L’homme en charge du soin des âmes possède un statut particulier dans les sociétés juives et chrétiennes… Mais qu’en est-il réellement ? André Vauchez, David Hamidovic et se sont attachés à répondre aux questions de Benoit de Sagazan avec passion et simplicité. Un plaisir pour l’auditoire des rendez-vous de Blois.

INTERVENANTS

David HAMIDOVIC, docteur en histoire de l’Antiquité , professeur de judaïsme ancien à l’université de Lausanne, membre du comité éditorial et scientifique de la revue du monde de la Bible. Spécialiste de écrits de Qumrân. Son dernier ouvrage : Les racines bibliques de l’imaginaire des pandémies. Des plaies d’Égypte aux coronavirus, Paris, Bayard, 2020, 158 p.

André VAUCHEZ, membre de l’Institut, médiéviste, spécialiste de la sainteté et de la spirituaité médiévale. le dictionnaire des Saints, Catherine de Sienne( 2015), François d’Assise (2009), les laïcs au Moyen-Âge.

Benoit de SAGAZAN, (modérateur) Rédacteur en chef du magazine le monde de la Bible

 

Questions posées par le modérateur

Comment s’est élaboré la fonction du prêtre ? Vis à vis de la population ? De la société ? Y a t il eut de pouvoir ou de contre-pouvoir?

 

Le prêtre dans le judaïsme ancien par David Hamidovic

 

  • La fonction du sacrificateur (cohen) 

En hébreu : cohen veut dire prêtre, sacrificateur. Ce qui frappe dans les études dans la Bible, c’est la difficulté très importante de faire une histoire du sacerdoce. Par ailleurs, il existe un flou sur la fonction du prêtre, son rôle et sa signification . Car, depuis le XIXe, il y a peu d’ouvrages de synthèse, voire aucun. Le mot sacerdoce est postérieur au judaïsme ancien. Les termes de prêtres et lévites sont soit synonymes, ou désignent des subalternes.

Le sacrificateur dirige le temple de Jérusalem. En effet, il possède un rôle politique majeur, surtout à partir du VIe siècle, car la figure royale disparaît. Être prêtre n’est pas seulement être sacrificateur, puisqu’il administre les propriétés foncières, enseigne,  et peut être scribe.

Enfin, la qualité de prêtre est héréditaire et il n’y a pas de primogéniture. Cela est problématique quand le temple est détruit en 70, seconde destruction du Temple. La fonction sacerdotale est entretenue, et, est dotée d’un titre honorifique.

  •  La vision du prêtre

Elle réside dans la légitimité du prêtre de Jérusalem. La filiation à Aron est souvent citée, notamment après la Première destruction du Temple de Jérusalem. Par ailleurs, il existe un conflit, pour la direction du Temple de Jérusalem, à lire dans le Pentateuque.

De ce fait, il y a bon nombre de conflits internes dans la gouvernance du temple de Jérusalem.

L’autre ambiguïté est liée à l’hellénisation des prêtres du Temple. Dans les derniers siècles avant notre ère, le judaïsme rencontre le monde grec, au IV s avant notre ère. Par conséquent , les prêtres du temple de Jérusalem sont hellénisés et attirés par la culture scientifique (connaissance de l’astronomie et l’astrologie). Le problème est la prise de de Jérusalem qui les met en porte à faux.

Cependant, il existe des textes bibliques qui valorisent la figure du prêtre et du Grand Prêtre : ex Simon le juste dans le Siracide  de Ben Sirach le Sage.

  • L’ image des prêtres 

Durant les deux derniers siècles avant notre ère,  apparaissent de nouvelles valeurs morales. Elles sont portées par un courant majoritaire, les Pharisiens. Selon eux, le peuple peut avoir un contact direct avec Dieu. Par ailleurs, la liturgie est fondée sur les bénédictions et les débuts de la prière, lointaines de la logique du sacrifice.

On valorise l’idée que chaque juif peut être en contact avec la divinité. Le prête est prestigieux mais plus exclusif.

Dans ce cadre-là, il y a une réécriture du rôle du sacerdoce. Dans certains textes, le prêtre est essentiel : il rentre en contact et permet d’avoir accès à toute une série de nouvelles révélation du Dieu d’Israël.  

