Professeur de sciences de la vie et de la terre à la retraite, Catherine Lemartinel s’est interrogée sur le croisement possible entre l’espace et le vivant autour du thème de la vitesse. Un monde qui va plus vite ? Mais plus vite que quoi ? Que la mort…et les épidémies qui tuent.

Le propos est chronologique, débutant sur les ravages d’un choléra antique identifié comme l’une des plaies d’Égypte. Ce fléau pousse jusqu’à la fermeture de certaines villes même si, à cette époque, on voyage encore assez peu.

La circulation se développe en Méditerranée, facilite la propagation et, à nouveau, une grande épidémie, la grande peste noire des années 1300, décime une partie de la population de l’Europe. Des isolats subsistent car les villes avaient fermé leurs portes (Bruges, Milan, Varsovie) ou car les lieux étaient naturellement peu accessibles (Pyrénées). Les victimes directes ne sont pas les seules puisque de nombreuses villes touchées connaissent des révoltes dans les commerces demeurées vides.

A propos de vitesse, c’est de la durée de ces épidémies dont on a, à ces époques, aucune idée.

Arrive le XIXème siècle et les fièvres puerpérales. Le problème des miasmes s’explique essentiellement par des mains non lavées, c’est ainsi que l’on découvre l’asepsie. Pasteur reprend ce principe découvert par le hongrois Ignace Semmelweiss et contribue à l’hygiénisation de la ville sous Haussmann.

C’est en changeant d’échelle, en regardant l’infiniment petit, que Pasteur découvre le microbe. La suite du XIXème siècle voit des avancées faramineuses : le vaccin contre la rage, la pasteurisation, le staphylocoque…

Spatialement, Pasteur a su se servir de la presse, il se rend médiatique, fait ouvrir une première fondation et décide qu’il faut aller sur le terrain, soigner dans d’autres pays. Les transports par bateau sont plus rapides, les premiers avions apparaissent.

Les instituts Pasteur couvrent une bonne partie du globe aujourd’hui et ont réellement pour but de former sur place avec du personnel local.

La peste n’a aujourd’hui pas disparu, 50000 cas ont été dénombré en Asie, en Afrique et aux États-Unis enter 1990 et 2009.

L’accélération planétaire constitue le dernier point de la conférence. Le téléphone, l’avion, l’informatique présentent avantages et inconvénients : les maladies se diffusent encore plus mais les possibilités de soin et d’information sur les traitements sont également rapides.

L’exemple du SIDA est pris en dernier exemple. En 1981, le médecin américain Michael Gottlieb recense 5 cas d’homosexuels souffrant d’une forme de pneumonie particulièrement violente qui finissent par décéder d’une disparition totale des défenses immunitaires. Un médecin, Jim Curran, publie l’information dans une revue médicale mais pas en première page. Un pédiatre français, Willy Rozenbaum lit l’encart dans le bulletin de Curran et fait le lien avec l’un de ses patients atteint des mêmes symptômes. C’est la première fois qu’une épidémie a été signalée par les moyens de communication modernes.

Des problématiques demeurent vives de nos jours : le trafic de sang non contrôlé, le trafic d’organes, le tourisme sexuel. L’information peut aider : la démarche à suivre dans le cadre du virus Ebola est rendu publique sur des affiches invitant à contacter les autorités médicales en cas de manifestation de symptômes.

Les problèmes d’accessibilité restent entiers lorsqu’il n’est pas possible d’acheminer les soins ou d’évacuer les malades dans certaines zones du Monde.

La question financière, dans des pays économiquement sinistrés, où les épidémies font des ravages doit être également soulevée. Ainsi, pour Ebola : un traitement peut agir au premier stade de l’infection, c’est un antiviral, mais chaque comprimé vaut 13 euros, et il en faut 6 pour espérer contrer la maladie.
Le bilan de cette course contre la mort reste donc très mitigé:
– Le monde va « trop vite » quand il précipite des flots de réfugiés sur les routes, à l’écart de toute prise en charge sanitaire, quand les villes et leurs hôpitaux sont détruits, quand les virus, les bactéries ne peuvent être annihilés que par des thérapies hors de prix pour les malades.
– Mais le monde n’ira jamais « trop vite » quand on peut transférer un organe en moins de 8 heures du donneur au receveur, quand on peut soigner « in utero », quand on peut protéger, informer par voie audiovisuelle, par internet, par satellite de communication.

Une conférence très intéressante croisant habilement ce thème de la vitesse avec les progrès dont elle a pu bénéficier à travers les âges.