Si l’opinion a été surprise par l’élection de Donald Trump, celle-ci n’est pas un pur accident. Elle révèle les malaises d’une société en prise avec des contradictions qu’elle ne sait plus articuler, dans une crise profonde qu’elle ne peut plus ignorer.
Les intervenants : cette conférence-débat en partenariat avec les Clionautes, a été présentée par Jean-Michel Crosnier, professeur d’histoire et de géographique au lycée du Grésivaudan à Grenoble-Meylan, membre des Clionautes, référent du festival de géopolitique et par Jean-Marc Huissoud, directeur du festival de Géopolitique et enseignant chercheur à l’école de Managment de Grenoble (GEM) et animée par Marc de Velder, professeur agrégé d’histoire et diplômé de l’IRIS, enseignant au lycée Henri IV à Béziers, membre des Clionautes.

L’élection de Donald Trump aux élections présidentielles américaines le 8 novembre 2016 a surpris autant une grande partie de l’opinion américaine que celle dans de nombreux pays dans le monde. Les enquêtes d’opinion semblaient montrer une victoire éventuelle de l’ancienne ex-secrétaire d’Etat américaine, Hilary Clinton. Le candidat américain l’emporte sur la candidate démocrate en obtenant 306 grands électeurs contre 232. Or, il est devancé par sa rivale au plan national, soit près de trois millions de voix d’écart, remportant cependant une élection présidentielle sans avoir obtenu la majorité des sufffrages populaires. Les deux intervenants proposent d’expliquer le système électoral original des Etats-Unis et le fait que l’investiture de Donald Trump, républicain, correspondrait à un double contexte, d’abord un contexte immédiat, celui des populations américaines de condition modeste mais pas pauvres vivant surtout dans des territoires ruraux, gravement touchées par la crise des subprimes et donc subitement déclassées et ensuite un contexte plus profond d’une géographie électorale héritière en partie d’une identité religieuse et culturelle dominante ancrée dans une géographie spatiale différenciée.

Le vote républicain et les électeurs, origines et constat

Un système électoral américain original

Jean-Marc Huissoud ouvre le premier cette conférence en présentant rapidement le système électoral américain bien différent du notre, français. Les électeurs votent pour les candidats à la présidence et à la vice-présidence. Dans chaque Etat, en fonction des résultats du vote, les candidats engrangent des grands électeurs. Les grands électeurs sont 538 au total, et leur nombre varie selon les Etats, en fonction de leur population. Chaque Etat a autant de grands électeurs que d’élus à la Chambre des représentants (nombre qui dépend de leur population) et au Sénat (deux, nombre fixe dans tous les Etats). Ces grands électeurs, qui composent le collège électoral, éliront ensuite officiellement le 19 décembre le président et le vice-président, une formalité. Un candidat doit obtenir la majorité absolue des 538 grands électeurs, soit 270.
Dans tous les Etats sauf deux, le candidat qui remporte la majorité des voix rafle tous les grands électeurs de l’Etat. Dans le Nebraska et le Maine, ces grands électeurs sont attribués à la proportionnelle.

Depuis les premières élections présidentielles en 1789 et modifiées à partir de 1804 par le XIIe amendement, le système électoral américain a peu changé, tout au moins la Constitution n’a pas été modifiée. Se pose le problème de la fiabilité des sondages et de la stupeur d’une partie de l’électorat américain au moment de la proclamation des résultats. Est-ce que l’élection de Donald Trump pouvait être prévisible? Il est important de souligner comme le fait remarquer le conférencier que le décalage entre les sondages et les résultats des votes vient peut-être d’une difficulté à capter le vote des populations, soit très paupérisées qui ne participent pas aux sondages d’intention de vote parce qu’on ne peut pas les joindre par internet, soit des populations qui se sont détournées de la politique et qui se sont ralliées à Donald Trump dans les dernières semaines de la campagne. Le sondage n’est pas un pronostic, ni un indicateur de victoire, mais bien une photo à un instant précis de l’opinion électorale. On peut imaginer qu’il y a des éléments de dernière minute, ou des mobilisations différentielles, c’est-à-dire le camp d’un candidat qui se mobilise plus que l’autre et qui peut faire jouer à la marge les rapports électoraux et provoquer des surprises électorales comme c’est le cas aujourd’hui aux Etats-Unis.