A partir de 70  de notre ère, la dignité sacerdotale reste ; mais une nouvelle population de prêtre apparaît.  Leur volonté est d’approfondir les fonctions des prêtres avec les écrits rabbiniques.

 

 Le prêtre médiéval par André Vauchez 

  • Au IIIe siècle

Le prêtre suit la tradition apostolique d’Hippolyte de Rome 215-218, symbolisée par l’apparition des distinctions dans la communauté chrétienne . En terme d’organisation  l’évêque est élu, les prêtres et diacres sont ordonnés par l’évêque.  De plus, la communauté chrétienne est souveraine pour le choix de l’évêque mais il ne le devient qu‘avec l’imposition des mains qui transmet l’Esprit Saint.

L’institution diaconale se perd très vite tandis que le binôme prêtre/ évêque perdure.

Il y a une série de personnages que l’on saisit mal , dans les premiers siècles de l’Église : acolyte, portiers, lecteurs, ce qui va devenir le clergé.

Enfin, le prêtre se définit par le service de l’autel, il est  astreint à la continence. Les prêtres peuvent se marier avant de prendre en charge leur sacerdoce.

  • Au Haut Moyen Age (V-Xe siècles)  

La documentation est très limitée sur les prêtres. Le rôle primordial revient aux évêques : dans le presbyterium des prêtres  travaillent et vivent avec l’évêque. Il choisit lui-même les prêtres. Ils s’occupent des populations des villes ( entre V et VIII s : christianisation des campagnes mais de bas christianisme est urbain).

A partir V et VI siècles, le christianisme se transmet des grands propriétaires aux paysans.  Avec le développement des domaines agricoles les oratoires sont construits, ils vont devenir des Églises. Le clergé rural devient majoritaire vers l’An Mil, même en Italie la région plus urbanisée de l’Europe. Les prêtres sont dépendants de leur maître, on ne sait pas grand-chose sur eux.  Ils effectuent les bénédictions et célébrations de la messe, qui sont leurs principales activités.  

Par ailleurs, il y a un effort des conciles pour établir le célibat ecclésiastique, mais des évêques sont mariés. Le clergé est donc double : un clergé marié, et un clergé célibataire qui varie selon les lieux. La principale conséquence du mariage des clercs est la création de  lignées sacerdotales.

  • La Réforme grégorienne

L’Église réagit violemment contre la féodalité. L’Église sacralise le sacerdoce :  Temporel pour les laïcs, spirituel pour le clergé. Le choc est  brutal et violent.

Il faut donc deux siècles pour que la réforme soit  assimilée par l’Occident, mais le mouvement est réussi.

Par conséquent les laïcs restent dans le temporel et ont accès à la sacralisation du mariage ; tandis que les clercs doivent faire vœu de célibat.

  • A partir des Années 1200

Débute le quadrillage en paroisse. Dans le cadre paroissiale : le prêtre est le chef de la petite chrétienté paroissiale. Le prêtre voit donc son rôle renforcé.

La Communion  se vit au moins 3 fois par an et le fidèle se confesse à son propre curé.

 A partir du concile de Latran ( 1215), le  rôle  du prêtre est valorisé et le développement avec le travail de prédication et la pénitence. 

De ce fait, le prêtre contrôle ses fidèles et doit dresser la liste et renvoyé à l’officialité ceux qui ne communient pas.

  • Les conditions de recrutement

On ne peut pas être prêtre si on est bâtard, sauf dispense du prêtre. Il faut savoir lire, compter, connaître le latin et chanter.

Au XIIIe s est l’apogée du prêtre médiéval : St Yves, curé breton. Il  étudie à Orléans et  choisi de retourner en Bretagne. Réputation de sainteté et 1344 : canonisé.

Les prêtres ont aussi des concurrents : les ordres mendiants qui pallient aux manques de prédication. Les fidèles « évolués » préfèrent les franciscains et les dominicains.

Un autre problème reste la formation du prêtre. Les curés sont très proches de leur fidèles mais le niveau intellectuel est réduit.

Au XIVe siècle les principaux concurrents aux prêtres sont : les laïcs et les femmes. Hildegarde von Bingen, et Catherine de Sienne, sont des exemples notables.

Enfin, la réforme protestante oblige la redéfinition du statut du clerc.