Table-ronde sur les communautés en ligne d’enseignants : pratiques et recherche

Invités par Christine Ravelotte suite à notre journée sur le travail collaboratif en septembre, Sylvain Genevois (INRP), Eric Bruilllard (INRP), H. Sabra et moi-même avons été invités à participer à une table-ronde sur les communautés en ligne d’enseignants au colloque EPAL (Echanger pour apprendre en ligne) organisé par Grenoble III et l’INRP.
Les intervenants de cette table-ronde ont présenté les pratiques de nos associations (Weblettres, Sésamath, Clionautes etc..) et l’état de la recherche sur ces réseaux.

Christine Develotte a d’abord présenté les associations à partir de leur page d’accueil. verdict sans appel (mais gentiment dit !) : on a une page « classique » et qui ne permet pas vraiment de comprendre la structure de l’association. Bon, il va falloir vraiment la refaire, cette page d’accueil !!! Sésamath en revanche a une page très claire, avec des vignettes qui correspondent parfaitement à leur façon de fonctionner : par projets. et Weblettres met des couvertures de livres, montre son rapport à l’écrit, à l’édition.

J’ai ensuite présenté les Clionautes en alternant avec Sylvain qui a donné un regard d’ « ancien » (j’ai pas dit de vieux !!!), un regard également un peu distancié puisque Sylvain s’est investi dans d’autres domaines ces derniers temps, notamment un travail de recherche sur la Géomatique, sans pourtant avoir quitté des yeux h-francais.

– Quelques constats à propos des Clionautes et des autres associations : Nous avons constatéCe qui ne veut pas dire « regretté » !, Sylvain, moi-même et d’autres encore, une mutation dans les usages de ces outils, et notamment de la liste h-francais : le nombre d’abonnés ne bouge plus depuis longtemps, les discussions sur les pratiques pédagogiques ont quasiment disparu, et notre liste diffuse désormais surtout des informations (annonces de sites académiques, de compte-rendus de lectures, de parutions diverses sur le web ou ailleurs), la revue de presse de Daniel et quelques échanges courts. Il suffit pour s’en apercevoir de regarder les archives mensuelles et de trier par sujet. La liste h-francais est donc toujours un outil précieux (merci les modérateurs et les contributeurs) mais plus un outil de débat pédagogique. Sylvain évoque pour expliquer cette absence la formule de modération a priori : le message va être jugé par le modérateur, puis par les lecteurs (parmi lesquels quelques inspecteurs et trices, même s’ils/elles ne sont pas ceux qui s’expriment le plus ), et archivé de manière indélébile et publique sur les serveurs de h-net. Il en faut moins pour freiner l’ardeur des participants potentiels !

– Les discussions sur les pratiques pédagogique ne sont pourtant pas absentes de la galaxie Clionautes : elles vivent actuellement par exemple sur notre NING : plus de 100 membres, des échanges vivants, francs et constructifs qui permettent surtout de faire ensemble le travail préparatoire pour construire une séquence, une démarche pédagogique, pour construire des usages autour d’outils particuliers et pour réfléchir à des pratiques nouvelles. L’outil NING (forum, blog, clavardage (chat), messagerie interne) comme twitter correspond peut-être à un type de fonctionnement particulier : il convient à des gens qui sont très connectés, habitués à communiquer avec les autres au-delà du mail par SMS, clavardage etc…A chacun son outil donc !

– En revanche, contrairement à Sésamath, nous n’avons jamais vraiment réussi à construire collaborativement des ressources (fiches, cours, …). Notre façon de fonctionner est différente, et ces différences s’expliquent probablement par notre culture disciplinaire : en maths, les IREM (Instituts de recherche sur l’enseignement des Mathématiques) ont formé les enseignants de maths au travail collaboratif, tandis qu’en histoire -géo nous sommes plutôt formé au travail individuel, à une forme de pédagogie transmissive (qui descend de l’IG à l’IPR, au prof puis à l’élève).

– Quelqu’un dans la salle a posé la question de la qualité des ressources que nous proposions. Le système de production de Sésamath (production de fiche, relecture collective, test et retour de test, modification de la fiche etc… jusqu’à ce que la fiche fonctionne en cours) est un système qui assure la qualité. En ce qui nous concerne, nous nous sommes développés sur l’absence de hiérarchie et donc l’absence de validation, et c’est au prof de choisir les ressources qu’il juge de bonne qualité. C’est donc une validation par l’usage qui permet aussi de faire circuler les idées. Nous imaginions tous obtenir des utilisateurs de nos ressources un retour d’expérience qui n’arrive presque jamais.

– Nous avons enfin évoqué les tensions qui existent au sein et autour de nos associations : tensions entre le disciplinaire et le pédagogique qui ne nous épargne pas, tension entre l’individuel et le collectif, tension entre l’institution et l’associatif… Apparemment ces tensions existent partout !

– La discussion a vraiment été passionnante et a montré combien nous, réseaux d’enseignants, sommes devenus essentiels pour l’éducation nationale (et ce n’est pas – uniquement – moi qui le dis ! 😉 ) : nous participons de la formation des enseignants, nous amenons un changement dans les pratiques pédagogiques, nous donnons à voir une école qui cherche à avancer, nous sommes aussi un groupe de pression qui est écouté, malgré les apparences. Il est donc essentiel de ne pas disparaître. Dans le cadre du développement des programmes « après l’école », dans le cadre de la transformation de la formation professionnelle des enseignants, de l’harmonisation des pratiques européennes en matière d’éducation, nous serons amenés à prendre position : produire des ressources pour les élèves comme le fait Sésamath avec Kidimath (et Capbrevet avec nous) ? S’impliquer dans la formation (et donc devenir un organisme de formation) ? S’impliquer dans des projets européens ? Cela signifie bien entendu des changements radicaux dans les structures et dans le fonctionnement des associations, une mutation radicale et assez effrayante pour les bénévoles que nous sommes, mais qui permettrait d’éviter que l’école ne passe aux mains de Maxicours et consorts.

Voilà quelques unes des pistes de réflexion soulevées lors de cette table-ronde.