Cependant, des signes avant coureurs expliquent que Hilary Clinton n’allait pas gagner ces élections. Déjà en 2015, le parti républicain avait remporté la majorité des sièges à la chambre des représentants, en particulier un groupe de représentants ultra conservateurs qui s’étaient fait remarquer par une certaine radicalisation sur des thèmes comme les droits de l’homme avec la remise en cause de cette valeur fondamentale américaine, sur la remise en cause aussi du droit à l’avortement, certes des thèmes minoritaires, mais des thèmes entrés dans certains discours politiques chez les Républicains. Ce qui a surtout joué en faveur de Donald Trump, ce furent les effets et le traumatisme de la crise économique et financière qui ont touché en 2008 en grande partie les populations, petits propriétaires terriens des régions plutôt rurales, éloignées des grandes métropoles comme les habitants du Missouri, de l’Ohio, de l’Illinois qui ont rejeté les élites.

Un contexte économique et social de crise à la veille des élections présidentielles

Un des premiers facteurs qui explique en partie le vote républicain dans les régions Centre et Sud-Est des Etats-Unis fut la crise des subprimes. Ce sont des prêts immobiliers accordés à partir des années 2000 à des ménages américains qui ne remplissent pas les conditions pour souscrire un emprunt immobilier classique. Un nouveau mécanisme financier leur ouvre un accès au crédit: les emprunts qu’ils contractent sont gagés sur la valeur de leur bien immobilier, qui ne cesse de grimper. Certains le sont même sur les plus-values latentes que ces ménages pouvaient espérer réaliser. Les ménages américains s’endettent et le système atteint rapidement ses limites à partir de 2006. Les prix de l’immobilier s’effondrent et parallèlement les taux de crédit variable remontent, si bien que nombre de ménages ne peuvent plus honorer leurs mensualités et leurs biens immobiliers sont saisis. Cela entraîne une grave crise financière et bancaire aux Etats-Unis et cette crise va ensuite se répandre dans le monde entier. Les petits propriétaires, les classes moyennes touchées de plein fouet par la crise des subprimes rejoignent tous les déclassés de la société américaine auxquels l’administration de Barak Obama ne trouve pas de solutions. Plus de 15% des actifs sont touchés par la crise, ajoutés aux 35 millions de pauvres, aux quatre millions de prisonniers, soit 2% de la population active en prison, le nombre des exclus, des déclassés augmentent fortement et ne croient plus au slogan «Yes we can» prononcé lors de la première campagne présidentielle de Barack Obama en 2008.

D’autres facteurs ont joué auprès de ces classes sociales américaines affaiblies économiquement, comme la guerre en Irak. Beaucoup de soldats issus de ces classes défavorisées et au sentiment national très fort se sentirent humiliés par les échecs militaires, ajouté à des soldes dérisoires, beaucoup parmi eux refusèrent de se battre et de partir vers d’autres fronts d’opération. Plus de trente mille déserteurs auraient fui au Canada. Tout cela peut expliquer ce revirement électoral en faveur de Donald Trump.

