Compte-rendu de la matinée de travail du vendredi 27 octobre 2006.
Les Clionautes sont reçus par M. Lebeau, maire de Chevroches depuis 15 ans, Conseiller Général, Vice-président de la communauté de communes des Vaux d’Yonne et Président depuis janvier 2006 du Syndicat mixte du canal du Nivernais.
Les Clionautes et M. Lebeau, Mairie de Chevroches.
Les Clionautes et M. Lebeau, Mairie de Chevroches.

Le canal du Nivernais : un élément structurant pour l’aménagement et le développement local.

Construit entre 1784 et 1842 afin d’acheminer le bois de chauffage du Morvan à Paris (voir l’article sur le flottage à Clamecy), le canal du Nivernais relie la vallée de la Loire à l’Yonne et à la Seine. A la fin du XIXe siècle, sa portion centrale ne sera pas mise au
« gabarit Freycinet » et son activité va rapidement décliner. Le canal a servi dans la région de Chevroches-Clamecy au transport de la pierre, du charbon dans la région de Decize-La Machine, des céréales. Son renouveau commence dans les années 1970 avec le développement du tourisme rural et de la navigation de plaisance. Des ports de plaisance sont alors aménagés, et des sociétés de location de bateaux s’installent. Le canal est fréquenté du printemps à l’automne, à 75% par des étrangers, essentiellement des Européens du Nord (Britanniques, Hollandais, Belges…).

Au delà du tourisme, les élus locaux souhaitent faire des environs du canal un espace de vie, un axe de développement dans le département de la Nièvre, département rural, qui connaît un fort déclin démographique, un vieillissement de la population et un taux de chômage élevé. Pour que cet espace attire de nouveau et fixe de la population, il faut envisager d’améliorer les relations avec Paris, de rendre possible le travail à domicile grâce aux nouvelles technologies de communication par exemple. Un contrat de projet est mis en oeuvre entre Etat/Région/Syndicat mixte du canal. Il prévoit trois pôles de développement dans la Nièvre autour de Clamecy, Baye/Vaux et Decize. Ces pôles doivent être de moyenne dimension pour s’insérer dans un cadre rural préservé. Les objectifs sont les suivants:

– Créer de l’hébergement touristique : campings, hôtels, bases d’accueil, gîtes et chambres d’hôtes.

– Augmenter l’offre touristique : centre équestre, descente canoë de l’Yonne, escalade… L’idée est de pérenniser ces activités en offrant une possibilité d’activités à la clientèle locale, et une rentabilité économique grâce à la fréquentation touristique.

Deux cabinets d’études travaillent à ces projets : le cabinet Omega, basé à Toulouse et spécialisé dans l’aménagement des canaux en France, et le cabinet Hôtel République qui a élaboré le concept de « civilisation canal ».

A Clamecy, le projet « civilisation canal » passe par la valorisation du flottage du bois, qui doit devenir objet de fierté locale et de développement. La Communauté de communes va créer un fac-simile d’un train de bois, basé au port de Clamecy, vers le pont de Bethléem.

Clamecy - Pont de Bethléem
Clamecy - Pont de Bethléem

Ce train de bois permettra une découverte de l’Yonne pour des groupes d’une dizaine de personnes. Un sentier d’interprétation de découverte du flottage va être créé, ressource touristique d’inspiration nordique qui comportera des activités diverses. Des produits dérivés sont à inventer : crayons de bois, repas du flotteur dans les restaurants… Cette mise en valeur ne doit pas être passéiste, mais tournée vers l’avenir.

Enfin, une réflexion sur les nouvelles problématiques du bois est à mener à l’échelle déparrtementale. La Nièvre est un département qui compte 225.000 ha de forêt pour 225.000 hab. mais l’essentiel de la transformation se fait hors du département et la réflexion sur le développement touristique est tout juste amorcée.

Le projet du Domaine de Noe sur la commune de Chevroches.

Chevroches est une commune de 140 habitants, sur 120 hectares. La commune s’étend sur un ancien méandre de l’Yonne, site classé. Le canal du Nivernais et l’Yonne traversent la commune. L’ensemble de la commune est soit en site classé, soit en site inscrit. Les prés au bord de l’Yonne, inondables, sont inconstructibles. La commune comporte aussi des anciennes carrières, en surplomb du méandre. Malgré la proximité de Clamecy, la population n’évolue pas, puisque les possibilités d’extension du bâti sont rares…

Le site de Chevroches
Le site de Chevroches

En 1998, une résidence de tourisme est créée dans la Nièvre, à Gimouille, à proximité de Nevers et Magny-Cours. L’investisseur, M. Blanco, qui réalise ce projet, a l’intention de créer plusieurs résidences à thème dans le département, et notamment une résidence en lien avec le canal du Nivernais. La mairie de Chevroches est alors intéressée par ce projet. Un terrain est acquis, en bordure du canal. Les rives du canal sont du domaine public, une part du projet sera donc financé par des fonds publics : port + restaurants et capitainerie, la partie résidentielle dépend du promoteur privé. L’aménagement du port est financé à 80% par des aides (Etat, Région, Feder). C’est ce typede financement mêlant étroitement investissements publics et privés qui a valu à ce projet, Le «domaine de Noé» de recevoir le prix de l’ingénierie touristique par le ministère du tourisme en 2004.

Domaine de Noe
Domaine de Noe

Une fois le projet arrêté, la procédure de demande de permis de construire est lancée. Une villa gallo-romaine est connue sur le site retenu, la DRAC demande un déplacement du port. Il faut modifier le permis de construire. La villa gallo-romaine s’avère plus vaste que prévue, les sondages archéologiques sont menés sur les 11 ha du site, et on découvre également un cimetière mérovingien, et des vestiges néolithiques.

Le port du domaine de Noe
Le port du domaine de Noe
Emplacement des pavillons dans la forêt
Emplacement des pavillons dans la forêt

Une association de protection de l’environnement s’oppose au projet : elle entend faire respecter le patrimoine découvert sur le terrain et attaque donc le permis de construire, afin que les pavillons prévus sur le périmètre du cimetière soient déplacés. Les tribunaux aministratifs lui donnent raison, et après cinq années de recours, un accord vint enfin d’être signé entre les partisans et adversaires du projet, sous légide du préfet.

La véritable faille, soulignée par M. LEBEAU, est l’absence, dans les communes rurales, de Plan Local d’Urbanisme (PLU) et de Schéma Coordonnateur de l’Organisation des Territoires (SCOT), qui renforce a probabilité de conflits sur l’espace.

S’agit-il en effet de protection de l’environnement ? Ou est-ce plutôt un conflit d’usage entre les acteurs locaux de l’aménagement, impatients de redynamiser leur territoire et soutenus par les habitants, et les néo-ruraux venus chercher le calme et la beauté des paysages nivernais ?