royal de Blois, Salle Gaston d’Orléans
Intervenant : Benjamin BRILLAUD, réalisateur de la chaîne YouTube « Nota Bene »
Modérateur : Agnès CHAUVEAU, Directrice déléguée à la diffusion et à l’innovation de l’INA (Institut National de l’Audiovisuel)

Dans le prestigieux espace de la salle Gaston d’Orléans du Château royal de Blois, les 18-35 ans sont venus nombreux en ce vendredi 6 octobre 2017 pour écouter Benjamin Brillaud, 29 ans, fondateur de la chaîne YouTube « Nota Bene » et Agnès Chauveau, directrice déléguée à la diffusion et à l’innovation de l’INA (Institut national de l’audiovisuel).

Longtemps considérée comme un site web de vidéastes amateurs, YouTube est devenue en quelques années une plate-forme de diffusion de contenus à la fois pédagogiques et divertissants. C’est le cas de « Nota Bene », la chaîne YouTube de Benjamin Brillaud qui compte aujourd’hui 542 000 abonnés et dont les vidéos ont été visionnées plus de 34 millions de fois. Son principe ? Des vidéos courtes où le vidéaste s’adresse directement au public en se tenant face à la caméra. Le débit est rapide, le ton familier et souvent humoristique, adapté aux codes du Web et aux générations nouvelles… Cela se conjugue parfaitement avec le look (jean/baskets/queue de cheval) de celui que l’on surnomme parfois « Bénabarbe » et qui tranche avec celui plus classique des autres intervenants des Rencontres de Blois. Cependant, sa démarche de vulgarisation de l’Histoire est intéressante car innovante et ne peut laisser indifférents les spécialistes en la matière.

Six mois de fac d’histoire, sept ans dans l’audiovisuel comme cadreur monteur réalisateur, deux années de chômage et d’ennui ont incité Benjamin Brillaud à lancer sa chaîne « Nota Bene » en 2014. Conçue au départ comme un divertissement autour de l’Histoire, avec la volonté de la rendre agréable et accessible au plus grand nombre en employant un ton léger et non « universitaire », « Nota Bene » est devenue une chaîne plus sérieuse puisque Benjamin Brillaud a constitué petit à petit un réseau d’historiens qui relisent les scripts et valident tous les textes des vidéos avant leur publication sur le net.

Le choix du sujet de ses vidéos se fait lors d’échanges avec des amis, des historiens ou par des suggestions d’internautes. Et les contenus s’enrichissent ! Benjamin Brillaud s’est ainsi forgé une telle réputation qu’il réalise désormais des partenariats avec des musées (le Louvre notamment), des collectivités locales (commandes sur le Chemin des Dames et le Débarquement américain à Château-Thierry par le département de l’Aisne), l’Ina ou le magazine Historia qui lui a récemment proposé une chronique.

Pour le contenu de ses vidéos, il utilise bien sûr les outils de son temps. «Google et Wikipédia sont deux bases de travail formidables mais il faut apprendre à les utiliser, explique-t-il, ça ne peut bien sûr pas suffire mais je considère que c’est un bon moyen de défricher un sujet ». Il utilise aussi les encyclopédies, les livres d’histoire ainsi que plus récemment les archives de l’Ina que l’Institut a mis à sa disposition. « J’ai beaucoup d’audience, donc beaucoup de responsabilité » ajoute-t-il ! Afin de remédier au problème récurrent des sources et des droits d’auteur, il utilise en priorité Wikimédia et Gallica, des bases documentaires qui proposent des contenus libres de droits.

Les enseignants s’y intéressent de plus en plus et commencent à utiliser ses vidéos en classe, dans le secondaire comme à l’Université, ce qui n’était pas le cas il y a trois ans quand tout ce qui venait d’internet provoquait encore de la méfiance, voire un rejet viscéral. Pour Benjamin Brillaud, tout a changé à partir de sa collaboration avec le Musée du Louvre. Cette première coopération lui a ouvert les portes des institutions et sa démarche de vulgarisateur (ou de médiateur culturel comme il préfère dire) a été crédibilisée.

Pour ceux qui s’inquiéteraient d’une dérive simplificatrice de l’enseignement de l’Histoire, Benjamin Brillaud argumente : « Je ne suis pas là pour remplacer les cours que dispensent les profs, mais ces vidéos peuvent être prises comme une béquille. Elles viennent en complément à un cours plus complet. Je travaille avec l’œil d’un novice, et je me pose les questions que se poserait quelqu’un qui ne comprend rien au sujet. C’est plus efficace pour moi de partir de la petite histoire avant de contextualiser les faits pour mieux les comprendre. »

L’Institut National de l’Audiovisuel, mémoire extraordinaire de l’audiovisuel français mais organisme un peu vieillot aux yeux du public, est venu le chercher dans une démarche d’ouverture et de rajeunissement de son image. Le but était que Benjamin Brillaud s’empare des archives, les présente et les commente pour un public jeune qui ne venait pas habituellement sur le site de l’Ina. L’Institut lui a offert la possibilité de travailler sur le thème de la Propagande dans l’Histoire à travers la réalisation de 3 vidéos : la propagande durant la Seconde Guerre mondiale, la propagande durant la guerre d’Algérie et la propagande pendant Mai 68.

Pourtant, malgré la notoriété de sa chaîne YouTube, Benjamin Brillaud n’en vit pas. « Ce n’est pas un modèle viable, l’apport de la publicité reste modeste et rapporte environ 900 euros par an pour un million de vues ». Il a donc diversifié ses activités, du crowdfunding aux produits dérivés en passant par des conférences et l’organisation d’un festival (Les Historiques à la forteresse de Montbazon).
Et fin 2016, courtisé par les éditeurs bien conscients de son potentiel économique, il a publié son premier ouvrage (Nota Bene. Les pires batailles de l’histoire, Robert Laffont).
Avec la volonté de toucher un nouveau public, celui qui ne va pas sur YouTube…
La boucle est bouclée…