Les nations américaines selon Colin Woodard, une thèse originale

Jean-Marc Huissoud s’appuie sur le livre de Colin Woodard publié en anglais en 2011 American Nations : A History of the Eleven Rival Regional Cultures of North America pour comprendre la géographie électorale des Américains. Pour rédiger son livre, le journaliste Colin Woodard a analysé les résultats électoraux, les données démographiques et des sondages d’opinion menés depuis l’arrivée des premiers colons en Amérique du Nord. Il propose dans ce livre de voir dans les Etats-Unis d’aujourd’hui une Amérique divisée culturellement et aussi sur le plan religieux. Il y voit un découpage de onze zones culturelles régionales et rivales, onze cultures distinctes partageant les Etats-Unis en particulier sur le rôle de l’Etat et de la liberté individuelle. Ce découpage en onze nations américaines expliquerait en partie le vote électoral. Jean-Marc Huissoud nous fait découvrir cette thèse originale non traduite en français et nous propose plusieurs lectures de cartes électorales américaines, les dernières, celles de novembre 2016 avec la victoire de Donald Trump.
le journaliste Colin Woodard rejette donc les divisions habituelles entre le Nord et le Sud, entre les deux côtes et le centre, ou encore entre États bleus ou rouges. L’auteur recense plutôt 11 cultures régionales aux ambitions bien opposées; 11 nations qui s’affrontent depuis 200 ans à tous les niveaux, de la politique aux enjeux sociaux, afin d’influencer la direction et les valeurs même du payshttp://ici.radio-canada.ca/nouvelles/special/2016/7/11-nations-pays-etats-unis/index.html.

Colin Woodard publié en anglais en 2011 American Nations : A History of the Eleven Rival Regional Cultures of North America

Colin Woodard dresse une typologie des onze «nations» américaines. Il identifie en premier les «Yankeedom» une zone englobant tout le Nord-Est de New York et s’étendant au Michigan, au Wisconsin et au Minnesota. Selon lui, les Yankeedom valorisent l’éducation, la réussite intellectuelle, l’autonomisation communautaire et la participation des citoyens au gouvernement comme un bouclier contre la tyrannie. Les Yankees sont à l’aise avec la réglementation gouvernementale. Colin Woodard note que les Yankees ont une tendance «utopique». La région a été colonisée autrefois par des calvinistes radicaux. Cela expliquerait en partie le vote plutôt démocrate.

Puis, il distingue une zone suivante la «New Netherland» dominée par une culture hautement commerciale, matérialiste, avec une profonde tolérance pour la diversité ethnique et religieuse et un engagement sans faille pour la liberté d’expression et de conscience. C’est un allié naturel des Yankeedom; cette zone englobe New York City et le nord du New Jersey. Le journaliste rappelle que cette zone a été colonisée par les Hollandais.
Il distingue ensuite les Midlands, une zone sur laquelle s’établirent les Quakers anglais. Cette troisième zone est caractérisée par une société bourgeoise accueillante qui a engendré la culture du «Heartland américain». L’opinion politique est modérée et la réglementation gouvernementale semble désapprouvée. Colin Woodard qualifie les Midlands, un large espace ethniquement diversifié, de «grande région de swing de l’Amérique». Les Midlands englobent les Etats du New Jersey, Pennsylvanie, Ohio, Indiana, Illinois, Missouri, Iowa, Kansas et le Nebraska ayant voté largement républicain.

Ensuite, Colin Woodard distingue une quatrième zone, «Tidewater», fondée selon lui par la jeune gentry anglaise dans la région autour de la baie de Chesapeake et en Caroline du Nord. Cette zone anciennement esclavagiste accorde une grande importance au respect de l’autorité et de la tradition qui a portant voté démocrate. Colin Woodard note que cette zone la Tidewater est en déclin, en partie à cause de l’expansion autour de D.C. et de Norfolk.

Une quatrième zone, les Appalachiens, «Greater Appalachia», couvrant des régions anciennement colonisées par les colons d’origine allemande et scandinave, des régions frontalières au temps de la conquête de l’Ouest, valorisent la souveraineté personnelle et la liberté individuelle. Ces populations sont ouvertement hostiles aux aristocrates et aux classes supérieures et donc éprouvent une grande méfiance à l’égard du gouvernement fédéral. Elles se rangent du côté du Sud profond pour contrer l’influence du gouvernement fédéral. Les populations du Grand Appalachia se sont opposées autrefois à l’économie esclavagiste des plantations couvrant les régions du Kentucky, du Tennessee, de la Virginie Occidentale, de l’Arkansas, du Missouri, de l’Oklahoma, de l’Indiana, de l’Illinois et du Texas. Aujourd’hui, ce berceau de la musique country est majoritairement républicain.

