Professeur des universités en sciences de l’éducation à l’université Rennes 2, Brigitte Albero était l’invitée des organisateurs de l’AREF pour clore l’édition 2016 de ce congrès qui était consacré aux influences qui s’exercent sur les questions que les chercheurs se posent.

C’est en prenant appui sur la différenciation des champs scientifique, académique et de recherche et en argumentant un renversement de perspective dans la prise en compte de la responsabilité des chercheurs sur les connaissances qu’ils produisent que l’intervenante expose son propos en ce jeudi 7 juillet 2016.

A la fois inquiète et motivée mais en tous cas engagée, Brigitte Albero nous interroge sur une réduction de l’autonomie de la recherche par les formes actuelles de l’administration de la science et de la recherche. Elle montre les limites de l’instrumentalisation, de l’industrialisation et de la réification de la connaissance qui font courir le risque d’une transformation du chercheur en simple « opérateur technique » d’un processus dont il ne maîtriserait plus la totalité. Confrontés à des situations de restructuration permanente de leurs environnements de travail, les chercheurs développent des stratégies de retrait, d’évitement, d’adaptation, de révolte.

Face à ce constat, Brigitte Albero refuse le fatalisme argumente en faveur d’une consolidation de la « section » en « discipline » capable de développer, enseigner et diffuser des corpus communs de connaissance à l’échelle nationale et francophone.

Elle montre que la tendance générale à se limiter à un champ de recherche trop étroit produit une fragilisation générale de la section : références insuffisantes aux publications des chercheurs en proximité mais considérés hors champ ; « babellisation » du domaine par hyperspécialisation illimitée ; instrumentalisation de la section utilisée par des chercheurs d’autres disciplines qui continuent leur carrière dans leur discipline d’origine sans contribuer au développement de celle qui leur fournit postes et promotions.

Après avoir montré les caractéristiques des déterminants qui influent sur les questions que les chercheurs se posent, Brigitte Albero, présidente de la 70ème section du CNU, en appelle donc à un renversement de perspective mettant en valeur la responsabilité des chercheurs dans leur manière d’organiser leur travail dans les champs scientifique, académique et de recherche. Il s’agit donc, d’après la conférencière, de s’engager dans une forme plus collective de travail en répartissant les efforts entre : le champ de recherche pour prendre plus méthodiquement en compte les travaux du domaine dans une perspective cumulative plus large que celle trop étroite de la spécialisation ; dans le champ académique, il s’agit de prendre en charge l’administration des activités, plutôt que d’accepter de la déléguer à d’autres disciplines, de manière à faire valoir les spécificités des Sciences de l’éducation et à les positionner plus favorablement dans le paysage des sciences humaines et sociales ; dans le champ scientifique, l’effort cumulatif et patrimonial est primordial pour, non seulement formaliser la socio-histoire de la discipline mais synthétiser de manière valide ses apports de connaissance en matière d’éducation et de formation.

En ce sens, c’est l’essence même du champ des sciences de l’éducation qui était ici questionnée dans un amphithéâtre hélas très clairseméDes sessions de symposiums étaient hélas bien vides également… en cette fin de semaine, veille de congés estivaux, alors même qu’il s’agissait d’un réel moment de réflexion collective

Pour faire écho à ces analyses réalistes, Marc Demeuse, professeur à Mons, complète le propos en évoquant, avec force d’humour et d’exemples parlants, que ce jeu de questions/réponses doit comporter certaines règles pour que celui-ci réponde à une activité scientifiquement valide et socialement utile, d’où la nécessité de s’accorder sur les objets et les méthodes.

C’est prioritairement en direction de la jeune génération de futurs chercheurs et enseignants, interpellée et assez bien représentée dans l’auditoire, que la communauté scientifique des sciences de l’éducation devra se tourner pour développer avec eux cette discipline sur laquelle il est impératif de travailler dès à présent.

A la proposition faite par Bernard Delvaux dans la conférence inaugurale de renommer la section « Sciences de l’apprendre » pour marquer un changement de paradigme, Brigitte Albero répond dans la conférence de clôture par deux propositions : l’une conservatoire et prudente « Sciences de l’éducation et de la formation tout au long de la vie » ; l’autre plus prospective et anticipatrice de phénomènes encore émergents « Sciences du développement humain ».