Francis KPATINDE Maître de Conférence à Sciences-Po Paris.
Zozime Alphonse TAMEKAMTA chercheur.
Séverine BELLINDA Directrice d’un institut de Recherche.
En Afrique, il y a des Etats Faillis, des Etats Voyous, des Etats fragiles et quelques exceptions démocratiques comme la Tunisie, l’Afrique du Sud et le Sénégal. Comment peut-on donc envisager une gouvernance démocratique pour ce continent ???

I/Intervention de Francis KPATINDE.
L’actualité des élections en Afrique, c’est un simulacre d’élection au Congo Brazzaville où Mr SASSOU-NGUESSO règne depuis 32 ans et truquera les résultats (autour de 61% le 23/03); un match serré au Bénin entre le politique Lionel Zinsou et l’homme d’affaires Patrice Talon (donné gagnant le 23/03 à 65%); et un référendum pour changer la Constitution du Sénégal organisé par Macky Sall (oui à 63% le 23/03).
Il est d’ailleurs honteux que François Hollande est donné son feu vert au dictateur SASSOU-NGUESSO !

Cette année il y aura 15 élections au suffrage universel direct sur 54 pays africains. 2 élections ne posent aucun problème : celles en Afrique du Sud et au Nigéria, elles ont été libres…
Cependant Mugabe qui a 92 ans est au pouvoir depuis 1980 au Zimbabwe, donc depuis 36 ans; Dos Santos qui a 74 ans gouverne l’Angola depuis 1979, soit 37 ans et Kagamé au Rwanda au pouvoir depuis 1994 veut rempiler jusque 2034, en changeant la Constitution, ce qui lui ferait 40 ans de pouvoir. Biya au Cameroun a 83 ans et est au pouvoir depuis 1982, soit 34 ans. Enfin Kadhafi, tué en 2011, était au pouvoir depuis 1969, soit 42 ans de suite…
Cela veut dire qu’il y a des dirigeants africains qui vont connaitre 6 présidents de la République Française : VGE, Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande et le successeur.
Cependant certaines Constitutions Africaines n’autorisent que 2 ou 3 mandats (mandats entre 4 et 6 ans, soit 18 ans maximum).

II/Intervention de Zozime TAMEKANTA.
Il y aura deux parties chronologiques dans mon intervention, la gouvernance démocratique avant 1990, et après la Conférence de La Baule de François Mitterrand en 1990.
Avant 1990, certains historiens affirment que l’Afrique n’a jamais connu la démocratie; d’autres que les Empires africains avaient une forme de démocratie participative traditionnelle.
En février 1990, le Bénin fait une révolution démocratique réussie. Le 16ème Sommet France/Afrique de La Baule se tient du 19 au 21 juin 1990, Mitterrand exige alors une conditionnalité démocratique à l’aide française aux pays francophones africains et noirs.

Le 26/03 1991 le Gabon se dote d’une Constitution qui reconnait les droits de l’homme de 1789 et de 1948. Le 15/03 1992, le Congo Brazzaville fait de même; ainsi que la République Centrafricaine le 15/01 1994. Est ce que tout est réglé par ces modifications constitutionnelles ? Bien sûr que non, le peuple ne sait pas approprier le changement démocratique et les dirigeants dictatoriaux n’ont fait que rénover la façade. Mitterrand se dit ravi…

III/ Réponse de Francis Kpatindé.
Je ne suis pas d’accord avec l’importance que vous donnez à La Baule. Ce qui a marqué les dirigeants africains, c’est bien plus la mort de CEAUCESCU en décembre 1989 qui a traumatisé par exemple le maréchal Mobutu au Zaïre; et le démantèlement de l’apartheid entre 1990 et 1994, grâce à Nelson Mandela. Pour moi, ce sont de ces évènements et non de Mitterrand que viennent les aspirations démocratiques des africains.

Je tiens aussi à dénoncer la lettre scandaleuse de François Hollande du 7/10 2014 à Blaise Compaoré pour lui proposer s’il accepte de quitter le pouvoir au Burkina un job à la Francophonie (Abdou Diouf le sénégalais étant sur le départ). Est ce qu’on peut recaser les dictateurs comme cela ? Et quelle image de la francophonie cela aurait il donné ? Ce qu’on peut à la limite faire pour recaser Harlem Désir du PS à un poste au gouvernement sur l’Europe, est ignoble quand il s’agit d’un dictateur qui a le sang de son peuple sur les mains…

Conclusion
La faillite de certains intellectuels africains qui deviennent ministres ou conseillers spéciaux, et donc se vendent au pouvoir, ne doit pas détruire l’idéal démocratique d’une partie de la jeunesse africaine.
Si le 28/10 2014, la jeunesse burkinabé a su renverser le dictateur Blaise Compaoré, on peut espérer que cela servira de modèle…
Cependant comme l’URSS a envoyé les chars en 1956 et en 1968, alors que Gorbatchev ne l’a pas fait en 1989; certains dictateurs comme Sassou-Nguesso, Kabila ou Bouteflika n’hésiteront pas à faire tirer sur la jeunesse. La gouvernance démocratique n’est donc pas encore à l’ordre du jour même si pour la première fois d’anciens dictateurs comme Hissène Habré, le dictateur tchadien, au Sénégal, depuis le 20/07 2015 et Gbagbo, le dictateur ivoirien, devant la CPI (Cour Pénale Internationale), depuis le 30/11 2011, passent en justice et devront enfin répondre de leurs actes…L’espoir fait vivre…