Le Deep South dont les principales villes sont Charleston, Atlanta, Houston, Mobile, Jacksonville, La nation a été fondée par de riches propriétaires de plantations des Antilles qui ont recréé la société esclavagiste à laquelle ils s’identifiaient, c’est-à-dire un gouvernement basé sur les droits d’une élite. Après la guerre de Sécession et l’abolition de l’esclavage, elle s’est toujours battue pour un contrôle local de l’État et a lutté contre l’expansion des pouvoirs fédéraux. L’ensemble de ces Etats du Deep South a une structure sociale très rigide et lutte contre la réglementation gouvernementale qui menace la liberté individuelle. Il s’agit de l’Alabama, la Floride, le Mississippi, le Texas, la Géorgie et la Caroline du Sud votant en partir démocrate sauf le Texas, l’Arkansas majoritairement républicain.

La sixième région, «El Norte», concerne le Texas, l’Arizona, le Nouveau-Mexique et la Californie. Composé des confins de l’empire hispano-américain, «El Norte» a «une place à part» du reste de l’Amérique, selon Woodard. La culture hispanique domine et la région valorise l’indépendance, l’autosuffisance et le travail acharné avant tout. Aujourd’hui, cette nation historiquement républicaine l’est de moins en moins en raison de son évolution démographique. Ainsi, aux élections de 2012, le Nouveau-Mexique et le Colorado ont voté pour le démocrate Barack Obama.

La «Left Coast», une nation définie par l’océan Pacifique d’un côté et les chaînes de montagnes côtières de l’autre (la Californie côtière, l’Oregon et Washington) a été colonisée par les nations de la Nouvelle-Angleterre (marchands, missionnaires, ébénistes) et des Appalaches (fermiers et prospecteurs). Cette zone est un mélange de l’utopisme yankee, de l’indépendance et de l’esprit d’exploration des habitants de la «Greater Appalachia», zone plutôt démocrate.

Le «Far West» avec les grandes villes de Las Vegas, Denver, Salt Lake City incarne quant à lui l’ouest conservateur. Développé grâce à de gros investissements dans l’industrie ferroviaire, , mais où les habitants continuent à ressentir les intérêts de l’Est qui contrôlaient initialement cet investissement. Parmi les États du Far West figurent l’Idaho, le Montana, le Wyoming, l’Utah, Washington, l’Oregon, le Dakota du Nord, le Dakota du Sud, le Colorado, le Nevada, l’Utah, le Nebraska, le Kansas, l’Arizona et la Californie.

L’avant dernière «nation» américaine La «New France» (la Nouvelle France) est une poche de libéralisme nichée dans le Grand Sud, ses habitants sont déterminés par le consensus, tolérants et à l’aise avec la participation du gouvernement dans l’économie. Woodard dit que la Nouvelle France est parmi les endroits les plus libéraux en Amérique du Nord. La Nouvelle-France se concentre autour de la Nouvelle-Orléans en Louisiane ainsi que de la province canadienne du Québec.

The «The First Nation» est composé des principales régions qui sont l’Alaska, le Yukon, Nunavut, le Groenland, au nord des provinces canadiennes. Un peu comme la nation Far West, celle-ci s’étend sur un vaste territoire au climat hostile. La zone comprend le nord du continent, de la forêt boréale à la toundra, et aux glaciers. Il existe toutefois une différence importante entre les deux nations : ses populations autochtones continuent d’y vivre et la plupart d’entre elles n’ont jamais abandonné les droits sur leurs terres par des traités.
Pour Woodard, parmi ces onze nations, Yankeedom et le Sud profond exercent le plus d’influence et sont constamment en compétition les uns avec les autres pour s’imposer aux autres nations, aux autres régions américaines et influencer le gouvernement.

