Par Hovig Ter Minassian – Université de Tours

Les travaux de recherche présentés visent à analyser comment les joueurs s‘approprient les mondes numériques.

Il y a un décalage entre la bande annonce de Tomb Raider qui est construite selon une logique d’exploration et la réalité de la pratique du jeu qui est moins spectaculaire. D’un côté, il y a l’exploration, l’action, de grands espaces et de l’autre, il est fréquent que les joueurs soient enfermés dans des espaces dont ils parviennent laborieusement à sortir. C’est une situation relativement commune.

Il y a de plus de en plus de gens qui jouent aux jeux vidéo mais paradoxalement l’appropriation des espaces dans les jeux est inégale. Se pose donc la question des usages de l’espace dans les jeux vidéo, des outils utilisés pour se déplacer et des compétences spatiales mobilisées pour jouer.

Dans le cadre d’un projet ANR LUDESPACE (2011- 2014) une grande enquête a été réalisée par téléphone auprès des joueurs suivi d’entretiens pour identifier qui sont joueurs et quelles sont leur pratiques. Certains joueurs ont ensuite été filmés dans leur contexte de jeu habituel (à domicile).

Pourquoi joue-t-on ?

Les jeux d’exploration attirent pour différentes raisons. Certains joueurs sont attirés par l’exploration dans les jeux vidéo. D’autres éprouvent du plaisir à retrouver les univers familiers de la science-fiction et des environnements fantaisistes. D’autres encore sont sensibles à la liberté d’agir et à la possibilité de façonner l’univers du jeu. Les joueurs se positionnent entre deux pôles antagoniques : l’affectif où prédomine le plaisir de l’exploration et le fonctionnel où priment les possibilités offertes par le jeu. Le positionnement d’un joueur entre les deux pôles évolue dans le temps. Même les joueurs qui aiment explorer, ont un rapport très utilitariste de l’espace quand ils dessinent l’espace du jeu.

Comment joue-t-on ?

Le déplacement dans le jeu peut être gêné par la manipulation de la manette mais aussi par l’immensité des espaces. Les joueurs se perdent dans le jeu ce qui fait partie de l’expérience du jeu. Il existe parfois des outils pour d’orienter (carte, boussole) mais les joueurs ne parviennent pas toujours à s’en servir. L’enquête fait ressortir la difficulté d’orientation des joueurs dans le jeu. Par pallier à cela, certains joueurs dessinent des cartes de l’espace du jeu quand il n’en contient pas.

Il a été demandé aux personnes enquêtées de dessiner la carte mentale d’un jeu. Certains joueurs ont été déstabilisés par la demande, ne sachant pas quoi dessiner ni comment. L’exercice est plus aisé pour les gros consommateurs de jeu. Malgré les difficultés, les joueurs continuent à jouer. Le jeu a un rôle d’immersion, ce qui limite les interactions avec les autres joueurs. Certains joueurs expriment le plaisir de regarder les autres jouer.

Finalement, les argumentaires commerciaux qui mettent en avant la beauté et la grandeur des espaces sont déconnectés de la pratique réelle des joueurs.