Jean-Michel Crosnier prend à son tour la parole et axe sa conférence sur l’analyse de la stratégie politique de Donald Trump à déstructurer ce qui a été mis en place par son prédécesseur pour établir un système propre à lui ou propre à son électorat.

(Compte-rendu rédigé par Jean Michel Crosnier © Les Clionautes)

Quelle politique, quelle stratégie adoptée par Donald Trump?

Une victoire démocrate attendue… mais sans enthousiasme

  • Hillary Clinton, erreur de casting ? Hillary a déjà perdu une primaire qui s’annonçait royale face à un tout jeune sénateur démocrate en 2008. C’est donc légitimement son tour en 2016. Bush père et fils se sont bien succédés à la Maison Blanche, un même destin attend cette fois les Clinton.
  • Bernie Sanders, le grain de sable dans la machine démocrate. Mais l’opposition démocrate de gauche, traditionnellement marginalisée depuis Mc Govern, connait son heure de gloire avec un vieux routier, le sénateur du Maine Bernie Sanders, qui va se montrer beaucoup plus pugnace que prévu en capitalisant les déceptions envers Obama de la base démocrate (minorités, jeunes urbains, on y reviendra).
    => Défaite contre un jeune inconnu en 2008 et affaiblissement aux conséquences que l’on sait face à un vieux tribun anti-élites en 2016 : pourtant, Hillary pouvait être optimiste une fois vainqueur des primaires démocrates. En face, les candidats sont légion et surtout présentent un visage radical qui doit mécaniquement avantager la candidate centriste.

Trump, le révélateur d’une Amérique en colère

  • Trump le milliardaire new-yorkais défenseur des Red Necks. Au lieu des candidats attendus issus des votes Tea Party, c’est Trump qui sort, tel un joker, du chapeau des primaires républicaines. Le milliardaire new-yorkais paraît traîner quelques casseroles : il n’est pas du Sud ni de la Bible Belt, son programme protectionniste apparaît dissonnant aux yeux des ténors du Parti, mais il a en revanche des atouts sous-estimés : expert des médias et de la télé-réalité, il va quasi-ridiculiser ses rivaux dans des joutes oratoires mêlant mensonges et insinuations personnelles, et ses attaques intentionnellement outrancières contre les minorités ravissent cette Amérique blanche qui se voit comme perdante.
  • Un macho grossier contre une femme éduquée. Autant que les minorités ethniques, les femmes sont clairement la cible d’un macho assumé qui se rôde en prévision de son duel final contre celle qui se présente comme la femme éduquée, ferme sur les principes moraux et championne des minorités, en bref de ce politiquement correct abhorré par la base républicaine.
    Trump le New-Yorkais réussit donc à récupérer une base révoltée qui s’était structurée avec les élections de mid-term de 2010 autour du mouvement du Tea Party qui avait initialement échoué avec la candidature à la vice-présidence de Sarah Palin en 2008. Il est également significatif que la victoire de Trump se soit dessinée, la nuit des élections, d’abord par les résultats dans la Floride multiculturelle puis à l’évidence avec les Etats de la Rust Belt qui auraient dû voter démocrate…
  • L’Amérique blanche contre l’Amérique des minorités : Les Hillbillies ou les oubliés des élites. Or, la campagne électorale d’Hillary ne voit pas ce mouvement comme un résidu – pouvant certes connaître des soubresauts – des rancœurs de la vieille Amérique de l’esclavage et de la ruralité face à l’addition numérique des minorités ethniques et culturelles alliées aux populations urbaines et connectées. Rappelons qu’Obama avait aussi gagné en étant le premier à mobiliser un électorat traditionnellement abstentionniste par les réseaux sociaux.
  • Le rejet du politiquement correct au delà du GOP. Au contraire, l’électorat GOP voit en la candidate Clinton la cristallisation de deux rejets : celle d’une part de l’élite fédérale, gouvernementale et financière et celle d’autre part des minorités bénéficiant de l’ Affirmative Action et revendiquant ses droits bruyamment et donc de façon choquante. Revenons plus concrètement sur ce que sont les soutiens de la base populaire de Trump. L’exemple des Hillbillies est parlant…

Divine surprise et chaos fondateur

  • Les stratèges de la victoire au pouvoir : Bannon et Ivanka. Steve Bannon et le site en ligne Breitbart financé par les frères Koch ont compris bien avant les médias traditionnels que les courants contre le pouvoir des élites pouvaient se fédérer autour de la candidature de Trump, y compris les plus violents verbalement ou en actes. Que le candidat refuse de condamner le soutien du KKK par exemple est un signe qui aurait dû alerter l’équipe de campagne d’Hillary qui s’en indigne sans voir le bénéfice politique de ces dérapages pour l’adversaire. Bannon a compris que l’heure des populistes, sinon celle de l’extrême-droite, arrive enfin avec les régimes « illibéraux » européens et la convergence culturelle avec la Russie de Poutine.
    Ivanka, la fille aînée, proche de Bannon, qui considère que la victoire sera pour la fois prochaine et qu’il faudra continuer à labourer le terrain, envisageait de se présenter 4 ans plus tard. Face à la divine surprise de l’élection, ce sont eux qui vont organiser l’équipe dirigeante du nouveau président, qui se préparait à jouer son rôle d’opposant irréductible…
  • Gouverner par tweets – Le discours à l’ONU. Choquer d’abord la bien-pensance, c’est autant sur la forme que sur le fond : annoncer par des tweets de 140 caractères la ligne politique et les mesures prises par le président de la 1ère puissance mondiale et admonester à la tribune de l’Onu ceux qui entravent politiquement et économiquement l’ America First. Le ton de l’imprévisibilité est lancé…

Trump, l’accélérateur du déclin de l’empire américain ?

  • Corée du Nord : qui est le plus fou ? D’excellents documentaires récents – l’un sur Fr2 et l’autre sur Arte – ont disséqué la genèse de l’obsession nucléaire de la famille Kim et les erreurs stratégiques des EU à leur endroit. Les développements récents de la confrontation semblent donner de façon inattendue raison à ceux qui considèrent une confrontation militaire comme improbable et en tout cas pas l’option nyord-coréenne. Si on se place du point de vue de Kim-Jung-Un, il a obtenu ce qu’il voulait, c’est-à-dire menacer les EU sur leur territoire. D’où l’offensive de charme diplomatique, d’abord avec les Sud-Coréens aux JO (rappel : ceux-ci ont été obtenus par la Corée du Sud 8 ans plus tôt, donc le moment choisi ne peut être un hasard), puis la demande de sommet à 2 que Trump en bateleur professionnel s’est empressé d’accepter. 2 remarques : Trump peut-il jouer la fermeté en exigeant la dénucléarisation de la Corée du Nord? Encore faudrait-il s’entendre sur le sens du mot qui manifestement ne veut pas dire la même chose des 2 côtés…
  • L’isolationnisme, comme retour à l’ADN de la nation. Ce point terminal, je vous propose de l’aborder comme conclusion à débattre : Et si le tonitruant Trump n’était que l’expression « médiatique » du repli sur soi de l’Amérique récurrent depuis les origines de la Constitution de 1787 ?

Cette conférence très instructive se termine sur cette interrogation. Jean-Marc Huissoud et Jean-Michel Crosnier nous ont proposé une riche réflexion qui sort des sentiers battus en puisant sur des sources originales et peu médiatisées offrant un éclairage nouveau sur la personnalité de Donald Trump et sur les choix de sa politique internationale pas si éloignés sur le fond avec une certaine continuité de la politique suivie des anciens présidents républicains comme Ronald Reagan, mais en rupture sur la forme et le choix de certains partenaires. Donald Trump semble vouloir satisfaire d’abord son électorat sans être populiste pour autant et ensuite appliquer sa vision personnelle de la gouvernance américaine et mondiale comme un opportuniste et un ploutocrate.